Citations sur simple
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“Si rien n'a changé dans mon musée d'autrefois, tout également est resté pareil dans ces quartiers de ma ville de plus en plus désuète, d'où la vie maritime peu à peu se retire: les mêmes pans de murs, garnis des mêmes jasmins et mêmes lierres, les mêmes toits en tuiles romaines jaunis par la rouille du temps, les mêmes cheminées dont je reconnais si bien les profils sur le ciel de cette fin d'une journée d'automne. Les arbres des jardins, qui étaient déjà vieux quand je commençais la vie, n'ont pas sensiblement vieilli depuis. Les grands ormeaux des remparts, qui étaient déjà séculaires, sont là toujours formant une aussi magnifique ceinture avec leurs mêmes cimes vertes. Et quand tout s'est conservé immuable dans les entours, comment imaginer, admettre que l'on est soi-même non loin de finir, tout simplement parce que l'on atteindra bientôt le nombre d'années compté sans merci à la moyenne des existences! Mon Dieu, finir, quand on ne sent rien en soi qui ait changé, et que le même élan vous emporterait vers l'aventure, vers l'inconnu s'il en restait quelque part! Est-ce possible, hélas! devant cet humble mais immuable décor qui devrait pourtant, à ce qu'il semble, vous envelopper d'une protection, vous imprégner un peu de sa faculté de durer, devant tout cela qui si aisément s'éternise, avoir été un enfant pour qui le monde va s'ouvrir, avoir été celui qui vivra, et ne plus être que celui qui a vécu!….”

Pierre Loti (1850–1923) écrivain et officier de marine français

Angkor

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“Une nouvelle génération, donc, subit simplement l'état de choses; elle ne se pose aucun vrai problème, et de la « libération » dont elle jouit, elle fait un usage à tous points de vue stupide. Quand cette jeunesse prétend qu'elle n'est pas comprise, la seule réponse à lui donner c'est qu'il n'y a justement rien à comprendre en elle, et que, s'il existait un ordre normal, il s'agirait uniquement de la remettre à sa place sans tarder, comme on fait avec les enfants, lorsque sa stupidité devient fatigante, envahissante et impertinente. Le soi-disant anticonformisme de certaines attitudes, abstraction faite de leur banalité, suit du reste une espèce de mode, de nouvelle convention, de sorte qu'il s'agit précisément du contraire d'une manifestation de liberté. Pour différents phénomènes envisagés par nous dans les pages précédentes, tels que par exemple le goût de la vulgarité et certaines formes nouvelles des mœurs, on peut se référer, dans l'ensemble, à cette jeunesse-là; en font partie les fanatiques des deux sexes pour les braillards, les « chanteurs » épileptiques, au moment où nous écrivons pour les séances collectives de marionnettes représentées par les ye-ye sessions, pour tel ou tel « disque à succès » et ainsi de suite, avec les comportements correspondants. L'absence, chez ceux-là, du sens du ridicule rend impossible d'exercer sur eux une influence quelconque, si bien qu'il faut les laisser à eux-mêmes et à leur stupidité et estimer que si par hasard apparaissent, chez ce type de jeunes, quelques aspects polémiques en ce qui concerne, par exemple, l'émancipation sexuelle des mineurs et le sens de la famille, cela n'a aucun relief. Les années passant, la nécessité, pour la plupart d'entre eux, de faire face aux problèmes matériels et économiques de la vie fera sans doute que cette jeunesse-là, devenue adulte, s'adaptera aux routines professionnelles, productives et sociales d'un monde comme le monde actuel; ce qui, d'ailleurs, la fera passer simplement d'une forme de nullité à une autre forme de nullité. Aucun problème digne de ce nom ne vient se poser.”

Julius Evola (1898–1974) philosophe italien

L'arco e la clava

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“La différence entre la psychologie moderne et la psychologie sacrée apparaît déjà dans le fait que, pour la plupart des psychologues modernes, la morale n'a plus rien à faire avec la psychologie. Généralement, ils réduisent l'éthique à la morale sociale, plus ou moins forgée par de simples habitudes et la considèrent comme une sorte de barrage psychique, utile à l'occasion, mais le plus souvent contraignant, voire néfaste, pour l'épanouissement « normale » de la psychè individuelle. Cette conception a surtout été propagée par la psychanalyse freudienne, qui, comme on le sait, est devenu d'un usage courant dans certains pays, où elle joue pratiquement le rôle qui revient ailleurs au sacrement de la confession. Le psychiatre remplace le prêtre et l'éclatement des instincts refoulés sert d'absolution. Dans la confession sacramentelle, le prêtre n'est que le représentant impersonnel – et donc tenu au secret – de la Vérité divine, qui à la fois juge et pardonne; en confessant ses fautes, le pécheur transforme les tendances qui les sous-tendent en quelque chose qui n'est plus « lui-même »; il les « objectivise »; en se repentant, il s'en détache, et en recevant l'absolution, son âme retrouve son équilibre initial, centré sur son axe divin. Dans le cas de la psychanalyse freudienne, en revanche (1), l'homme met à nu ses entrailles psychiques non pas devant Dieu, mais devant son prochain; il ne prend pas de recul par rapport aux fonds chaotiques et obscurs de son âme que l'analyse lui dévoile, mais au contraire se les approprie, puisqu'il doit se dire à lui-même : « C'est ainsi que je suis fait en réalité ». Et s'il ne parvient pas à surmonter cette désillusion avilissante grâce à quelque influence salutaire, il en conserve comme une souillure intérieure. Dans la plupart des cas, il tente de se sauver en se plongeant dans la médiocrité psychique du plus grand nombre, car on supporte mieux son propre avilissement en le partageant avec autrui. Quelle que puisse être l'utilité occasionnelle et partielle d'une telle analyse, son résultat est généralement celui-là, étant donné les prémisses dont elle part.(2)

(1) Cette précision est nécessaire dans la mesure où il existe également aujourd'hui des formes plus inoffensives de psychanalyse, ce qui ne veut pas dire que nous entendons par là justifier une forme quelconque de psychanalyse.

(2) Il y a une règle selon laquelle quiconque pratique la psychanalyse doit auparavant avoir subi lui-même la psychanalyse. D'où la question de savoir qui a inauguré cette série, qui imite étrangement la « succession apostolique ».”

Titus Burckhardt (1908–1984)

Science moderne et Sagesse traditionnelle

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“Je suis un demi-dieu, une divinité mineure, un archange… Choisis le terme que tu préfères. Tu peux t’adresser à moi en m’appelant « maître », car tu n’as pas le droit de connaître mon nom. (Il se laissa tomber en position assise.) J’ai choisi cette forme parce qu’elle m’amuse et ne t’effraie pas. Wallie ne fut pas impressionné. — Pourquoi jouer avec moi ? J’aurais pu croire en toi beaucoup plus tôt si tu t’étais présenté sous un aspect plus divin – ou même avec un simple halo… Il avait dépassé les bornes. Les joues de l’enfant se gonflèrent sous le coup de la colère. — Très bien, puisque c’est ton souhait. Voici un petit aperçu. Wallie cria et se couvrit les yeux, mais trop tard. La caverne était déjà brillante, mais elle s’enflamma soudain d’un éclat magnificent aussi aveuglant que celui d’un soleil. L’enfant était demeuré un enfant, mais une infime partie de sa divinité flamboya un bref instant – et ce fut assez pour plonger un simple mortel dans une terreur sans nom. Dans ce fragment de majesté, Wallie vit que l’âge de cet être dépassait l’imagination – il existait bien avant la formation des galaxies et perdurerait bien après la disparition de feux d’artifice aussi éphémères ; son quotient intellectuel se mesurait en trillions et il était capable de connaître chaque pensée de chaque créature dans l’univers ; sa puissance aurait pu détruire une planète aussi facilement qu’on se cure les ongles ; comparés à sa noblesse et à sa pureté, les êtres humains ressemblaient à des bêtes infâmes et inutiles ; rien n’était capable de résister à ses objectifs froids et inébranlables ; sa compassion dépassait l’entendement humain et connaissait la souffrance des mortels ainsi que leurs raisons d’être, mais il ne pouvait pas la supprimer sans supprimer l’essence mortelle à la base de cette douleur. Wallie sentit aussi quelque chose de plus profond et de plus terrible encore, une présence que nul mot ne pouvait décrire, mais qu’un mortel aurait apparentée à l’ennui ou à la résignation. Il y avait des côtés négatifs à l’immortalité : le fardeau de l’omniscience et l’absence de futur limité, plus la moindre surprise, plus de fin même après la fin des temps, à jamais et à jamais… Wallie réalisa qu’il était à plat”

Le Guerrier de la déesse

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“L'affaiblissement de la part relative de l'Occident dans l'économie mondiale, tel qu'il s'est amorcé au crépuscule de la Guerre froide, est porteur de conséquences graves qui ne sont pas toutes mesurables dès à présent.
L'une des plus inquiétantes, c'est que la tentation paraît désormais grande pour les puissances occidentales, et surtout pour Washington, de préserver par la supériorité militaire ce qu'il n'est plus possible de préserver par la supériorité économique ni par l'autorité morale.
Là se situe peut-être la conséquence la plus paradoxale et la plus perverse de la fin de la Guerre froide; un évènement qui était censé apporter paix et réconciliation, mais qui fut suivi d'un chapelet de conflits successifs, l'Amérique passant sans transition 'une guerre à la suivante, comme si c'était devenu la "méthode de gouvernement" de l'autorité globale plutôt qu'un ultime recours.
Les attentas meurtriers du 11 septembre 2001 ne suffisent pas à expliquer cette dérive; ils l'ont renforcée, et partiellement légitimée, mais elle était déjà largement amorcée.
En décembre 1989, six semaines après la chute du mur de Berlin, les Etats-Unis sont intervenus militairement au Panama contre le général Noriega, et cette expédition aux allures de descente de police avait valeur de proclamation: il fallait que chacun sache désormais qui commandait sur cette planète et qui devait simplement obéir. Puis ce fut, en 1991, la première guerre d'Irak; en 1992-1993, l'équipée malheureuse en Somalie; en 1994, l'intervention en Haïti pour installer au pouvoir le président Jean-Bertrand Aristide; en 1995, la guerre de Bosnie; en décembre 1998, la campagne de bombardements massifs contre l'Irak baptisée "Opération Désert Fox"; en 1999, la guerre du Kosovo; à partir de 2001, la guerre d'Afghanistan; à partir de 2003, la seconde guerre d'Irak; en 2004, une nouvelle expédition en Haïti, cette fois pour déloger le président Aristide…”

Amin Maalouf (1949) écrivain franco-libanais
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“Le fondement du « subjectivisme logique » des croyants est dans ce que nous pourrions appeler le « solipsisme religieux »; et celui-ci est inévitable pour deux raisons majeures. Premièrement, tout Message religieux est un Message d'Absolu; ce caractère d’Absolu pénètre tout le Message et lui confère sa qualité d’unicité. Dieu parle pour l'Intérieur et ne se préoccupe pas de l’extérieur en tant que tel; Il proclame « la Religion » sous une forme adaptée à telles possibilités humaines; Il ne fait pas de « religion comparée ». Deuxièmement, l'homme moyen n’est pas disposé à saisir ce caractère d'Absolu si on ne le lui suggère pas par l'unicité de l'expression; et Dieu n'entend pas compromettre cette compréhension par des précisions soulignant l'aspect extérieur de rela­tivité, donc étrangères à ce qui est la raison d'être du Message. Mais ceci ne saurait lier l'ésotérisme : d’une part parce qu'il n'est pas un Message religieux et qu’il relève de l’Intellect plutôt que de la Révélation, et d’autre part parce qu’il s'adresse à des hommes qui n'ont pas besoin d'une suggestion d'unicité et d'exclusivité, sur le plan de l'expression, pour saisir le caractère d’Absolu dans les énonciations sacrées.

Tout ceci est propre à faire comprendre que nous sommes aussi loin que possible d'approuver un « œcumé­nisme » gratuit et sentimentaliste, qui ne distingue pas entre la vérité et l'erreur et dont le résultat est l’indiffé­rence religieuse et le culte de l'homme. Ce qu'il s’agit d’entendre en réalité, c’est que la présence indéniable de la vérité transcendante, du sacré et du surnaturel sous des formes autres que celle de notre religion d’ori­gine, devrait nous amener, non le moins du monde à mettre en doute le caractère d’Absolu propre à notre religion, mais simplement à admettre l'inhérence de l’Absolu à un symbolisme doctrinal et sacramentel qui par définition le manifeste et le communique, mais qui également par définition — puisqu’il est d’ordre formel — est relatif et limité malgré son allure d’unicité. Allure nécessaire, nous l’avons dit, en tant que témoignage de l’Absolu, mais simplement indicative au point de vue de l’Absolu en soi, lequel se manifeste nécessairement par l’unicité et tout aussi nécessairement — en vertu de son Infinitude — par la diversité des formes. […]

Les divergences religieuses nous font penser aux contradictions entre les visions des mystiques, bien qu’il n’y ait là aucune commune mesure, sauf qu’il y a dans les deux cas une vérité intrinsèque sous-jacente : tel mystique brosse du purgatoire un tableau plutôt désespérant, tel autre insiste sur une joie d’espérance qui y règne, chaque perspective se trouvant appuyée par une imagerie qui la concrétise; le symbolisme se combine avec un frag-mentarisme isolant et un sentimentalisme biaisant. Comme dans le cas des religions, les contradictions formelles des imageries mystiques n’infirment pas la vérité intégrale dont elles rehaussent des aspects en fonction de telle perspective de crainte ou d’amour; mais nous n’avons pas besoin ici de recourir à l’ésotérisme pour dégager la vérité; la théologie y pourvoit en distinguant d’emblée entre les contenus de la croyance, suivant qu’ils sont nécessaires ou recommandés, ou simplement possibles.”

Frithjof Schuon (1907–1998) métaphysicien, théologien et philosophe suisse

From The Divine To The Human: Survey Of Metaphysics And Epistemology

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“Quelle chose extraordinaire… La dernière fois qu'elle l'avait vu, avait-il l'air de quelqu'un qui va mourir? Alors lui revint une image, douteuse, incertaine… oui, une image de lui, montant se coucher de bonne heure, pas plus tard que dix heures. Elle avait levé les yeux vers l'escalier, et elle l'avait vu presque en haut, montant, la main sur la rampe; allant au lit si tôt, paraissant, oui, paraissant un peu faible; le dos vouté, le pas lent et fléchissant; la montée un peu laborieuse d'un homme qui vieillit, oui… d'un homme âgé, fragile, une chose un peu inquiétante, un peu émouvante à voir tout à coup. La jeunesse pouvait donc nous quitter, c'était vrai? Il avait été jeune, et il était vieux. Un jour, elle aussi… elle aussi… oui, un moment elle avait pensé cela. Et maintenant il était mort.
Elle se glissa dans la bibliothèque, alluma toutes les lumières, et contempla son portrait. Cette splendide jeunesse avait vécu, avait vieilli, était morte. Il avait donné la vie à une fille, qui regardait cette image et pensait ces choses. Mais les froids portraits tiennent les êtres enfermés à jamais dans l'irréalité : ne pouvant pas mourir, puisqu'ils n'ont pas vécu.
Elle se laissa tomber sur une chaise, ensevelit son visage dans ses mains, cherchant un souvenir qui l'assurât qu'il avait vraiment vécu, et qu'il était vraiment mort. (…)
Elle ne contemplerait plus, sous la lampe, son profil ardent et noble, penché durant des heures sur son travail, en face du buste d'Homère. Parfois, il lui arrivait de lever les yeux et de sourire, comme vaguement satisfait de sa présence. Sa place à son pupitre était vide à jamais, et c'était une chose pathétique, sur laquelle on ne pouvait arrêter sa pensée sans larmes, parce qu'elle le ramenait à la simple humanité.
Cela faisait-il mal de mourir?”

Dusty Answer

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“La dialectique métaphysique ou ésotérique évolue entre la simplicité symboliste et la complexité réflexive; cette dernière - et c'est à un point que les modernes ont de la peine à comprendre - peut devenir de plus en plus subtile sans pour cela s'approcher d'un pouce de la vérité; autrement dit, une pensée peut se subdiviser en mille ramifications et s'entourer de toutes les précautions possibles tout en restant extérieure et ""profane"", car aucune virtuosité du potier ne transformera l'argile en or. On peut concevoir un langage cent fois plus réflexif que celui dont on use actuellement, puisqu'il n'y a là pas de limites de principe; toute formulation est forcément ""naïve"" à sa manière, et on peut toujours chercher à la hausser par un luxe de miroitements logiques ou imaginatifs; or cela prouve, d'une part que la réflexivité comme telle n'ajoute aucune qualité essentielle à une énonciation, et d'autre part, rétrospectivement, que les énonciations relativement simples des sages d'autrefois étaient chargées d'une plénitude que, précisément, on ne sait plus discerner a priori et dont on nie volontiers l'existence.

Ce n'est pas une réflexivité poussée à l'absurde qui peut nous introduire au cœur de la gnose; ceux qui entendent procéder sur ce plan par investigations et tâtonnements, qui scrutent et qui pèsent, n'ont pas saisi qu'on ne peut soumettre tous les ordres de connaissance au même ""régime"" de logique et d'expérience, et qu'il est des réalités qui se comprennent d'un coup d’œil et qui ne se comprennent pas du tout.”

Understanding Islam

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“Le plus passionnant, ce sont les six volumes suivants de l'Histoire des origines du christianisme, où est racontée en détail cette histoire beaucoup moins connue : comment une petite secte juive, fondée par des pêcheurs illettrés, soudée par une croyance saugrenue sur laquelle aucune personne raisonnable n'aurait misé un sesterce, a en moins de trois siècles dévoré de l'intérieur l'Empire romain et, contre toute vraisemblance, perduré jusqu'à nos jours. Et ce qui est passionnant, ce n'est pas seulement l'histoire en soi extraordinaire que Renan raconte, mais l'extraordinaire honnêteté avec laquelle il la raconte, je veux dire sa façon d'expliquer au lecteur comment il fait sa cuisine d'historien : de quelles sources il dispose, comment il les exploite et en vertu de quels présupposés. J'ai sa façon d'écrire l'histoire, non pas ad probandum, comme il dit, mais ad narrandum : pas pour prouver quelque chose, mais simplement pour raconte ce qui s'est passé. J'aime sa bonne foi têtue, le scrupule qu'il met à distinguer le certain du probable, le probable du possible, le possible du douteux, et le calme avec lequel il répond aux plus violents de ses critiques : " Quant aux personnes qui ont besoin, dans l'intérêt de leur croyance, que je sois un ignorant, un esprit faux ou un homme de mauvaise foi, je n'ai pas la prétention de modifier leur opinion. Si ell est nécessaire à leur repos, je m'en voudrais de les désabuser." (p. 176-177)”

Le Royaume

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“FOLCO : ""Socialisme"" et ""communisme"" sont devenus presque des gros mots. Quelle est l'essence de ce rêve à laquelle on pourrait s'identifier, au lieu de le repousser sans même y réfléchir?
TIZIANO : L'idée du socialisme était simple : créer une société dans laquelle il n'y aurait pas de patrons pour contrôler les moyens de production, moyens avec lesquels ils réduisent le peuple en esclavage; Si tu as une usine et que tu en es le patron absolu, tu peux licencier et embaucher à ta guise, tu peu même embaucher des enfants de douze ans et les faire travailler. Il est clair que tu engranges un profit énorme, qui n'est pas dû uniquement à ton travail, mais également au travail de ces personnes-là. Alors, si les travailleurs participent déjà à l'effort de production, pourquoi ne pas les laisser coposséder l'usine?
La société est pleine d'injustices. On regarde autour de soi et on se dit : mais comment, il n'est pas possible de résoudre ces injustices?
Je m'explique. Quelqu'un a une entreprise agricole en amont d'un fleuve avec beaucoup d'eau. Il peut construire une digue pour empêcher que l'eau aille jusqu'au paysan dans la vallée, mais ce n'est pas juste. Ne peut-il pas, au contraire, trouver un accord pour que toute cette eau arrive également chez celui qui se trouve en bas? Le socialisme, c'est l'idée d'une société dans laquelle personne n'exploite le travail de l'autre. Chacun fait son devoir et, de tout ce qui a été fait en commun, chacun prend ce dont il a besoin. Cela signifie qu'il vit en fonction de ce dont il a besoin, qu'il n'accumule pas, car l'accumulation enlève quelque chose aux autres et ne sert à rien. Regarde, aujourd'hui, tous ces gens richissimes, même en Italie! Toute cette accumulation, à quoi sert-elle? Elle sert aux gens riches. Elle leur sert à se construire un yacht, une gigantesque villa à la mer. Souvent, tout cet argent n'est même pas recyclé dans le système qui produit du travail. Il y a quelque chose qui ne tourne pas rond. C'est de là qu'est née l'idée du socialisme.
FOLCO : Et le communisme? Quelle est la différence entre le socialisme et le communisme?
TIZIANO : Le communisme a essayé d'institutionnaliser l'aspiration socialiste, en créant - on croit toujours que c'est la solution - des institutions et des organismes de contrôle. Dès cet instant, le socialisme a disparu, parce que le socialisme a un fond anarchiste. Lorsqu'on commence à mettre en place une police qui contrôle combien de pain tu manges, qui oblige tout le monde à aller au travail à huit heures, et qui envoie au goulag ceux qui n'y vont pas, alors c'est fini. (p. 383-384)”

La fine è il mio inizio

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“Cherchez en vous-mêmes. Explorez la raison qui vous commande d'écrire; examinez si elle plonge ses racines au plus profond de votre cour; faites-vous cet aveu : devriez-vous mourir s'il vous était interdit d'écrire. Ceci surtout : demandez-vous à l'heure la plus silencieuse de votre nuit; me faut-il écrire? Creusez en vous-mêmes à la recherche d'une réponse profonde. Et si celle-ci devait être affirmative, s'il vous était donné d'aller à la rencontre de cette grave question avec un fort et simple "il le faut", alors bâtissez votre vie selon cette nécessité; votre vie, jusqu'en son heure la plus indifférente et la plus infime, doit être le signe et le témoignage de cette impulsion. Puis vous vous approcherez de la nature. Puis vous essayerez, comme un premier homme, de dire ce que vous voyez et vivez, aimez et perdez. N'écrivez pas de poèmes d'amour; évitez d'abord les formes qui sont trop courantes et trop habituelles : ce sont les plus difficiles, car il faut la force de la maturité pour donner, là où de bonnes et parfois brillantes traditions se présentent en foule, ce qui vous est propre. Laissez-donc les motifs communs pour ceux que vous offre votre propre quotidien; décrivez vos tristesses et vos désirs, les pensées fugaces et la foi en quelque beauté. Décrivez tout cela avec une sincérité profonde, paisible et humble, et utilisez, pour vous exprimer, les choses qui vous entourent, les images de vos rêves et les objets de votre souvenir. Si votre quotidien vous paraît pauvre, ne l'accusez pas; accusez-vous vous-même, dites-vous que vous n'êtes pas assez poète pour appeler à vous ses richesses; car pour celui qui crée il n'y a pas de pauvreté, pas de lieu pauvre et indifférent. Et fussiez-vous même dans une prison dont les murs ne laisseraient parvenir à vos sens aucune des rumeurs du monde, n'auriez-vous pas alors toujours votre enfance, cette délicieuse et royale richesse, ce trésor des souvenirs? Tournez vers elle votre attention. Cherchez à faire resurgir les sensations englouties de ce vaste passé; votre personnalité s'affirmera, votre solitude s'étendra pour devenir une demeure de douce lumière, loin de laquelle passera le bruit des autres." (Lettres à un jeune poète)”

Letters to a Young Poet

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“L’homme sait aujourd’hui que la terre n’est qu’une boule animée d’un mouvement multiforme et vertigineux qui court sur un abîme insondable, attirée et dominée par les forces qu’exercent sur elle d’autres corps célestes, incomparablement plus grands et situés à des distances inimaginables; il sait que la terre où il vit n’est qu’un grain de poussière par rapport au soleil, et que le soleil lui-même n’est qu’un grain au milieu de myriades d’autres astres incandescents; il sait aussi que tout cela bouge. Une simple irrégularité dans cet enchaînement de mouvements sidéraux, l’interférence d’un astre étranger dans le système planétaire, une déviation de la trajectoire normale du soleil, ou tout autre incident cosmique, suffirait pour faire vaciller la terre au cours de sa révolution, pour troubler la succession des saisons, modifier l’atmosphère et détruire l’humanité. L’homme aujourd’hui sait par ailleurs que le moindre atome renferme des forces qui, si elles étaient déchaînées, pourraient provoquer sur terre une conflagration planétaire presque instantanée. Tout cela, l’“infiniment petit” et l’“infiniment grand”, apparaît, du point de vue de la science moderne, comme un mécanisme d’une complexité inimaginable, dont le fonctionnement est dû à des forces aveugles.

Et pourtant, l’homme d’aujourd’hui vit et agit comme si le déroulement normal et habituel des rythmes de la nature lui était garanti. Il ne pense, en effet, ni aux abîmes du monde intersidéral, ni aux forces terribles que renferme chaque corpuscule de matière. Avec des yeux d’enfant, il regarde au-dessus de lui la voûte céleste avec le soleil et les étoiles, mais le souvenir des théories astronomiques l’empêche d’y voir des signes de Dieu. Le ciel a cessé de représenter pour lui la manifestation naturelle de l’esprit qui englobe le monde et l’éclaire. Le savoir universitaire s’est substitué en lui à cette vision “naïve” et profonde des choses. Non qu’il ait maintenant conscience d’un ordre cosmique supérieur, dont l’homme serait aussi partie intégrante. Non. Il se sent comme abandonné, privé d’appui solide face à ces abîmes qui n’ont plus aucune commune mesure avec lui-même. Car rien ne lui rappelle plus désormais que tout l’univers, en définitive, est contenu en lui-même, non pas dans son être individuel, certes, mais dans l’esprit qui est en lui et qui, en même temps, le dépasse, lui et tout l’univers visible.”

Titus Burckhardt (1908–1984)

Science moderne et Sagesse traditionnelle

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“Les affaires, c'est bien simple, c'est l'argent des autres.”

Alexandre Dumas fils (1824–1895) écrivain et dramaturge français, fils de l'écrivain et dramaturge homonyme
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“Qui recule devant un simple regard ne peut résister devant la prison, à fortiori devant les armes.”

Aoua Keïta (1912–1980) femme politique malienne

Femme d'Afrique, 1975

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“J’ai toujours proclamé mon innocence, chacun était libre d’interpréter ces déclarations comme il l’entendait, mais je peux dire que pour beaucoup, la question ne se posait pas : il s’agissait simplement de soutenir mon idéologie de l’époque des événements. On m’a aidé pour diverses raisons qui venaient soit du fait que je me disais innocent; soit du fait que dans de nombreux pays, une condamnation par contumace n’est pas imaginable; soit parce que je cherchais à me donner l’image d’un combattant de la liberté, comme je pensais l’être pendant les événements des années 70.”

Cesare Battisti (1954) militant politique, terroriste et écrivain italien

Io ho sempre professato la mia innocenza, ciascuno è stato libero di interpretare questa mia proclamazione come meglio ha creduto, ma posso dire che per molti di questi il problema non si poneva, andava semplicemente sostenuta la mia ideologia all’epoca dei fatti. Io sono stato appoggiato per una pluralità di ragioni che vanno sia dal fatto che mi proclamavo innocente, sia dal fatto che in molti paesi non è concepibile una condanna in contumacia e sia perché io cercavo di dare di me l’idea di un combattente della libertà, come io mi sentivo per i fatti degli anni ’70.
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“Les historiens commentent souvent la faute de vouloir trouver à tout prix une cohérence aux grands penseurs. Certains problèmes sont trop difficiles, trop globaux, trop importants, trop liés à leur contexte social, ou simplement trop pauvres en connées pour pouvoir être résolus même par les scientifiques les plus brillants.”

Stephen Jay Gould (1941–2002) paléontologue américain

La structure de la théorie de l'évolution, Chapitre 3 les germes de la théorie hiérarchique, 1_ Lamarck est la naissance de l'évolution moderne sur la base d'une théorie invoquant deux types de facteurs

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“Nous faisons la guerre chez eux, ils font la guerre chez nous. C’est aussi simple que cela.”

Alain de Benoist (1943) écrivain français

Alain de Benoist après les Attentats de novembre 2015 en Île-de-France
Sur l'islam, l'islamisme et le djihadisme

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“Notre ignorance des fonctions cérébrales est actuellement si totale que nous n'avons même pas pu commencer à élaborer des stratégies de recherche appropriées. Nous nous trouverions devant le cerveau ouvert, des instruments sophistiqués à la main, à peu près comme un ouvrier non scolarisé pourrait se tenir devant le câblage exposé d'un ordinateur : impressionné peut-être, mais sûrement impuissant. Une microanalyse des fonctions cérébrales n'est d'ailleurs pas plus utile pour comprendre quoi que ce soit sur la pensée qu'une analyse correspondante des impulsions qui circulent dans un ordinateur ne le serait pour comprendre quel programme l'ordinateur exécute. De telles analyses se situeraient simplement au mauvais niveau conceptuel. Elles pourraient aider à décider d'expériences cruciales, mais seulement après que ces expériences aient été conçues sur la base de théories de niveau beaucoup plus élevé”

Joseph Weizenbaum (1923–2008) informaticien germano-américain

par exemple, linguistiques

(en) Our ignorance of brain function is currently so very nearly total that we could not even begin to frame appropriate research strategies. We would stand before the open brain, fancy instruments in hand, roughly as an unschooled labourer might stand before the exposed wiring of a computer: awed perhaps, but surely helpless. A microanalysis of brain functions is, moreover, no more useful for understanding anything about thinking than a corresponding analysis of the pulses flowing through a computer would be for understanding what program the computer is running. Such analyses would simply be at the wrong conceptual level. They might help to decide crucial experiments, but only after such experiments had been designed on the basis of much higher-level (for example, linguistic) theories.
Computer Power and Human Reason: From Judgment To Calculation (1976)

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“Il est très simple d’être heureux, mais il est très difficile d’être simple.”

Rabindranath Tagore (1861–1941) compositeur, écrivain, dramaturge, peintre et philosophe indien
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