Citations sur légitimation

Une collection de citations sur le thème de légitimation, tout, pluie, bien-être.

Citations sur légitimation

Guy de Maupassant photo
Imre Kertész photo
Guy de Maupassant photo
Jean d'Ormesson photo
John Stuart Mill photo

“Contraindre quiconque pour son propre bien, physique ou moral, ne constitue pas une justification suffisante. Un homme ne peut pas être légitimement contraint d'agir ou de s'abstenir sous prétexte que ce serait meilleur pour lui, que cela le rendrait plus heureux ou que, dans l'opinion des autres, agir ainsi serait sage ou même juste.”

His own good, either physical or moral, is not a sufficient warrant. He cannot rightfully be compelled to do or forbear because it will be better for him to do so, because it will make him happier, because, in the opinions of others, to do so would be wise, or even right.
en
De la liberté

Pierre Rabhi photo
Henri Wallon photo
Ernst Jünger photo
José Saramago photo

“Ces gens-là nous envient, disait-on dans les boutiques et les foyers, […], ils nous envient parce que chez nous personne ne meurt, et s’ils veulent nous envahir et occuper notre territoire c’est pour ne pas mourir eux non plus. En deux jours, à coups de marches forcées et de bannières flottant au vent, entonnant des chants patriotiques comme la marseillaise, le ça ira, le maria da fonte, l’hymne à la charte, le não verás país nenhum, la bandiera rossa, la portuguesa, le god save the king, l’internationale, le deuchland über alles, le chant des marais, le stars and stripes, les soldats s’en retournèrent aux postes d’où ils étaient venus et là, armés jusqu’aux dents, ils attendirent de pied ferme l’attaque. Les deux camps valeureux sont face à face, mais cette fois non plus le sang ne coulera pas jusqu'au fleuve. Et dites vous bien que ce ne fut pas voulu par les soldats de ce côté-ci, car eux avaient la certitude de ne pas mourir, même si une rafale de mitraillette les coupaient en deux. Encore que, poussés par une curiosité scientifique plus que légitime, nous devrions nous demander comment les deux parties séparées survivraient au cas où l’estomac serait d’un côté et les intestins de l’autre. Quoi qu’il en soit, seul un fou à lier s’aviserait de tirer le premier. Et, dieu soit loué, personne ne tira. Pas même le fait que plusieurs soldats de l’autre camp eussent l’idée de déserter dans l’eldorado où personne ne meurt n’eut d’autre conséquence que leur renvoi immédiat à leur lieu d’origine où un conseil de guerre les attendait déjà. Ce détail n’aura aucune incidence sur le déroulement de l’histoire riche en tribulations que nous relatons et nous n’en reparlerons plus, n’empêche que nous n’avons pas voulu le laisser enseveli dans l’obscurité de l’encrier.”

José Saramago (1922–2010) écrivain portugais

[…] Espérons qu’au moins les pauvres diables ne seront pas fusillés. Car alors nous serions fondés à dire qu’ils étaient allés chercher de la laine et étaient revenus prêts à être tondus.
Les intermittences de la mort (As Intermitcias da Morte), 2005

Léon Bloy photo
Nicolas Sarkozy photo
Jacques Ellul photo

“Le mécanisme de la justification est la pièce centrale de l’œuvre bourgeoise, sa signification, sa motivation. Pour arriver (à ses fins), le bourgeois se construit un monde réel mais aussi un monde imaginaire qu'il fait prévaloir sur tous les autres dans le mécanisme de la conscience fausse. Car le bourgeois se sait, inconsciemment, un exploiteur, mais il ne peut pas se supporter pour ce qu'il est. (En cela,) il exprime une tendance propre à tout homme (…), celle d’être à la fois en accord avec son milieu (…) et avec lui-même. (…) Et pour ne pas reconnaître ce qu'il est en réalité, le bourgeois ne peut pas voir les motivations réelles de son action. Il ne peut pas discerner les forces motrices qui le poussent à être ce qu'il est en agissant comme il le fait. Ce n'est pas l'hypocrisie au sens courant : le bourgeois le voudrait-il, il ne le peut pas. (…) Comme il ne peut pas non plus agir sans motivation, il se crée un système explicatif, un système de motifs imaginant des forces motrices pour légitimer son action. Bien entendu, ces forces motrices ne sont pas seulement imaginaires, théoriques, (sinon), elles ne feraient illusion sur personne : elles sont apparentes. L'un des jeux permanents de la conscience bourgeoise consiste à éviter le profond pour tout (ramener) à l'évident. (…) Les évidences sont les plus sûrs atouts de la conscience fausse. (…) Il y a ainsi déguisement de la condition réelle, mais déguisement plus réel que le réel parce qu'investi d'évidence.”

Jacques Ellul (1912–1994) professeur d'histoire du droit, sociologue et théologien protestant français

Métamorphose du bourgeois, 1967

Étienne Balibar photo
Valentí Almirall photo

“Les offenses que nous avons reçues constamment et celles qui nous menacent encore, sont la légitimation la plus complète de notre catalanisme. Celles-ci sont de telle nature qu'elles nous autoriseraient même à proclamer la séparation. Mais nous ne voulons pas aller aussi loin tant que nous ne serons pas mis en situation de n'avoir d'autre issue.”

Valentí Almirall (1841–1904)

Los agravis que hem rebut constanment y 'ls que 'ns estan amenassant encara, son la llegitimació mes completa del nostre catalanisme. Son aqueixos de tal naturalesa que 'ns autorisarian fins a proclamar la separació. Mes no volem pas anar tan alla mentre no se'ns posi en situació de no tenir altra sortida
ca
Lo catalanisme, 1886

Maximilien de Robespierre photo
Rémi Brague photo
Jack Goody photo
Roger Martin du Gard photo
John Stuart Mill photo

“Ce principe veut que les hommes ne soient autorisés, individuellement ou collectivement, à entraver la liberté d'action de quiconque que pour assurer leur propre protection. La seule raison légitime que puisse avoir une communauté pour user de la force contre un de ses membres est de l'empêcher de nuire aux autres.”

That principle is, that the sole end for which mankind are warranted, individually or collectively, in interfering with the liberty of action of any of their number, is self-protection. That the only purpose for which power can be rightfully exercised over any member of a civilized community, against his will, is to prevent harm to others.
en
De la liberté

Alexandre Najjar photo
René Girard photo
Marie d'Agoult photo
Jacques Ellul photo
Howard Bloom photo
Ron Paul photo
Benoît XVI photo
Howard Bloom photo
Yvan Perrin photo
Enzo Traverso photo
John Perkins photo
Léon Blum photo
Jean-Jacques Rousseau photo
Paul Topinard photo
Jean d'Ormesson photo
George Sand photo

“Brandir l’antiracisme d’une main pour mieux légitimer la politique ségrégationniste d’un état colonialiste de l’autre, il fallait y penser. La CICAD l’a fait.”

fr
À propos de la Coordination intercommunautaire contre l'antisémitisme et la diffamation (CICAD)
Citation

Edgar Morin photo
Loïc Decrauze photo
Loïc Decrauze photo
Gaston Bachelard photo

“La science, dans son besoin d'achèvement comme dans son principe, s'oppose absolument à l'opinion. S'il lui arrive, sur un point particulier, de légitimer l'opinion, c'est pour d'autres raisons que celles qui fondent l'opinion, de sorte que l'opinion a, en droit, toujours tort. L'opinion pense mal, elle ne pense pas, elle traduit des besoins, en connaissances. En désignant les objets par leur utilité, elle s'interdit de les connaître. On ne peut rien fonder sur l'opinion : il faut d'abord la détruire. Elle est le premier obstacle à surmonter. Il ne suffirait pas, par exemple, de la rectifier sur des points particuliers, en la maintenant, comme une sorte de morale provisoire, une connaissance vulgaire provisoire. L'esprit scientifique nous interdit d'avoir une opinion sur des questions que nous ne comprenons pas, sur des questions que nous ne savons pas formuler clairement. Avant tout il faut savoir poser des problèmes. Et quoi qu'on dise, dans la vie scientifique, les problèmes ne se posent pas d'eux-mêmes. C'est précisément ce sens du problème qui donne la marque du véritable esprit scientifique. Pour un esprit scientifique toute connaissance est une réponse a une question. S'il n'y a pas eu de question il ne peut pas avoir connaissance scientifique. Rien ne va de soi. Rien n'est donné. Tout est construit.”

La Formation de l'esprit scientifique, 1938

Ernest Renan photo
Michel Brault photo
Alexis de Tocqueville photo

“Je crois qu’il y a des résistances honnêtes et des rébellions légitimes.”

Je crois qu'il y a des résistances honnêtes et des rébellions légitimes. Je ne dis donc point, d'une manière absolue, que les hommes des temps démocratiques ne doi­vent jamais faire de révolutions ; mais je pense qu'ils ont raison d'hésiter plus que tous les autres avant d'entreprendre, et qu'il leur vaut mieux souffrir beaucoup d'incom­modités de l'état présent que de recourir à un si périlleux remède.
fr
De la démocratie en Amérique, 1835-1840

Jacques Ellul photo

“Ce n'est point aujourd'hui le temps de la violence mais celui de la conscience de la violence. Que l'histoire ait toujours été le fruit de la violence, qu'il y ait toujours eu contradiction entre un impératif moral et la réalité de la violence, nous le savons bien et nous n'avons rien changé. […] Dans cette « prise de conscience », trois aspects me paraissent importants. (Tout d'abord), on comprend mieux le ridicule de la contradiction entre les efforts démesurés pour sauver un homme et la facilité des violences. D'un côté, on met tout en œuvre pour sauver un alpiniste en danger, de l'autre on torture, on bâtonne, on ne cesse d'user de violence contre [des quantités de gens]. […] Le second aspect, c'est la découverte de la généralisation de la violence : économique et psychologique, elle vient doubler la violence matérielle […] : matraquage publicitaire, propagande, guerre des (multinationales), violence des (automobilistes), terrorisme du professeur ou du prêtre envers leurs auditeurs… la violence est [multiforme]. [Enfin], on peut se justifier dans toute action par l'existence d'une violence précédente. Je jette un cocktail molotov, mais c'est parce que j'ai été victime de la violence du professeur, du père, du patron. […] Ainsi toute violence se trouve légitimée parce qu'elle n'est jamais qu'une contre-violence. […] Nous éprouvons ainsi, en réalité, la tentation, devant l'universalisation de la violence, d'entrer à notre tour dans le jeu. […] Mais alors, immanquablement, le chrétien se demandera : « comment pourrais-je être non-violent? » Et tout aussi immanquablement : « comment pourrais-je être violent? » Où serait donc enfin une attitude morale et spirituelle à la fois juste, pure et vraie?”

Jacques Ellul (1912–1994) professeur d'histoire du droit, sociologue et théologien protestant français

Contre les violents, 1972

Aude de Kerros photo
Michel Foucault photo
René Char photo
Loïc Decrauze photo
Max Weber photo

“Il faut concevoir l’État contemporain comme une communauté humaine qui, dans les limites d’un territoire déterminé […], revendique avec succès pour son propre compte le monopole de la violence physique légitime.”

Staat ist diejenige menschliche Gemeinschaft, welche innerhalb eines bestimmten Gebietes […] das Monopol legitimer physischer Gewaltsamkeit für sich (mit Erfolg) beansprucht.
de
Le Savant et le politique, 1959

Albert Memmi photo
Bernard Werber photo
Frithjof Schuon photo

“[…] Dans cette question des limites de fait ou de droit du sentiment patriotique, il convient de rappeler tout d’abord qu’il y a patrie et patrie : il y a celle de la terre et celle du Ciel; la seconde est prototype et mesure de la première, elle lui donne son sens et sa légitimité. C’est ainsi que dans l’enseignement évangélique l’amour de Dieu prime, et peut par conséquent contredire, l’amour des proches parents, sans qu’il y ait là aucune offense à la charité; la créature doit d’ailleurs être aimée « en Dieu », c’est à dire que l’amour ne lui appartient jamais en entier. Le Christ ne s’est soucié que de la Patrie céleste, qui « n’est pas de ce monde »; c’est suffisant, non pour renier le fait naturel d’une patrie terrestre, mais pour s’abstenir de tout culte abusif – et avant tout illogique – du pays d’origine. Si le Christ a désavoué les attachements temporels, il n’en a pas moins admis les droits de la nature, dans le domaine qui est le leur, droits éminemment relatifs qu’il ne s’agit pas d’ériger en idoles; c’est ce que saint Augustin a magistralement traité, sous un certain rapport tout au moins, dans Civitas Dei. Le patriotisme normal est à la fois déterminé et limité par les valeurs éternelles; « il ne s’enfle point » et ne pervertit pas l’esprit; il n’est pas, comme le chauvinisme, l’oubli officiel de l’humilité et de la charité en même temps que l’anesthésie de toute une partie de l’intelligence; restant dans ses limites, il est capable de susciter les plus belles vertus, sans être un parasite de la religion.
Il faut se garder des interprétations abusives du passé historique; l’œuvre de Jeanne d’Arc n’a rien à voir avec le nationalisme moderne, d’autant que la sainte à suivi l’impulsion, non point d’un nationalisme naturel – ce qui eût été légitime – mais celle d’une volonté céleste, qui voyait loin. La France fut pendant des siècles le pivot du Catholicisme; une France anglaise eût signifié en fin de compte une Europe protestante et la fin de l’Eglise catholique; c’est ce que voulurent prévenir les « voix ». L’absence de toute passion, chez Jeanne, ses paroles sereines à l’égard des Anglais, corroborent pleinement ce que nous venons de dire et devrait suffire pour mettre la sainte à l’abri de toute imposture rétrospective (1). […]
1 – De même, l’étendard de Jeanne fut tout autre chose qu’un drapeau révolutionnaire unissant, dans un même culte profane, croyants et incroyants.
["Usurpations du sentiment religieux", Études Traditionnelles, décembre 1965. ]”

The Transfiguration of Man
Variante: [... ] Dans cette question des limites de fait ou de droit du sentiment patriotique, il convient de rappeler tout d’abord qu’il y a patrie et patrie : il y a celle de la terre et celle du Ciel; la seconde est prototype et mesure de la première, elle lui donne son sens et sa légitimité. C’est ainsi que dans l’enseignement évangélique l’amour de Dieu prime, et peut par conséquent contredire, l’amour des proches parents, sans qu’il y ait là aucune offense à la charité; la créature doit d’ailleurs être aimée « en Dieu », c’est à dire que l’amour ne lui appartient jamais en entier. Le Christ ne s’est soucié que de la Patrie céleste, qui « n’est pas de ce monde »; c’est suffisant, non pour renier le fait naturel d’une patrie terrestre, mais pour s’abstenir de tout culte abusif – et avant tout illogique – du pays d’origine. Si le Christ a désavoué les attachements temporels, il n’en a pas moins admis les droits de la nature, dans le domaine qui est le leur, droits éminemment relatifs qu’il ne s’agit pas d’ériger en idoles; c’est ce que saint Augustin a magistralement traité, sous un certain rapport tout au moins, dans Civitas Dei. Le patriotisme normal est à la fois déterminé et limité par les valeurs éternelles; « il ne s’enfle point » et ne pervertit pas l’esprit; il n’est pas, comme le chauvinisme, l’oubli officiel de l’humilité et de la charité en même temps que l’anesthésie de toute une partie de l’intelligence; restant dans ses limites, il est capable de susciter les plus belles vertus, sans être un parasite de la religion.
Il faut se garder des interprétations abusives du passé historique; l’œuvre de Jeanne d’Arc n’a rien à voir avec le nationalisme moderne, d’autant que la sainte à suivi l’impulsion, non point d’un nationalisme naturel – ce qui eût été légitime – mais celle d’une volonté céleste, qui voyait loin. La France fut pendant des siècles le pivot du Catholicisme; une France anglaise eût signifié en fin de compte une Europe protestante et la fin de l’Eglise catholique; c’est ce que voulurent prévenir les « voix ». L’absence de toute passion, chez Jeanne, ses paroles sereines à l’égard des Anglais, corroborent pleinement ce que nous venons de dire et devrait suffire pour mettre la sainte à l’abri de toute imposture rétrospective (1). [... ]

1 – De même, l’étendard de Jeanne fut tout autre chose qu’un drapeau révolutionnaire unissant, dans un même culte profane, croyants et incroyants.

"Usurpations du sentiment religieux", Études Traditionnelles, décembre 1965.

Konrad Lorenz photo
Frithjof Schuon photo
Frithjof Schuon photo

“Ce sont les sophistes, Protagoras en tête, qui sont les véritables précurseurs de la pensée moderne; ce sont eux les « penseurs » proprement dits, en ce sens qu'ils se bornaient à ratiociner et ne se souciaient guère de « percevoir » et de rendre compte de ce qui « est ». Et c'est à tort qu'on a vu en Socrate, Platon et Aristote les pères du rationalisme, voire de la pensée moderne en général; sans doute, ils raisonnent — Shankara et Râmânuja en font autant — mais ils n'ont jamais dit que le raisonnement est l'alpha et l'oméga de l'intelligence et de la vérité, ni a fortiori que nos expériences ou nos goûts déterminent la pensée et priment l'intuition intellectuelle et la logique, quod absit.
Somme toute, la philosophie moderne est la codification d'une infirmité acquise; l'atrophie intellectuelle de l'homme marqué par la « chute » avait pour conséquence une hypertrophie de l'intelligence pratique, d'où en fin de compte l'explosion des sciences physiques et l'apparition de pseudo-sciences telles que la psychologie et la sociologie (1).
Quoi qu'il en soit, il faut reconnaître que le rationalisme bénéficie de circonstances atténuantes en face de la religion, dans la mesure où il se fait le porte-parole des besoins de causalité légitimes que suscitent certains dogmes, du moins quand on les prend à la lettre comme l'exige la théologie (2). D'une manière tout à fait générale, il va de soi qu'un rationaliste peut avoir raison sur le plan des observations et des expériences; l'homme n'est pas un système clos, bien qu'il puisse s'efforcer de l'être. Mais même en dehors de toute question de rationalisme et de dogmatisme, on ne peut en vouloir à personne d'être scandalisé par les sottises et les crimes perpétrés au nom de la religion, ou même simplement par les antinomies entre les différents credos; toutefois, comme les horreurs ne sont certes pas l'apanage de la religion — les prédicateurs de la « déesse raison » en fournissent la preuve —, il faut nous arrêter à la constatation que les excès et les abus sont dans la nature humaine. S'il est absurde et choquant que des crimes se réclament du Saint-Esprit, il n'est pas moins illogique et scandaleux qu'ils aient lieu à l'ombre d'un idéal de rationalité et de justice. […]”

The Transfiguration of Man

Howard Zinn photo

“Le langage quotidien (tout comme le langage des images) est de part en part traversé par des rapports de force, par des rapports sociaux (de classe, de sexe, d'âge, de race, etc.), et c'est dans et par le langage (et l'image) que se joue la domination symbolique, c'est-à-dire la définition - et l'imposition - des perceptions du monde et des représentations socialement légitimes. Le dominant, comme le dit Pierre Bourdieu, est celui qui réussit à imposer la manière dont il veut être perçu, et le dominé, celui qui est défini, pensé et parlé par le langage de l'autre et/ou celui qui ne parvient pas à imposer la perception qu'il à de lui-même. Seules les périodes de crise sociale, culturelle, ou au moins l'irruption de mobilisations politiques ou culturelles, peuvent permettre une mise en question de cet ordre symbolique des représentations et du langage dont al force principale est de se présenter comme ressortissant aux évidences d'un ordre naturel, immuable, et sur lequel on ne s'interroge pas ou sur lequel on s'interroge faussement pour mieux le réaffirmer dans son arbitraire en le présentant comme ayant toujours existé.
La mobilisation politique, l'action politique, sont toujours des batailles pour la représentation, pour le langage et les mots. Ce sont des luttes autour de la perception du monde. La question qui s'y joue est de savoir qui définit la perception et la définition d'un groupe et la perception et la définition du monde en général. La mobilisation, l'action politique, consistent souvent, pour un groupe, à essayer de faire valoir, d'imposer la manière dont il se perçoit lui-même, et d'échapper ainsi à la violence symbolique exercée par la représentation dominante. Mais il convient de préciser qu'il n'y a pas, pour les gays, encore moins pour les « gays et lesbiennes », une manière d'être et de se penser soi-même qui préexisterait et qu'il conviendrait de découvrir et de manifester au grand jour, et encore moins une seule et unique manière d'être et de « se percevoir », ce qui constitue toute la complexité du mouvement gay et lesbien et explique le fait, si souvent souligné, que les définitions qu'il peut donner de lui-même ne sont que des constructions provisoires, fragiles et nécessairement contradictoires entre elles. (p. 117-118)”

Didier Eribon (1953) philosophe et sociologue français

Insult and the Making of the Gay Self

Jean-Jacques Rousseau photo
Jean Racine photo
Frithjof Schuon photo

“… ] Un trait caractéristique de la culture occidentale depuis le Moyen Âge finissant est, du reste, une certaine féminisation : à l'extérieur, le costume masculin manifeste en effet, du moins dans les classes supérieures et surtout chez les princes, un besoin excessif de plaire aux femmes – ce qui est révélateur – tandis que dans la culture en général nous pouvons observer un accroissement de la sensibilité imaginative et émotive, bref une expressivité qui à rigoureusement parler va trop loin et « mondanise » les âmes au lieu de les intérioriser. La cause lointaine de ce trait pourrait être en partie le respect qu'avaient, selon Tacite, les Germains pour la femme – respect que nous sommes fort loin de blâmer –, mais ce trait tout à fait normal et louable eût été sans conséquence problématique s'il n'y avait pas eu un autre facteur beaucoup plus déterminant, à savoir la scission chrétienne de la société en clercs et laïcs; de ce fait, la société laïque devenait une humanité à part qui croyait de plus en plus avoir droit à la mondanité, dans laquelle la femme – qu'elle le veuille ou non – joue évidemment un premier rôle (3). Nous mentionnons cet aspect de la culture occidentale parce qu'il explique une certaine allure du génie extériorisé et hypersensible; et n'oublions pas d'ajouter que tout cela relève du mystère d'Ève et non de celui de Marie, lequel relève de la Mâyâ ascendante.

3 – Un signe de cette autocratie laïque et de la mondanité qui en résulte est, parmi les manifestations vestimentaires, le décolleté des femmes, déjà blâmé par Dante, et paradoxal non seulement au point de vue de l'ascétisme chrétien, mais aussi au point de vue du légalisme sémitique, lequel ignore précisément la distinction entre clercs et laïcs puisqu'il sacralise la société entière; ce n'est pas le phénomène de la dénudation qui étonne ici – car il existe légitimement dans l'hindouisme et ailleurs – mais c'est le fait que ce phénomène se produise en milieu chrétien. On pourrait dire aussi que la frivolité des mœurs laïques – les bals notamment – fait pendant au rigorisme exagéré des couvents, et que cette disparité trop ostentatoire marque un déséquilibre fauteur de toutes sortes d'oscillations subséquentes. Dans l'Inde, le maharadjah couvert de perles et le yogi couvert de cendre sont certes dissemblables, mais ils sont tous deux des « images divines ».”

Frithjof Schuon (1907–1998) métaphysicien, théologien et philosophe suisse

To Have a Center

Amin Maalouf photo

“L'affaiblissement de la part relative de l'Occident dans l'économie mondiale, tel qu'il s'est amorcé au crépuscule de la Guerre froide, est porteur de conséquences graves qui ne sont pas toutes mesurables dès à présent.
L'une des plus inquiétantes, c'est que la tentation paraît désormais grande pour les puissances occidentales, et surtout pour Washington, de préserver par la supériorité militaire ce qu'il n'est plus possible de préserver par la supériorité économique ni par l'autorité morale.
Là se situe peut-être la conséquence la plus paradoxale et la plus perverse de la fin de la Guerre froide; un évènement qui était censé apporter paix et réconciliation, mais qui fut suivi d'un chapelet de conflits successifs, l'Amérique passant sans transition 'une guerre à la suivante, comme si c'était devenu la "méthode de gouvernement" de l'autorité globale plutôt qu'un ultime recours.
Les attentas meurtriers du 11 septembre 2001 ne suffisent pas à expliquer cette dérive; ils l'ont renforcée, et partiellement légitimée, mais elle était déjà largement amorcée.
En décembre 1989, six semaines après la chute du mur de Berlin, les Etats-Unis sont intervenus militairement au Panama contre le général Noriega, et cette expédition aux allures de descente de police avait valeur de proclamation: il fallait que chacun sache désormais qui commandait sur cette planète et qui devait simplement obéir. Puis ce fut, en 1991, la première guerre d'Irak; en 1992-1993, l'équipée malheureuse en Somalie; en 1994, l'intervention en Haïti pour installer au pouvoir le président Jean-Bertrand Aristide; en 1995, la guerre de Bosnie; en décembre 1998, la campagne de bombardements massifs contre l'Irak baptisée "Opération Désert Fox"; en 1999, la guerre du Kosovo; à partir de 2001, la guerre d'Afghanistan; à partir de 2003, la seconde guerre d'Irak; en 2004, une nouvelle expédition en Haïti, cette fois pour déloger le président Aristide…”

Amin Maalouf (1949) écrivain franco-libanais
Wilhelm Reich photo
Martin Lings photo

“Le monde d’aujourd’hui est un chaos d’opinions et d’aspirations désordonnées : le soi-disant « monde libre » est un chaos fluide; la partie totalitaire du monde moderne est un chaos rigide. Par opposition, le monde ancien constituait toujours un ordre, c’est-à-dire une hiérarchie de concepts, chacun au niveau qui lui est propre. Le chaos a été provoqué, nous l’avons vu, par le « télescopage » humaniste de la hiérarchie jusqu’au niveau psychique, et par l’intrusion, dans les considérations terrestres, d’aspirations vers l’autre monde, frustrées et perverties.

L’homme, en raison de sa véritable nature, ne peut pas ne pas adorer; si sa perspective est coupée du plan spirituel, il trouvera un « dieu » à adorer à un niveau inférieur, dotant ainsi quelque chose de relatif ce qui seul appartient à l’Absolu. D’où l’existence aujourd’hui de tant de « mots tout-puissants » comme « liberté », « égalité », « instruction », « science », « civilisation », mots qu’il suffit de prononcer pour qu’une multitude d’âmes se prosterne en une adoration infra-rationnelle.

Les superstitions de la liberté et de l’égalité ne sont pas seulement le résultat mais aussi, en partie, la cause du désordre général, car chacune, à sa manière, est une révolte contre la hiérarchie; et elles sont d’autant plus pernicieuses qu’elles sont des perversions de deux des élans les plus élevés de l’homme. Corruptio optimi pessima, la corruption du meilleur est la pire; mais il suffit de rétablir l’ordre ancien, et les deux idoles en question s’évanouiront de ce monde (laissant ainsi la place aux aspirations terrestres légitimes vers la liberté et l’égalité) et, transformées, reprendront leur place au sommet même de la hiérarchie.

Le désir de liberté est avant tout désir de Dieu, la Liberté Absolue étant un aspect essentiel de la Divinité. Ainsi, dans l’Hindouisme, l’état spirituel suprême qui marque la fin de la voie mystique est désigné par le terme de délivrance (moksha), car c’est un état d’union (yoga) avec l’Absolu, l’Infini et l’Éternel, qui permet l’affranchissement des liens de la relativité. C’est évidemment, avant tout, cet affranchissement auquel le Christ faisait référence lorsqu’il disait : « Recherchez la connaissance, car la connaissance vous rendra libre », étant donné que la connaissance directe, la Gnose, signifie l’union avec l’objet de la connaissance, c’est-à-dire avec Dieu. (pp. 59-60)”

Martin Lings (1909–2005) savant anglais du soufisme

Ancient Beliefs and Modern Superstitions

Michel Onfray photo
Alphonse Daudet photo

“L'épithète doit être la maîtresse du substantif, jamais sa femme légitime.”

Alphonse Daudet (1840–1897) écrivain et auteur dramatique français

Notes sur la vie (published posthumously 1899)

Michel Foucault photo
Élisabeth Vonarburg photo
Jean Grave photo