Citations sur bout
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“Je ne fume pas. Je me contente de sucer le bout des seins.”

Pierre Bourgeade (1927–2009)

Citations extraites de périodiques, Dans La Nouvelle Revue Française

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“Je ne me vois absolument pas comme un journaliste. Je suis un comédien de bout en bout. Vous pouvez m'ouvrir le bide et compter les lignes de blagues. Si les gens apprennent quelque chose en regardant [The Colbert Report], c'est un dommage collatéral.”

Stephen Colbert (1964) humoriste, satiriste et animateur de télévision américain

I don't perceive my role as a newsman at all. I'm a comedian from stem to stern. You can cut me open and count the rings of jokes. If people learn something about the news by watching the show, that is incidental to my goal.
en

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“Comment t’as fait pour t’en sortir? lui demande Einstein éberlué.
— J’sais pas. Là-bas, on se pose pas ce genre de question. On est là, et c’est tout. Tu t’y habitues. Tu crois que le plus dur est passé, mais t’es jamais au bout de tes surprises. C’est comme si tu marchais dans la vallée des ténèbres. Plus tu avances, plus tu t’enfonces. Et plus tu relèves, et plus tu te dis c’est pas possible, j’suis mort, c’sont d’autres diables qui prennent possession de mon corps. Je vous jure que c’est la vérité. Tu te dis je me connais, je connais mes limites, j’peux pas avoir parcouru tout ce chemin et rester vivant. C’est dingue. C’est ainsi que j’ai appris qu’un homme est capable d’aller au-delà de la mort et de revenir. Ça m’est arrivé. Vous savez ce qu’est le mitard? Eh bien, ça n’a rien à voir avec ce que l’on imagine, car il dépasse l’imagination. Toucher le fond, ça a du sens, au mitard. Quelqu’un qui a pas échoué au mitard peut pas savoir ce que c’est, toucher le fond. T’es au bas de l’échelle, et tu es absorbé par le sol comme une rinçure. Tu disparais de la surface de la Terre. T’es tellement mal que tu cesses de souffrir. Les minutes deviennent des jours, et les jours des éternités. Tu te mets à voir des choses incroyables, et le mur, dans le noir total, a soudain des oreilles et des yeux. C’est au mitard que j’ai senti la présence du Seigneur. Il était si près que je percevais son souffle sur mon visage. Il avait de la peine pour moi…”

Yasmina Khadra (1955) écrivain algérien

L’Olympe des Infortunes, 2010

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“Pour venir à bout des choses, le premier pas est de les croire possibles.”

Louis XIV (1638–1715) roi de France et de Navarre de 1643 à 1715

Apocryphes attribuées

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“… la rivière, la vie comme image du baluchon tenu à bout de bras au-dessus de l’eau, avant d’être submergé.”

Imre Kertész (1929–2016) écrivain hongrois

Journal de galère , Hongrie 1992, France 2010

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“Faire tout ce qu'il faut pour anéantir l'adversaire. Mais un fois qu'il a montré que c'était lui qui tenait le bon bout, s'allier de même cœur avec lui.”

Henry de Montherlant (1895–1972) romancier, essayiste, auteur dramatique et académicien français

Le Solstice de juin, 1941

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“Au bout de la piste on trouve toujours ou le chameau ou le proprietaire du chameau…”

Dorothy Dunnett (1923–2001) écrivaine britannique

The Disorderly Knights

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“C’est très bien qu’il y ait des Français jaunes, des Français noirs, des Français bruns. Ils montrent que la France est ouverte à toutes les races et qu’elle a une vocation universelle. Mais à condition qu’ils restent une petite minorité. Sinon, la France ne serait plus la France. Nous sommes quand même avant tout un peuple européen de race blanche, de culture grecque et latine et de religion chrétienne. Qu'on ne se raconte pas d'histoires! Les musulmans, vous êtes allés les voir? Vous les avez regardés avec leurs turbans et leur djellabas? Vous voyez bien que ce ne sont pas des Français! Ceux qui prônent l'intégration ont une cervelle de colibri, même s'ils sont très savants. Essayez d'intégrer de l'huile et du vinaigre. Agitez la bouteille. Au bout d'un moment, ils se sépareront de nouveau. Les Arabes sont des Arabes, les Français sont des Français. Vous croyez que le corps français peut absorber dix millions de musulmans, qui demain seront vingt millions et après-demain quarante? Si nous faisions l'intégration, si tous les Arabes et Berbères d'Algérie étaient considérés comme Français, comment les empêcherait-on de venir s'installer en métropole, alors que le niveau de vie y est tellement plus élevé? Mon village ne s'appellerait plus Colombey-les-Deux-Églises, mais Colombey-les-Deux-Mosquées!”

Alain Peyrefitte (1925–1999) homme politique, écrivain et diplomate français

C'était de Gaulle; Tome 1, Alain Peyrefitte, éd. éditions de Fallois/Fayard, 1994 (ISBN 978‐2‐213‐02832‐3), p. 52

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“dit-il. Il tint en l’air une chaîne, au bout de laquelle”

Le clan des McCoy : trilogie intégrale

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“Augmentez la dose de sports pour chacun, développez l'esprit d'équipe, de compétition, et le besoin de penser est éliminé, non? Organiser, organisez, super-organisez des super-super-sports. Multipliez les bandes dessinées, les films; l'esprit a de moins en moins d'appétits. L'impatience, les autos-trades sillonnées de foules qui sont ici, là, partout, nulle part. Les réfugiés du volant. Les villes se transforment en auberges routières; les hommes se déplacent comme des nomades suivant les phases de la lune, couchant ce soir dans la chambre où tu dormais à midi et moi la veille. (1re partie)

On vit dans l'immédiat. Seul compte le boulot et après le travail l'embarras du choix en fait de distractions. Pourquoi apprendre quoi que ce soit sinon à presser les boutons, brancher des commutateurs, serrer des vis et des écrous?

Nous n'avons pas besoin qu'on nous laisse tranquilles. Nous avons besoin d'être sérieusement tracassés de temps à autre. Il y a combien de temps que tu n'as pas été tracassée sérieusement? Pour une raison importante je veux dire, une raison valable?

- Tu dois bien comprendre que notre civilisation est si vaste que nous ne pouvons nous permettre d'inquiéter ou de déranger nos minorités. Pose-toi la question toi-même. Que recherchons-nous, par-dessus tout, dans ce pays? Les gens veulent être heureux, d'accord? Ne l'as-tu pas entendu répéter toute la vie? Je veux être heureux, déclare chacun. Eh bien, sont-ils heureux? Ne veillons-nous pas à ce qu'ils soient toujours en mouvement, toujours distraits? Nous ne vivons que pour ça, c'est bien ton avis? Pour le plaisir, pour l'excitation. Et tu dois admettre que notre civilisation fournit l'un et l'autre à satiété.

Si le gouvernement est inefficace, tyrannique, vous écrase d'impôts, peu importe tant que les gens n'en savent rien. La paix, Montag. Instituer des concours dont les prix supposent la mémoire des paroles de chansons à la mode, des noms de capitales d'État ou du nombre de quintaux de maïs récoltés dans l'Iowa l'année précédente. Gavez les hommes de données inoffensives, incombustibles, qu'ils se sentent bourrés de "faits" à éclater, renseignés sur tout. Ensuite, ils s'imagineront qu'ils pensent, ils auront le sentiment du mouvement, tout en piétinant. Et ils seront heureux, parce que les connaissances de ce genre sont immuables. Ne les engagez pas sur des terrains glissants comme la philosophie ou la sociologie à quoi confronter leur expérience. C'est la source de tous les tourments. Tout homme capable de démonter un écran mural de télévision et de le remonter et, de nos jours ils le sont à peu près tous, est bien plus heureux que celui qui essais de mesurer, d'étalonner, de mettre en équations l'univers ce qui ne peut se faire sans que l'homme prenne conscience de son infériorité et de sa solitude.

Nous sommes les joyeux drilles, les boute-en-train, toi, moi et les autres. Nous faisons front contre la marée de ceux qui veulent plonger le monde dans la désolation en suscitant le conflit entre la théorie et la pensée. Nous avons les doigts accrochés au parapet. Tenons bon. Ne laissons pas le torrent de la mélancolie et de la triste philosophie noyer notre monde. Nous comptons sur toi. Je ne crois pas que tu te rendes compte de ton importance, de notre importance pour protéger l'optimisme de notre monde actuel.”

Fahrenheit 451

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“L'idée commune que les bonnes habitudes qui ne nous ont pas été inculquées de force dans notre prime enfance ne peuvent se développer en nous plus tard dans la vie est une idée avec laquelle nous avons été élevés et que nous acceptons aveuglément, tout simplement parce qu'elle n'a jamais été contestée. Pour ma part, je la renie.
La liberté est nécessaire à l'enfant parce que seule la liberté peut lui permettre de grandir naturellement -- de la bonne façon. Je vois les résultats de l'asservissement dans mes nouveaux élèves en provenance d'écoles secondaires de toutes sortes. Ils ne sont qu'un tas d'hypocrites, avec une fausse politesse et des manières affectées.
Leur réaction devant la liberté est rapide et exaspérante. Pendant les deux premières semaines ils tiennent les portes pour laisser passer leurs professeurs, ils m'appellent "Monsieur" et se lavent soigneusement. Ils regardent dans ma direction avec respect, ce que je reconnais facilement comme de la crainte. Après quelques semaines de liberté, ils montrent leur vrai visage. Ils deviennent impudents, sans manières, crasseux. Ils font toutes les choses qui leur ont été défendues dans le passé : ils jurent, ils fument, ils cassent des objets. Et pendant tout ce temps ils ont une expression polie et fausse dans les yeux et dans la voix.
Il leur faut dix mois pour perdre leur hypocrisie. Après cela ils perdent leur déférence envers ce qu'ils regardaient auparavant comme l'autorité. Au bout de dix mois environ, ce sont des enfants naturels et sains qui disent ce qu'ils pensent, sans rougir, ni haïr. Quand un enfant grandit librement dès son jeune âge, il n'a pas besoin de traverser ce stade de mensonge et de comédie. La chose la plus frappante à Summerhill, c'est la sincérité de ses élèves.
La question de sincérité dans la vie et vis-à-vis de la vie est primordiale. C'est ce qu'il y a de plus primordial au monde. Chacun réalise la valeur de la sincérité de la part de nos politiciens (tel est l'optimisme du monde), de nos juges, de nos magistrats, de nos professeurs, de nos médecins. Cependant, nous éduquons nos enfants de telle façon qu'ils n'osent être sincères. (p. 154-155)”

Summerhill: A Radical Approach to Child Rearing

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“Quand Marco passait, tous les jeunes hommes Se penchaient pour voir ses yeux, des Sodomes Où les feux d'Amour brûlaient sans pitié Ta pauvre cahute, ô froide Amitié; Tout autour dansaient des parfums mystiques Où l'âme, en pleurant, s'anéantissait. Sur ses cheveux roux un charme glissait; Sa robe rendait d'étranges musiques Quand Marco passait. Quand Marco chantait, ses mains, sur l'ivoire, Évoquaient souvent la profondeur noire Des airs primitifs que nul n'a redits, Et sa voix montait dans les paradis De la symphonie immense des rêves, Et l'enthousiasme alors transportait Vers des cieux connus quiconque écoutait Ce timbre d'argent qui vibrait sans trèves, Quand Marco chantait. Quand Marco pleurait, ses terribles larmes Défiaient l'éclat des plus belles armes; Ses lèvres de sang fonçaient leur carmin Et son désespoir n'avait rien d'humain; Pareil au foyer que l'huile exaspère, Son courroux croissait, rouge, et l'on aurait Dit d'une lionne à l'âpre forêt Communiquant sa terrible colère, Quand Marco pleurait. Quand Marco dansait, sa jupe moirée Allait et venait comme une marée, Et, tel qu'un bambou flexible, son flanc Se tordait, faisant saillir son sein blanc; Un éclair partait. Sa jambe de marbre, Emphatiquement cynique, haussait Ses mates splendeurs, et cela faisait Le bruit du vent de la nuit dans un arbre, Quand Marco dansait. Quand Marco dormait, oh! quels parfums d'ambre Et de chair mêlés opprimaient la chambre! Sous les draps la ligne exquise du dos Ondulait, et dans l'ombre des rideaux L'haleine montait, rhythmique et légère; Un sommeil heureux et calme fermait Ses yeux, et ce doux mystère charmait Les vagues objets parmi l'étagère, Quand Marco dormait. Mais quand elle aimait, des flots de luxure Débordaient, ainsi que d'une blessure Sort un sang vermeil qui fume et qui bout, De ce corps cruel que son crime absout: Le torrent rompait les digues de l'âme, Noyait la pensée, et bouleversait Tout sur son passage, et rebondissait Souple et dévorant comme de la flamme, Et puis se glaçait.”

Oeuvres complètes de Paul Verlaine, Vol. 1 Poèmes Saturniens, Fêtes Galantes, Bonne chanson, Romances sans paroles, Sagesse, Jadis et naguère

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“je lui tendis les trois pommes vertes que je venais de voler dans le verger. Elle les accepta et m'annonça, comme en passant :

— Janek a mangé pour moi toute sa collection de timbres-poste.

C'est ainsi que mon martyre commença. Au cours des jours qui suivirent, je mangeai pour Valentine plusieurs poignées de vers de terre, un grand nombre de papillons, un kilo de cerises avec les noyaux, une souris, et, pour finir, je peux dire qu'à neuf ans, c'est-à-dire bien plus jeune que Casanova, je pris place parmi les plus grands amants de tous les temps, en accomplissant une prouesse amoureuse que personne, à ma connaissance, n'est jamais venu égaler. Je mangeai pour ma bien-aimée un soulier en caoutchouc.

Ici, je dois ouvrir une parenthèse.

Je sais bien que, lorsqu'il s'agit de leurs exploits amoureux, les hommes ne sont que trop portés à la vantardise. A les entendre, leurs prouesses viriles ne connaissent pas de limite, et ils ne vous font grâce d'aucun détail.

Je ne demande donc à personne de me croire lorsque j'affirme que, pour ma bien-aimée, je consommai encore un éventail japonais, dix mètres de fil de coton, un kilo de noyaux de cerises — Valentine me mâchait, pour ainsi dire, la besogne, en mangeant la chair et en me tendant les noyaux — et trois poissons rouges, que nous étions allés pêcher dans l'aquarium de son professeur de musique.

Dieu sait ce que les femmes m'ont fait avaler dans ma vie, mais je n'ai jamais connu une nature aussi insatiable. C'était une Messaline doublée d'une Théodora de Byzance. Après cette expérience, on peut dire que je connaissais tout de l'amour. Mon éducation était faite. Je n'ai fait, depuis, que continuer sur ma lancée.

Mon adorable Messaline n'avait que huit ans, mais son exigence physique dépassait tout ce qu'il me fut donné de connaître au cours de mon existence. Elle courait devant moi, dans la cour, me désignait du doigt tantôt un tas de feuilles, tantôt du sable, ou un vieux bouchon, et je m'exécutais sans murmurer. Encore bougrement heureux d'avoir pu être utile. A un moment, elle s'était mise à cueillir un bouquet de marguerites, que je voyais grandir dans sa main avec appréhension — mais je mangeai les marguerites aussi, sous son oeil attentif — elle savait déjà que les hommes essayent toujours de tricher, dans ces jeux-là — où je cherchais en vain une lueur d'admiration. Sans une marque d'estime ou de gratitude, elle repartit en sautillant, pour revenir, au bout d'un moment, avec quelques escargots qu'elle me tendit dans le creux de la main. Je mangeai humblement les escargots, coquille et tout.

A cette époque, on n'apprenait encore rien aux enfants sur le mystère des sexes et j'étais convaincu que c'était ainsi qu'on faisait l'amour. J'avais probablement raison. Le plus triste était que je n'arrivais pas à l'impressionner. J'avais à peine fini les escargots qu'elle m'annonçait négligemment :

— Josek a mangé dix araignées pour moi et il s'est arrêté seulement parce que maman nous a appelés pour le thé.

Je frémis. Pendant que j'avais le dos tourné, elle me trompait avec mon meilleur ami. Mais j'avalai cela aussi. Je commençais à avoir l'habitude.
(La promesse de l'aube, ch. XI)”

Promise at Dawn

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“Moi, Hassan, fils de Mohamed le peseur, moi, Jean-Léon de Médicis, circoncis de la main d'un barbier et baptisé de la main d'un pape, on me nomme aujourd'hui l'Africain, mais d'Afrique ne suis, ni d'Europe, ni d'Arabie. On m'appelle aussi le Grenadin, le Fassi, le Zayyati, mais je ne viens d'aucun pays, d'aucune cité, d'aucune tribu. Je suis fils de la route, ma patrie est caravane, et ma vie la plus inattendue des traversées.
Mes poignets ont connu tour à tour les caresses de la soie et les injures de la laine, l'or des princes et les chaînes des esclaves. Mes doigts ont écarté mille voiles, mes lèvres ont fait rougir mille vierges, mes yeux ont vu agoniser des villes et mourir des empires.
De ma bouche, tu entendras l'arabe, le turc, le castillan, le berbère, l'hébreu, le latin et l'italien vulgaire, car toutes les langues, toutes les prières m'appartiennent. Mais je n'appartiens à aucune. Je ne suis qu'à Dieu et à la terre, et c'est à eux qu'un jour prochain je reviendrai.
Et tu resteras après moi, mon fils. Et tu porteras mon souvenir. Et tu liras mes livres. Et tu reverras alors cette scène : ton père, habillé en Napolitain sur cette galée qui le ramène vers la côte africaine, en train de griffonner, comme un marchand qui dresse son bilan au bout d'un long périple.
Mais n'est-ce pas un peu ce que je fais : qu'ai-je gagné, qu'ai-je perdu, que dire au Créancier suprême? Il m'a prêté quarante années, que j'ai dispersées au gré des voyages : ma sagesse a vécu à Rome, ma passion au Caire, mon angoisse à Fès, et à Grenade vit encore mon innocence.”

Leo Africanus

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