Cotes sur le temps
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“Je parle ici, comme Algérien devenu français un moment donné, ayant perdu sa citoyenneté française, et l'ayant retrouvée. Parmi toutes les richesses culturelles que j'ai reçues, que j'ai héritées, ma culture algérienne est parmi celles qui m'ont le plus fortement soutenu. L'héritage que j'ai reçu de l'Algérie est quelque chose qui a probablement inspiré mon travail philosophique. Tout le travail que j'ai poursuivi, à l'égard de la pensée philosophique européenne, occidentale, comme on dit, gréco-européenne, les questions que j'ai été amené à lui poser depuis une certaine marge, une certaine extériorité, n'auraient certainement pas été possibles si, dans mon histoire personnelle, je n'avais pas été une sorte d'enfant de la marge de l'Europe, un enfant de la Méditerranée, qui n'était ni simplement français ni simplement africain, et qui a passé son temps à voyager d'une culture à l'autre et à nourrir les questions qu'il se posait à partir de cette instabilité. Tout ce qui m'a intéressé depuis longtemps, au titre de l'écriture, de la trace, de la déconstruction de la métaphysique occidentale — que je n'ai jamais, quoi qu'on en ait répété, identifiée comme une chose homogène ou définie au singulier —, tout cela n'a pas pu ne pas procéder de cette référence à un ailleurs dont le lieu et la langue m'étaient pourtant inconnus ou interdits.”

Jacques Derrida (1930–2004) philosophe français
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“Et à quoy passez vous le temps, vous aultres messieurs estudiens, audict Paris? " Respondit l'escolier : « Nous transfretons la Sequane au dilucule et crepuscule; nous deambulons par les compites et quadrivies de l'urbe; nous despumons la verbocination latiale, et, comme verisimiles amorabonds, captons la benevolence de l'omnijuge, omniforme, et omnigene sexe feminin (…) »”

François Rabelais (1494–1553) auteur français du 16e siècle

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Et à quoi passez-vous le temps, vous autres messieurs les étudiants de Paris ? Répondit l'écolier « Nous traversons la Seine à l'aube et au crépuscule, nous déambulons par les carrefours des rues et des chemins de la ville. Nous écumons la langue du Latium, et comme vraisemblables amoureux, nous cherchons à attraper la bienveillance de l'omnijuge, omniforme et omnigène sexe féminin (...) »
Le texte se veut volontairement obscur puisqu'il fait intervenir un étudiant s'exprimant dans un langage truffé de barbarismes et de latinismes. La traduction perd l'esprit, le sens initial de ce discours.
Œuvre, Pantagruel

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“Les mots sont le papier tournesol de l'esprit. Si vous vous trouvez au pouvoir de quelqu'un qui utilise « procédez » de sang froid, sauvez-vous en vitesse. Mais s'il utilise « introduisez » ne prenez même pas le temps de boucler vos bagages.”

À propos de l'exquisiteur Vorbis, qui, justement, utilise « Introduisez » pour prier de faire entrer son invité.
Les Annales du Disque-monde, Les Petits Dieux, 1992

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“Rousseau voit donc un progrès dans la naissance de l'inégalité. Mais ce progrès était antagoniste, c'était en même temps un recul.


(...).


Tout nouveau progrès de la civilisation est en même temps, un nouveau progrès de l'inégalité, Toutes les institutions que se donne la société née avec la civilisation, tournent de leur but primitif.


(...)


Et cependant, ces chefs deviennent nécessairement les oppresseurs des peuples et renforcent cette oppression jusqu'au point où l'inégalité, poussée à son comble, se retransforme en son contraire, devient cause de l'égalité : devant le despote tous sont égaux, à savoir égaux à zéro.


(...).


Mais le despote n'est maître tant qu'il à la violence et c'est pourquoi


"sitôt qu'on peut l'expulser, il n'a point à réclamer contre la violence... La seule force le maintenait, la seule force le renverse. Toutes choses se passent selon l'ordre naturel".


Et ainsi, l'inégalité se change derechef en égalité, non toutefois en cette vieille égalité naturelle de l'homme primitif privé de la parole, mais dans l'égalité supérieur du contrat social. Les oppresseurs subissent l'oppression. C'est la négation de la négation.


Nous n'avons donc pas seulement chez Rousseau une marche de la pensée qui ressemble à s'y méprendre à celle qui est suivie dans le Capital de Marx, mais même dans les détails toute une série des tournures dialectiques dont Marx se sert : processus, qui part nature, sont antagoniste et contiennent une contradiction; transformation d'un extrême en son contraire; enfin comme noyau de l'ensemble, la négation de la négation. (...) Et quand M. Dürhing (...), en affadissant la théorie de l'égalité de Rousseau, il est déjà sur la pente par laquelle il glisse sans rémission dans les bras de la négation de la négation.”

Anti-Dühring, 1878

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“C’est devenu un lieu commun, que l’on tient pour une évidence vérifiée : le monde moderne est un monde séculier, sécularisé, athée, laïcisé, désacralisé, démythisé. Et dans la plupart des écrits contemporains, on considère tous ces termes comme équivalents sans prendre en compte les différences considérables qu’il peut y avoir par exemple entre laïcisation et sécularisation ou entre désacralisation et démythisation. On veut en gros exprimer l’idée que le monde moderne (est) devenu adulte ou majeur (parce qu’il) ne croit plus, il veut des preuves, il obéit à la raison et non aux croyances, surtout religieuses, il s'est débarrassé de Dieu, et lui parler de religion n'a plus de sens. Il est entré dans un nouveau mode de pensée, qui n’est plus la pensée traditionnelle s'exprimant dans les mythes. (…) Il est difficile de discerner si, dans ce (genre de) propos, il s’agit d’un constat de fait, d'un souhait, d’une constatation sociologique ou d’une construction imaginaire, élaborée à partir de l’idée qu’on peut se faire d’un homme imbu de la science. En réalité, si l’on examine les textes qui reposent sur ces affirmations, on s’aperçoit qu’il s’agit (…) d’une explication a posteriori. On part de l'évidence: « l’homme moderne ne veut plus entendre parler du christianisme, il a perdu la foi, l’Église ne mord plus sur la société, elle n’a plus d’audience, le message chrétien ne veut rien plus dire (…) ». (Mais) comme l’on constate en même temps que l’homme moderne reçoit plus ou moins une éducation technicienne sinon scientifique, on en conclut implicitement : « c’est parce que cet homme est imbu de science qu’il est non religieux » et l’on assimile alors le rejet du christianisme avec l’abandon de toute posture religieuse. Déduction qui m’apparaît pour le moins hâtive.,(…) C'est pourquoi je pense qu'il est fondamental de savoir si (…) nous sommes dans un temps déréligiosisé.”

Jacques Ellul (1912–1994) professeur d'histoire du droit, sociologue et théologien protestant français

Les nouveaux possédés, 1973

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“Ce misérable me délaisse pour courir en sabots par temps sec.”

Boccace (1313–1375) poète et romancier italien, ministre plénipotentiaire de la République de Florence

Cinquième journée, 10

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“Le temps est une image de l'éternité, mais c'est aussi un ersatz de l'éternité.”

Simone Weil (1909–1943) philosophe française

La Pesanteur et la Grâce, 1947

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“La plus grande folie du monde est de penser qu'il existe des astres pour les Rois, les Papes et les gros seigneurs, plutôt que pour les pauvres et les malades, comme si de nouvelles étoiles avaient été créées depuis le temps du déluge, de Romuluas ou de Pharamond, lors de la nouvelle création des Rois : ce que Triboulet, ni Caihette n'affirmèrent, qui ont été pourtant de grands et célèbres savant.”

François Rabelais (1494–1553) auteur français du 16e siècle

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La plus grande folie du monde est penser qu'il y ayt des astres pour les Roys, Papes et gros seigneurs, plustot que pour les pauvres, et souffreteux, comme si de nouvelles estoilles avoient esté créez depuis le temps du deluge, ou de Romulus, ou de Pharamond, à la nouvelle creation des Roys : ce que Triboulet, ny Caihette ne diroient : qui ont esté toustefois gens de hault sçavoir, et grand renom.
Triboulet et Caihette sont deux fous du roi.
Œuvre, Pantagrueline Prognostication pour l'an perpetuel

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“Les temps difficiles ne nous durcissent pas tous.”

Daniel Woodrell (1953) écrivain américain

Chevauchée avec le diable, 1987

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“La première fois qu’il est parti sur le front, je lui avais dit (en levant la tête comme toujours, pour que nos regards puissent se croiser) : « Je ne suis qu’un vieux judéo-banderiste de plus de 60 ans, et de moins de 1,70 m mais, si vous ne revenez pas entier, je vous casse la gueule. » Je ne pourrai pas le faire et, de toutes les façons Wassyl était l’homme le plus entier, le plus intègre, le plus tout d’une pièce que je connaisse. Maintenant, il est entier pour l’éternité. Hélas, hélas, la guerre de Poutine n’avait pas cessé depuis l’hiver 2014. Et elle vient d’emporter Wassyl. Je suis en deuil et en colère, mais je ne lui en veux pas. Vu de loin, il y a quelque chose d’absurde dans le destin d’un artiste béni des dieux, encore au début d’une carrière qui s’annonçait magnifique, et qui a choisi de tout quitter pour un front qu’il savait très dangereux et où il a donné sa vie. Tous ses amis l’avaient supplié de ne pas y aller, puis de ne pas y retourner quand il est revenu l’hiver dernier. Mais tous ceux qui ont parlé avec lui ont été convaincus de la nécessité vitale pour lui de se battre pour son pays, et d’être là où ce combat devait être mené. Il était bien sur le front, non pas parce qu’il aurait été un soldat de vocation, mais parce qu’il s’y sentait chez lui, à sa place. Ce n’était pas un kamikaze, il n’a pas cherché à rencontrer la mort, mais il ne pouvait pas faire autrement que de se tenir à sa place. Aussi sa vie tragiquement, absurdement fauchée à l’orée de ses promesses est néanmoins une vie d’homme accomplie. Sa voix fantastique, son talent dramatique, son humour, son énergie vont nous manquer. Je regrette seulement de n’avoir pas eu l’occasion de partager avec lui l’amour de la musique, mon goût pour les grandes basses profondes. A sa manière, Wassyl était un barde et un héros comme Chevtchenko (2), comme Stouss (3), une voix unique. Et il était en même temps un homme ordinaire, un porte-parole auquel tous pouvaient s’identifier. Nous ne t’oublierons pas Wassyl, parce que c’est impossible, et nous te retrouverons souvent, à Lviv, et aussi à Simferopol et à Debaltseve. Après Nathalie Pasternak — grande voix elle aussi, bien que dans un registre plus aigu — disparue en janvier, la cause ukrainienne en France perd à nouveau un être immense et généreux.”

Wassyl Slipak (1974–2016) chanteur ukrainien d'opéra

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“Stupéfiant! Tout le temps que j'avais devant moi, il est derrière.”

Roland Topor (1938–1997) dessinateur, peintre, romancier et cinéaste
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“La popularité est une matière changeante, fluctuante, soluble dans l'air du temps.”

Propos écrits à l'occasion du regain de popularité de John McCain, candidat à la Maison Blanche, à la suite de la désignation d'une jeune colistière.
Le Bien public, 2007-2009, Politique

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“On constate un apport de sang négroïde depuis les temps les plus anciens dans toute la région méditerranéenne (des nègres dans l'armée de César, des esclaves noirs) et surtout dans les villes portuaires depuis les Croisades. Dans les grandes villes, les domestiques nègres étaient - et le sont toujours - à la mode. Les mariages avec les Européens du sud apportèrent un sang négroïde en Europe centrale; souvent, chez les terrassiers italiens surtout, on pouvait plus ou moins constater l'apport de sang négroïde. Venant des colonies françaises, le sang négroïde afflua vers la France. Au Portugal, en raison de l'introduction qui s'est faite autrefois d'esclaves africains, l'influence négroïde est même particulièrement apparente. De nos jours, c'est avant tout la politique de la France qui représente pour le monde entier une augmentation du « danger noir », en donnant aux Nègres, par octroi de la nationalité et de l'élévation au rang d'officier, l'accès à un pouvoir dont les conséquences sont encore imprévisibles. […] La domination de la France représente pour l'Allemagne « l'ignominie noire », à savoir les agressions de femmes européennes par les Africains dans les territoires occupés dont les conséquences, elles aussi, sont encore imprévisibles. […] L'influence négroïde en France, surtout dans le sud de ce pays ou les Africains du Nord arrivent en masse - et sans femmes - est depuis plusieurs années en augmentation croissante. Il paraît qu'une ville comme Marseille, n'a plus un aspect « européen », tellement le métissage par le sang africain s'y fait sentir.”

Hans Günther (1891–1968) anthropologue
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“Les représentations érotiques sont l'image de l'acte d'amour (en même temps elles en constituent le nerf), c'est-à-dire la transmutation de deux éléments en une unité par le rythme. Il va de soi que ce rythme demeure enfoui en moi pour affleurer à chaque occasion favorable, c'est-à-dire à l'occasion de toute représentation imaginaire. Il structure entièrement le spectacle intérieur. Je n'ai jusqu'à présent pas pu trouver d'autre fondement à ce rythme que celui du désir, de l'érotique, de l'amour. Au reste il m'a toujours semblé difficile de trouver une séquence du spectacle intérieur qui puisse prétendre échapper totalement à l'érotisme.”

Jacques Abeille (1942) écrivain français

Réponse de Jacques Abeille à l'interrogation suivante : Le spectacle intérieur conserve-t-il dans la vie quotidienne la trace des représentations qui s'offrent à vous dans l'acte d'amour ? — Il est clairement question d'une enquête initiée par la revue surréaliste La Brèche en décembre 1964. [Premières réponses à l'enquête sur les représentations érotiques, Jacques Abeille, La Brèche, 7, Décembre 1964, 84]
Presse, Premières réponses à l'enquête sur les représentations érotiques, 1964

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“Je ne vois pas que nous puissions faire autrement ici que revenir aux conditions, liées à la reproduction de notre espèce, dans lesquelles chaque homme, pour vivre, tout simplement vivre, entre dans l’univers par la représentation. Or, évoquer la représentation, c’est du même coup avoir affaire à l’horreur des commencements pour l’humain, à la logique subjective qui comporte, pour tout sujet, la nécessité de s’arracher à l’opacité, par le langage. En clair, cela revient à poser la loi de l’animal parlant : la nécessité de tout ramener aux mots pour qu’il y ait des choses. Méconnaître cette loi, vouloir ignorer son ressort et ses conséquences, c’est se condamner à ne rien comprendre à la logique de l’Interdit. (…) Si l’humain symbolise comme il respire, il n’entre dans la symbolisation que moyennant son passage sous les fourches caudines de l’institution du langage, dont il faut tâcher de comprendre que l’Interdit, en toute société et pour chaque sujet, constitue l’accompagnement, l’ombre portée en quelque sorte. Prenons donc la mesure de ce dont il s’agit : symboliser signifie rendre présent quelque chose d’absent, le représenter. Si la logique de l’Interdit est à ce point liée au phénomène du langage, à la représentation, par la parole, d’une absence, c’est qu’il est dans la nature du langage d’instituer. Le langage nous sépare des choses en les nommant, mais aussi notre séparation d’avec les choses institue les choses sous un nom pour le sujet qui parle, et de ce fait institue le sujet lui-même comme sujet du discours social des catégories, dont relèvent le nom des choses et la raison de ce qui entre elles les divise. S’arracher à l’opacité première par le langage, surmonter l’horreur des commencements, entrer dans l’échange symbolique : toute l’entreprise humaine fait jouer le principe institutionnel comme principe fondateur du discours et de la parole dans la société considérée. En ce sens, nous avons affaire à un (…) déterminisme symbolique (…). Réfléchissons sur les manifestations d’un tel déterminisme, rapportable à l’institution du langage et dont relèverait l’élaboration sociale de l’Interdit. Mes remarques viennent de faire apparaître le phénomène de l’institution de la communication humaine comme comportant plusieurs registres indépendants et en même temps soumis à un mode de relation, celui-là même où se révèle à nous l’idée d’institution. Ainsi distinguons nous : le registre du sujet de la parole, celui de l’univers nommé des objets –objet, ici, au sens de chose ou personne-dans-le-monde, par rapport à quoi tout sujet conquiert son identité-, celui enfin du discours des catégories.”

Leçons VI Les enfants du Texte. Étude sur la fonction parentale des États

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“Le premier livre des Confessions n'est pas le plus remarquable, mais Rousseau s'y trouve déjà renfermé tout entier, avec son orgueil, ses vices en germe, ses humeurs bizarres et grotesques, ses bassesses et ses saletés; avec sa fierté aussi et ce ressort d'indépendance et de fermeté qui le relève; avec son enfance heureuse et saine, son adolescence souffrante et martyrisée et ce qu'elle lui inspirera plus tard (on le pressent) d'apostrophes à la société et de représailles vengeresses; avec son sentiment attendri du bonheur domestique et de famille qu'il goûta si peu, et encore avec les premières bouffées de printemps et des premières haleines, signal du réveil naturel qui éclatera dans la littérature du dix-neuvième siècle. Nous oublions combien ces premiers paysages parurent frais et nouveaux alors, et quel évènement c'était au milieu de cette société spirituelle, très fine, mais sèche, aussi dénuée d'imagination que de sensibilité vraie, dépourvue en elle-même de cette sève qui circule et qui, à chaque saison, refleurit. C'est Rousseau qui, le premier, ramena et infusa cette sève végétale puissante dans l'arbre délicat qui s'épuisait. Les lecteurs français, habitués à l'air factice d'une atmosphère de salon, ces lecteurs urbains, comme il les appelle, s'étonnèrent, tout ravis de sentir arriver du côté des Alpes ces bonnes et fraîches haleines des montagnes qui venaient raviver une littérature aussi distinguée que desséchée. Il était temps, et c'est en cela que Rousseau n'est pas un corrupteur de la langue, mais, somme toute, un régénérateur.”

Jean-Jacques Rousseau (1712–1778) philosophe, compositeur et critique musical genevois
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“Alors à partir de l'âge de dix ans j'ai fait de l'anorexie, puis de la boulimie, et je suis restée ainsi pendant vingt ans, jusqu'à ce que je me suis dit un jour, Tiens, et si c'est tout? Et si ceci est juste ce dont j'ai l'air, et rien que je fais ne le changera? Donc combien de temps j'épargnerais si je cessais de prendre cette seconde à chaque fois que je me vois dans un miroir pour me traiter de grosse laide? Combien de temps j'épargnerais si je me laissais passer une fenêtre sans contracter mon abdomen et redresser les épaules? Combien de temps j'épargnerais? Et il en sorte que j'épargne 97 minutes par semaine. Je peux prendre un cours de poterie.”

Margaret Cho (1968) actrice américaine

So from the age of 10, I became anorexic, and then bulimic, and then stayed that way for about twenty years, until one day I just said, Hey, what if this is it? What if this is just what I look like, and nothing I do changes that? So how much time would I save if I stopped taking that extra second every time I look in the mirror to call myself a big fat fuck? How much time would I save if I just let myself walk by a plate-glass window without sucking in my gut and throwing back my shoulders? How much time would I save? And it turns out I save about 97 minutes a week. I can take a pottery class.
en
Notorious C.H.O.

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“Il y avait entre les cercles doctrinaires studieux, raisonneurs, bien nobles alors assurément, mais surtout fructueux, et les cercles purement aristocratiques et frivoles, il y avait un intervalle fort marqué, un divorce obstiné et complet; d'un côté les lumières, les idées modernes, de l'autre le charme ancien, séparés par des prétentions et une morgue réciproque. En quelque endroit pourtant la conciliation devait naître et s'essayer. De même que du sein des rangs royalistes une voix éloquente s'élevait par accès, qui conviait à une chevaleresque alliance la légitimité et la liberté, et qui, dans l'ordre politique, invoquait un idéal de monarchie selon la Charte, de même, tout à côté, et avec plus de réussite, dans la haute compagnie, il se trouvait une femme rare, qui opérait naturellement autour d'elle un compromis merveilleux entre le goût, le ton d'autrefois et les puissances nouvelles. Le salon de Mme de Duras, sa personne, son ascendant, tout ce qui s'y rattache, exprime, on ne saurait mieux, l'époque de la Restauration par un aspect de grande existence encore et d'accès à demi aplani, par un composé d'aristocratie et d'affabilité, de sérieux sans pesanteur, d'esprit brillant et surtout non vulgaire, semi-libéral et progressif insensiblement, par toute cette face d'illusions et de transactions dont on avait ailleurs l'effort et la tentative, et dont on ne sentait là que la grâce. C'à été une des productions naturelles de la Restauration, comme ces îles de fleurs formées un moment sur la surface d'un lac, aux endroits où aboutissent, sans trop se heurter, des courants contraires. On a comparé toute la construction un peu artificielle de l'édifice des quinze ans à une sorte de terrasse de Saint-Germain, au bas de laquelle passait sur la grande route le flot populaire, qui finit par la renverser : il y eut sur cette terrasse un coin, et ce ne fut pas le moins attrayant d'ombrage et de perspective, qui mérite de garder le nom de Mme de Duras : il a sa mention assurée dans l'histoire détaillée de ces temps.”

Charles-Augustin Sainte-Beuve (1804–1869) critique littéraire et écrivain français

Juin 1834
Portraits de Femmes, 1844, Concernant Claire de Duras

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“Mon pari, c'est qu'il existe une donnée dont on n'a pas tenu compte dans l'interprétation : l'échelle à laquelle on regarde. (…) Le principe nouveau que j'ajoute à la physique, plus précisément, la relativité d'échelle, explique qu'on puisse voir des choses différentes en fonction de la résolution. Le monde quantique n'est plus fou puisque la différence inexpliquée des résultats en fonction de l'échelle est maintenant nécessaire et compréhensible. En fait, c'est l'espace-temps lui même qui est différent selon les échelles. Et c'est parce que son rôle est primordial qu'il produit des résultats différents en fonction des échelles. (…) Il faut d'abord bien comprendre que la transition entre ces mondes n'est pas absolue mais relative au système considéré. En règle générale, la limite classique-quantique se situe au niveau de l'angström (un dix-millionième de millimètre, ou 10^-10 m), c'est-à-dire à l'échelle caractéristique des atomes. Mais l'identification entre microscopique et quantique est abusive : il y a des objets quantiques macroscopiques. Par exemple, lorsqu'on écoute la radio sur les ondes métriques, c'est le rayonnement aux propriétés quantiques qui nous parvient. Ma conjecture, c'est que les propriétés quantiques sont un effet du caractère fractal de l'espace-temps à petite échelle.”

Laurent Nottale (1952) astrophysicien français

Citation de Laurent Nottale.

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