Citations sur pluie
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“Un ordre de police la rejetait à quarante lieues de Paris: instinctivement, opiniâtrement, comme le noble coursier au piquet, qui tend en tous sens son attache, comme la mouche abusée qui se brise sans cesse à tous les points de la vitre en bourdonnant, elle arrivait à cette fatale limite, à Auxerre, à Châlons, à Blois, à Saumur. Sur cette circonférence qu'elle décrit et qu'elle essaye d'entamer, sa marche inégale avec ses amis devient une stratégie savante; c'est comme une partie d'échecs qu'elle joue contre Bonaparte et Fouché représentés par quelque préfet plus ou moins rigoriste. Quand elle peut s'établir à Rouen, la voilà, dans le premier instant, qui triomphe, car elle a gagné quelques lieues sur le rayon géométrique. Mais ces villes de province offraient peu de ressources à un esprit si actif, si jaloux de l'accent et des paroles de la pure Athènes. Le mépris des petitesses et du médiocre en tout genre la prenait à la gorge, la suffoquait; elle vérifiait et commentait à satiété la jolie pièce de Picard […]. Enfin, grâce à la tolérance de Fouché, qui avait pour principe de faire le moins de mal possible quand c'était inutile, il y eut moyen de s'établir à dix-huit lieues de Paris (quelle conquête!), à Acosta, terre de Mme de Castellane; elle surveillait de là l'impression de Corinne. En renvoyant les épreuves du livre, elle devait répéter souvent, comme Ovide : «Va, mon livre, heureux livre, qui iras à la ville sans moi!» — «Oh! le ruisseau de la rue du Bac!» s'écriait-elle quand on lui montrait le miroir du Léman. A Acosta, comme à Coppet, elle disait ainsi; elle tendait plus que jamais les mains vers cette rive si prochaine. L'année 1806 lui sembla trop longue pour que son imagination tint à un pareil supplice, et elle arriva à Paris un soir, n'amenant ou ne prévenant qu'un très-petit nombre d'amis. Elle se promenait chaque soir et une partie de la nuit à la clarté de la lune, n'osant sortir le jour. Mais il lui prit, durant cette aventureuse incursion, une envie violente qui la caractérise, un caprice, par souvenir, de voir une grande dame, ancienne amie de son père Mme de Tessé, celle même qui disait : «Si j'étais reine, j'ordonnerais à Mme de Staël de me parler toujours.» Cette dame pourtant, alors fort âgée, s'effraya à l'idée de recevoir Mme de Staël proscrite, et il résulta de la démarche une série d'indiscrétions qui firent que Fouché fut averti. Il fallut vite partir, et ne plus se risquer désormais à ces promenades au clair de lune, le long des quais, du ruisseau favori et autour de cette place Louis XV si familière à Delphine.”

Charles-Augustin Sainte-Beuve (1804–1869) critique littéraire et écrivain français

Mai 1835
Portraits de Femmes, 1844, Concernant Germaine de Staël

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“Dans les temps modernes, l’humble sagesse est la pensée la plus révolutionnaire du monde.”

Jean Giono (1895–1970) écrivain français

Lettre aux paysans sur la pauvreté et la paix, 1938

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“Tant la prévoyance-vieillesse que la propriété du logement sont des buts qui méritent d'être promus et toutes deux sont ancrées dans la Constitution suisse. Il est donc nécessaire de disposer, en plus des possibilités de retrait anticipé, d'un encouragement à la propriété du logement qui ne se fasse pas au détriment de la prévoyance.”

Hans Egloff (1959) politicien suisse

fr
À propos de l'Initiative populaire « pour un traitement fiscal privilégié de l'épargne-logement destinée à l'acquisition d'une habitation à usage personnel ou au financement de travaux visant à économiser l'énergie ou à préserver l'environnement ».

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“Les gens sont bien plus bizarre qu'on croit.”

Harry Crews (1935–2012) écrivain américain

Body, 1990

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“Un ordre de police la rejetait à quarante lieues de Paris : instinctivement, opiniâtrement, comme le noble coursier au piquet, qui tend en tous sens son attache, comme la mouche abusée qui se brise sans cesse à tous les points de la vitre en bourdonnant, elle arrivait à cette fatale limite, à Auxerre, à Châlons, à Blois, à Saumur. Sur cette circonférence qu'elle décrit et qu'elle essaye d'entamer, sa marche inégale avec ses amis devient une stratégie savante; c'est comme une partie d'échecs qu'elle joue contre Bonaparte et Fouché représentés par quelque préfet plus ou moins rigoriste. Quand elle peut s'établir à Rouen, la voilà, dans le premier instant, qui triomphe, car elle a gagné quelques lieues sur le rayon géométrique. Mais ces villes de province offraient peu de ressources à un esprit si actif, si jaloux de l'accent et des paroles de la pure Athènes. Le mépris des petitesses et du médiocre en tout genre la prenait à la gorge, la suffoquait; elle vérifiait et commentait à satiété la jolie pièce de Picard […]. Enfin, grâce à la tolérance de Fouché, qui avait pour principe de faire le moins de mal possible quand c'était inutile, il y eut moyen de s'établir à dix-huit lieues de Paris (quelle conquête!), à Acosta, terre de Mme de Castellane; elle surveillait de là l'impression de Corinne. En renvoyant les épreuves du livre, elle devait répéter souvent, comme Ovide : « Va, mon livre, heureux livre, qui iras à la ville sans moi! » — « Oh! le ruisseau de la rue du Bac! » s'écriait-elle quand on lui montrait le miroir du Léman. A Acosta, comme à Coppet, elle disait ainsi; elle tendait plus que jamais les mains vers cette rive si prochaine. L'année 1806 lui sembla trop longue pour que son imagination tint à un pareil supplice, et elle arriva à Paris un soir, n'amenant ou ne prévenant qu'un très-petit nombre d'amis. Elle se promenait chaque soir et une partie de la nuit à la clarté de la lune, n'osant sortir le jour. Mais il lui prit, durant cette aventureuse incursion, une envie violente qui la caractérise, un caprice, par souvenir, de voir une grande dame, ancienne amie de son père Mme de Tessé, celle même qui disait : « Si j'étais reine, j'ordonnerais à Mme de Staël de me parler toujours. » Cette dame pourtant, alors fort âgée, s'effraya à l'idée de recevoir Mme de Staël proscrite, et il résulta de la démarche une série d'indiscrétions qui firent que Fouché fut averti. Il fallut vite partir, et ne plus se risquer désormais à ces promenades au clair de lune, le long des quais, du ruisseau favori et autour de cette place Louis XV si familière à Delphine.”

Germaine de Staël (1766–1817) femme de lettres, romancière et essayiste française

Mai 1835
D'autres auteurs la concernant

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“La société de consommation a besoin de ses objets pour être et plus précisément elle a besoin de les détruire.”

Jean Baudrillard (1929–2007) philosophe et sociologue français

La Société de consommation (1970), Première partie : La liturgie formelle de l'objet, Le cercle vicieux de la croissance, Le gaspillage

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“Il est impossible de douter qu'avant cent ans il ne restera pas dans l'Amérique du Nord, non pas une seule nation, mais un seul homme appartenant à la plus remarquable des races indienne.”

Alexis de Tocqueville (1805–1859) philosophe politique, homme politique, historien, précurseur de la sociologie et écrivain français

Œuvres complètes, La condamnation du sort des Indiens et des esclaves en Amérique du Nord

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“Quel est votre souvenir le plus fort?”

Mémoires d'un médecin aux pieds nus, 2009

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“Les politiciens passent 30 pour cent de leur temps à lever de l'argent pour rester au congrès, ou ramener leur parti au pouvoir […] Moins d'un pour cent des américains donne plus de $200 à une campagne politique : une carrière sur le 1% - ou sur le 0,5% donnant le maximum à toutes les campagnes électorales - ne gagnera jamais la confiance des 99 pour cent autres électeurs.”

Lawrence Lessig (1961) Juriste américain

Members spend 30 percent to 70 percent of their time raising money to stay in Congress, or to get their party back in power [...] Less than 1 percent of Americans give more than $200 in a political campaign : a career focused on the 1 percent — or the .05 percent giving the maximum in any Congressional campaign — will never earn them the confidence of the 99 percent.
en
Pour rappel, le congrès est la réunion des députés et sénateurs français en parlement.
Citation

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“D'une autre part, j'ai souvent entendu en France des hommes que je respecte, mais que je n'approuve pas, trouver mauvais qu'on brûlât les moissons, qu'on vidât les silos et enfin qu'on s'emparât des hommes sans armes, des femmes et des enfants. Ce sont là, suivant moi, des nécessités fâcheuses, mais auxquelles tout peuple qui voudra faire la guerre aux Arabes sera obligé de se soumettre. Et, s'il faut dire ma pensée, ces actes ne me révoltent pas plus ni même autant que plusieurs autres que le droit de la guerre autorise évidemment et qui ont lieu dans toutes les guerres d'Europe. En quoi est-il plus
odieux de brûler les moissons et de faire prisonniers les femmes et les enfants que de bombarder la population inoffensive d'une ville assiégée ou que de s'emparer en mer des vaisseaux marchands appartenant aux sujets d'une puissance ennemie ? L'un est, à mon avis, beaucoup plus dur et moins justifiable que l'autre. Si en Europe on ne brûle pas les moissons, c'est qu'en général on fait la guerre à des gouvernements et non à des peuples.[...] Le second moyen en importance, après l'interdiction du commerce, est le ravage du pays. Je crois que le droit de la guerre nous autorise à ravager le pays et que nous devons le
faire soit en détruisant les moissons à l'époque de la récolte, soit dans tous les temps en faisant de ces incursions rapides qu'on nomme razzias et qui ont pour objet de s'emparer des hommes ou des troupeaux.”

Alexis de Tocqueville (1805–1859) philosophe politique, homme politique, historien, précurseur de la sociologie et écrivain français

Œuvres complètes, La condamnation de la colonisation en Algérie

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“[…] il n'y a pas de pouvoir plus fort que le désir de protéger son enfant qu'éprouve une mère.”

Terry Goodkind (1948) écrivain américain

L'Epée de vérité, (Debt of Bones, 1996)

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“Engels, dans l' Origine de la Famille, n'hésite pas à faire de l'amour sexuel individuel, né de cette forme supérieure des rapports sexuels qu'est la monogamie, le plus grand progrès moral accompli par l'homme dans les temps modernes. Quelque entorse qu'on cherche aujourd'hui à faire subir à la pensée marxiste sur ce point comme sur tant d'autres, il est indéniable que les auteurs du Manifeste communiste n'ont cessé de s'élever contre les espoirs de retour aux rapports sexuels « désordonnés » qui marquèrent l'aube de l'histoire humaine. La propriété privée une fois abolie, « on peut affirmer avec raison, déclare Engels, que loin de disparaître, la monogamie sera plutôt pour la première fois réalisée ». Dans le même ouvrage il insiste à plusieurs reprises sur le caractère exclusif de cet amour qui, au prix de quels égarements – j'en sais de misérables et de grandioses – s'est enfin trouvé. Cette vue sur ce que peut sans doute présenter de plus agitant la considération du devenir humain ne peut être corroborée plus nettement que par celle de Freud pour qui l'amour sexuel, tel même qu'il est déjà donné, rompt les liens collectifs créés par la race, s'élève au-dessus des différences nationales et des hiérarchies sociales, et, ce faisant, contribue dans une grande mesure au progrès de la culture. Ces deux témoignages, qui donnent la conception de moins en moins frivole de l'amour pour principe fondamental au progrès moral aussi bien que culturel, me sembleraient à eux seuls de nature à faire la part la plus belle à l'activité poétique comme moyen éprouvé de fixation du monde sensible et mouvant sur un seul être aussi bien que comme force permanente d'anticipation.”

112, L'Amour fou/Gallimard-Folio
Récit, L'Amour fou, 1937

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“Le principe que "la circulation du sang est provoquée par le cœur qui agit comme une pompe" continue d'être dominante dans la physiologie moderne (Evans, 1952). Cependant, certains doutes apparaissent quand la puissance du cœur en tant que muscle est vue comme la source exclusive ou principale de l'énergie pour l'intégralité du système cardiovasculaire. La question peut alors être posée: n'y a-t-il pas une autre force motrice dans le système circulatoire plus importante que le muscle cardiaque?”

Leon Manteuffel-Szoege (1904–1973)

The principle that "the movement of the blood is maintained by the heart which acts as a pump" continues to be binding in modern physiology (Evans, 1952). Certain doubts, however, appear when the power of the heart muscle is regarded as the exclusive or even the main source of energy for the whole cardiovascular system. The question may be asked. Is there no other motive force in the circulatory system, besides the heart muscle that might be significant?
en

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“La faiblesse la plus courante chez l'être humain est l'habitude qu'il a de laisser son esprit ouvert à l'influence négative des autres.”

Napoleon Hill (1883–1970) écrivain américain

Réfléchissez et devenez riche, 1937

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“C'est quand on a tout donné, quand on ne tient plus à rien qu'on possède tout.”

Marcel Jouhandeau (1888–1979) écrivain français

Réflexions sur la vieillesse et la mort, 1956

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“Le cinéma ne dérive pas de la peinture, de la littérature, de la sculpture, du théâtre, mais d'une ancienne et populaire tradition de sorcellerie. C'est la manifestation contemporaine d'une longue histoire d'ombres, un ravissement de l'image qui bouge, une croyance en la magie. Son lignage est couplé depuis sa plus lointaine origine avec les prêtres et la sorcellerie, une convocation des spectres. Avec, au début, l'aide modeste du miroir et du feu. Les hommes ont conjuré des ombres et secrètes visites des régions enfouies de la pensée. Dans ces séances, les ombres sont des esprits qui éloignent le mal.”

Jim Morrison (1943–1971) chanteur des Doors

Cinema derives not from painting, literature, sculpture, theater, but from ancient popular wizardry. It is a contemporary manifestation of an evolving history of shadows, a delight in pictures that move, a belief in magic. Its lineage is entwined from the earliest beginning with Priests and sorcery, a summoning of phantomas. With, at first, only slight aid ofthe mirror and fire, men called up dark and secret visits from regions in the buried mind. In these seances, shades are spirits which ward off devil.
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Les Seigneurs : Notes sur la vision (), 1969

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“Elle était de fait une bonne paysanne, fraîche et plaisante à regarder, brunette et bien en chair et plus portée à savoir moudre qu'une autre.”

Boccace (1313–1375) poète et romancier italien, ministre plénipotentiaire de la République de Florence

Huitième journée, 2
Source: Métaphore gaillarde

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“Un des plus grands, sinon le plus grand.”

Ingmar Bergman (1918–2007) metteur en scène de théâtre, scénariste et réalisateur de cinéma suédois
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“[Paul Kagamé] était le chef des services de renseignements de l’Ouganda, il était militaire ougandais, il percevait un salaire ougandais […] il a été en Amérique faire des stages dans les unités spéciales […] avec un passeport ougandais. C’était un rebelle et un terroriste avéré. […] En 1990, l’Ouganda, avec trois mille rebelles tutsis, attaque le Rwanda […] je dis bien l’Ouganda de Museveni, qui est complice de Kagamé. La France a des accords de coopération de défense avec le Rwanda depuis 1975, signés par le président Giscard d’Estaing. Le président Mittérand apporte le soutien et l’aide au Rwanda, et on combat les rebelles de l’Ouganda et les gens du FPR. Nous sommes en 1990. Il y a quatre ans de guerre jusqu’à ce que l’avion soit détruit par un attentat terroriste. Dans cet avion, il y a deux chefs d’État en fonction, plus l’ensemble du gouvernement du Rwanda. C’est le déclencheur […] pour laisser massacrer les tutsis de l’intérieur, c’est à dire ceux qui sont restés au Rwanda, qui sont considérés par Paul Kagamé comme des collaborateurs […] En 1994, le sang coule encore à Kigali au mois de juillet; Kagamé décore ses amis américains de la CIA […] Il les décore et les remercie de leur aide et de leur soutien […] Ils sont impliqués dans le plan global de chasser les francophones de la zone des grands lacs, pas seulement du Rwanda, mais également des autres pays voisins […] Je suis le dernier survivant de l’équipe qui accuse Paul Kagamé.”

Paul Kagamé (1957) personnalité politique rwandaise

Paul Barril, ancien commandant du GIGN, ancien responsable de la cellule antiterroriste de l'Élysée et ancien conseiller auprès du gouvernement rwandais.
Paul Barril

“Et ainsi l'automobile, machine on ne peut plus triviale et presque archaïque, que chacun s'accorde à trouver bien utile et même indispensable à notre liberté de déplacement, devient tout autre chose si on la replace dans la société des machines, dans l'organisation générale dont elle est un simple élément, un rouage. On voit alors tout un système complexe, un gigantesque organisme composé de routes et d'autoroutes, de champs pétrolifères et d'oléoducs, de stations-service et de motels, de voyages orga­nisés en cars et de grandes surfaces avec leurs parkings, d'échangeurs et de rocades, de chaînes de montage et de bureaux de « recherche et développement »; mais aussi de surveillance policière, de signalisation, de codes, de réglemen­tations, de normes, de soins chirurgicaux spécialisés, de « lutte contre la pollution », de montagnes de pneus usés, de batteries à recycler, de tôles à compresser. Et dans tout cela, tels des parasites vivant en symbiose avec l'organisme hôte, d'affectueux aphidiens chatouilleurs de machines, des hommes s'affairant pour les soigner, les entretenir, les alimenter, et les servant encore quand ils croient circuler à leur propre initia­tive, puisqu'il faut qu'elles soient ainsi usées et détruites au rythme prescrit pour que ne s'interrompe pas un instant leur reproduction, le fonctionnement du système général des machines.”

Jaime Semprun (1947–2010)

Défense et illustration de la novlangue française, 2005

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