Citations sur voirie
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“Quand Marco passait, tous les jeunes hommes Se penchaient pour voir ses yeux, des Sodomes Où les feux d'Amour brûlaient sans pitié Ta pauvre cahute, ô froide Amitié; Tout autour dansaient des parfums mystiques Où l'âme, en pleurant, s'anéantissait. Sur ses cheveux roux un charme glissait; Sa robe rendait d'étranges musiques Quand Marco passait. Quand Marco chantait, ses mains, sur l'ivoire, Évoquaient souvent la profondeur noire Des airs primitifs que nul n'a redits, Et sa voix montait dans les paradis De la symphonie immense des rêves, Et l'enthousiasme alors transportait Vers des cieux connus quiconque écoutait Ce timbre d'argent qui vibrait sans trèves, Quand Marco chantait. Quand Marco pleurait, ses terribles larmes Défiaient l'éclat des plus belles armes; Ses lèvres de sang fonçaient leur carmin Et son désespoir n'avait rien d'humain; Pareil au foyer que l'huile exaspère, Son courroux croissait, rouge, et l'on aurait Dit d'une lionne à l'âpre forêt Communiquant sa terrible colère, Quand Marco pleurait. Quand Marco dansait, sa jupe moirée Allait et venait comme une marée, Et, tel qu'un bambou flexible, son flanc Se tordait, faisant saillir son sein blanc; Un éclair partait. Sa jambe de marbre, Emphatiquement cynique, haussait Ses mates splendeurs, et cela faisait Le bruit du vent de la nuit dans un arbre, Quand Marco dansait. Quand Marco dormait, oh! quels parfums d'ambre Et de chair mêlés opprimaient la chambre! Sous les draps la ligne exquise du dos Ondulait, et dans l'ombre des rideaux L'haleine montait, rhythmique et légère; Un sommeil heureux et calme fermait Ses yeux, et ce doux mystère charmait Les vagues objets parmi l'étagère, Quand Marco dormait. Mais quand elle aimait, des flots de luxure Débordaient, ainsi que d'une blessure Sort un sang vermeil qui fume et qui bout, De ce corps cruel que son crime absout: Le torrent rompait les digues de l'âme, Noyait la pensée, et bouleversait Tout sur son passage, et rebondissait Souple et dévorant comme de la flamme, Et puis se glaçait.”

Oeuvres complètes de Paul Verlaine, Vol. 1 Poèmes Saturniens, Fêtes Galantes, Bonne chanson, Romances sans paroles, Sagesse, Jadis et naguère

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“C’est à Ibn ‘Arabi que l’on attribue le rôle le plus éminent dans cette interprétation de plus en plus approfondie du principe féminin. Pour lui non seulement la nafs [âme] est féminine – comme c’est le cas généralement – mais aussi dhât, « essence divine », de sorte que la féminité, dans son œuvre, est la forme sous laquelle Dieu se manifeste le mieux (…) cette phrase savant exprime, en effet, parfaitement le concept d’Ibn ‘Arabi puisqu’il écrit au sujet de sa compréhension du divin :
« Dieu ne peut être envisagé en dehors de la matière et il est envisagé plus parfaitement en la matière humaine que dans toute autre et plus parfaitement en la femme qu’en l’homme. Car Il est envisagé soit comme le principe qui agit soit comme le principe qui subit, soit comme les deux à la fois (…) quand Dieu se manifeste sous la forme de la femme Il est celui qui agit grâce au fait qu’Il domine totalement l’âme de l’homme et qu’Il l’incite à se donner et à se soumettre entièrement à Lui (…) c’est pourquoi voir Dieu dans la femme signifie Le voir sous ces deux aspects, une telle vision est plus complète que de Le voir sous toute autre forme par laquelle Il se manifeste. »
(…)
Des auteurs mystiques postérieurs à Ibn ‘Arabi développèrent ses idées et représentèrent les mystères de la relation physique entre l’homme et la femme par des descriptions tout à fait concrètes. L’opuscule du soufi cachemirien Ya’qub Sarfi (mort en 1594), analysé par Sachiko Murata, en est un exemple typique; il y explique la nécessité des ablutions complètes après l’acte d’amour par l’expérience « religieuse » de l’amour charnel : au moment de ce plaisir extatique extrême – le plus fort que l’on puisse imagine et vivre – l’esprit est tant occupé par les manifestations du divin qu’il perd toute relation avec son corps. Par les ablutions, il ramène ce corps devenu quasiment cadavre à la vie normale.
(…)
On retrouve des considérations semblables concernant le « mystère du mariage » chez Kasani, un mystique originaire de Farghana (mort en 1543). Eve, n’avait-elle pas été créée afin que « Adam pût se reposer auprès d’elle », comme il est dit dans le Coran (sourate 7:189)? Elle était le don divin pour le consoler dans sa solitude, la manifestation de cet océan divin qu’il avait quitté. La femme est la plus belle manifestation du divin, tel fut le sentiment d’Ibn ‘Arabi.”

Annemarie Schimmel (1922–2003)

My Soul Is a Woman: The Feminine in Islam

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“Peut-être vaut-il la peine de rendre compte ici du phénomène ambigu de la naïveté : celle-ci est avant tout du manque d'expérience combiné avec de la crédulité, comme le prouve l'exemple des enfants, même les plus intelligents. La crédulité peut avoir un fond positif: elle peut être l'attitude de l'homme véridique qui croit tout naturellement que tout le monde est comme lui; il y a des peuplades qui sont crédules parce qu'elles ignorent le mensonge. Il va donc de soi que la naïveté peut être chose toute relative : un homme qui ne connaît pas la psychologie des fous est un naïf aux yeux des psychiatres, même s'il est fort loin d'être un sot. S'il faut être « prudents comme les serpents » — à condition d'être « simples comme les colombes (7) » — c'est avant tout parce que l'ambiance dresse des embûches et qu'il faut savoir se défendre, c'est-à-dire que notre imagination doit avoir conscience des caprices de la mâyâ terrestre.

(7) Ce qui du reste fait penser aux « pauvres dans l'esprit », qui ne sont certes pas censés manquer de facultés mentales. On connaît cette histoire : les novices condisciples du jeune Thomas d'Aquin, connaissant sa crédulité - réelle ou apparente - l'appelèrent un jour pour lui montrer « un boeuf qui vole », puis se moquèrent de lui parce qu'il courut à la fenêtre pour voir le phénomène; il leur répondit : « Un boeuf qui vole est chose moins extraordinaire qu'un moine qui ment.”

Frithjof Schuon (1907–1998) métaphysicien, théologien et philosophe suisse

Roots of the Human Condition

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“Ces enfants mûrissent trop tôt parce que, ayant été rendus sensibles aux malheurs, c'est ce qu'ils savent 2le mieux voir. Ils sont attirés par les blessés et désirent les aider. Ils comprennent ce more de relation qui les revalorise. Le comportement oblatif qui consiste à donner à ses propres dépens leur permet de gagner un peu d'affection, au risque de rencontrer quelqu'un qui en profitera, car ils sont faciles à exploiter. Ce don de soi n'a pas la grandeur du sacrifice puisqu'ils le font discrètement, parfois même en cachette. L'oblativité prend plutôt l'effet d'un rachat par ceux qui ont commis le crime de survivre quand leurs proches sont morts.
Ces enfants, adultes trop tôt, aiment devenir parents de leurs parents. Ils se sentent un peu mieux en vivant de cette manière qui les prive d'une étape de leur développement mais les revalorise et les socialise. Ne les félicitez pas pour ce comportement, car ils détestent tout ce qu'ils font. Vous risqueriez de saboter ce lien fragile. Vous les trouverez mignon et touchant parce que ce sont des enfants. Mais leur fraîcheur apparente masque leur malaise. Quand on est malheureux, le plaisir nous fait peur. Non seulement, on n'a pas le désir du plaisir, mais on n'a honte à l'idée d'avoir du plaisir. Alors l'enfant trop adulte découvre un compromis: il s'occupera des autres.
Ces enfants qui veulent fuir leur enfance haïssent le passé qui s'impose dans leur mémoire encore fraîche. Ils la combattent grâce à une préparation comportementale au déni, une jovialité excessive, une recherche exaspérée de ce qui peut faire rire, une quête d'engagements superficiels, une hyperactivité incessante qui les pousse vers le présent en fuyant le passé.”

Boris Cyrulnik (1937) psychiatre et psychanalyste français

Les vilains petits canards

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“Les Poets de Sept ans

Et la Mère, fermant le livre du devoir,
S'en allait satisfaite et très fière sans voir,
Dans les yeux bleus et sous le front plein d'éminences,
L'âme de son enfant livrée aux répugnances.

Tout le jour, il suait d'obéissance; très
Intelligent; pourtant des tics noirs, quelques traits
Semblaient prouver en lui d'âcres hypocrisies.
Dans l'ombre des couloirs aux tentures moisies,
En passant il tirait la langue, les deux poings
A l'aine, et dans ses yeux fermés voyait des points.
Une porte s'ouvrait sur le soir : à la lampe
On le voyait, là-haut, qui râlait sur la rampe,
Sous un golfe de jour pendant du toit. L'été
Surtout, vaincu, stupide, il était entêté
A se renfermer dans la fraîcheur des latrines:
Il pensait là, tranquille et livrant ses narines.
Quand, lavé des odeurs du jour, le jardinet
Derrière la maison, en hiver, s'illunait,
Gisant au pied d'un mur, enterré dans la marne
Et pour des visions écrasant son oeil darne,
Il écoutait grouiller les galeux espaliers.
Pitié! Ces enfants seuls étaient ses familiers
Qui, chétifs, fronts nus, oeil déteignant sur la joue,
Cachant de maigres doigts jaunes et noirs de boue
Sous des habits puant la foire et tout vieillots,
Conversaient avec la douceur des idiots!
Et si, l'ayant surpris à des pitiés immondes,
Sa mère s'effrayait, les tendresses profondes,
De l'enfant se jetaient sur cet étonnement.
C'était bon. Elle avait le bleu regard, - qui ment!

A sept ans, il faisait des romans, sur la vie
Du grand désert où luit la Liberté ravie,
Forêts, soleils, rives, savanes! - Il s'aidait
De journaux illustrés où, rouge, il regardait
Des Espagnoles rire et des Italiennes.
Quand venait, l'Oeil brun, folle, en robes d'indiennes,
-Huit ans -la fille des ouvriers d'à côté,
La petite brutale, et qu'elle avait sauté,
Dans un coin, sur son dos, en secouant ses tresses,
Et qu'il était sous elle, il lui mordait les fesses,
Car elle ne portait jamais de pantalons;
- Et, par elle meurtri des poings et des talons,
Remportait les saveurs de sa peau dans sa chambre.

Il craignait les blafards dimanches de décembre,
Où, pommadé, sur un guéridon d'acajou,
Il lisait une Bible à la tranche vert-chou;
Des rêves l'oppressaient, chaque nuit, dans l'alcôve.
Il n'aimait pas Dieu; mais les hommes qu'au soir fauve,
Noirs, en blouse, il voyait rentrer dans le faubourg
Où les crieurs, en trois roulements de tambour,
Font autour des édits rire et gronder les foules.
- Il rêvait la prairie amoureuse, où des houles
Lumineuses, parfums sains, pubescences d'or,
Font leur remuement calme et prennent leur essor!

Et comme il savourait surtout les sombres choses,
Quand, dans la chambre nue aux persiennes closes,
Haute et bleue, âcrement prise d'humidité,
Il lisait son roman sans cesse médité,
Plein de lourds ciels ocreux et de forêts noyées,
De fleurs de chair aux bois sidérals déployées,
Vertige, écroulement, déroutes et pitié!
- Tandis que se faisait la rumeur du quartier,
En bas, - seul et couché sur des pièces de toile
Écrue et pressentant violemment la voile!”

Arthur Rimbaud (1854–1891) poète français
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“La différence entre la psychologie moderne et la psychologie sacrée apparaît déjà dans le fait que, pour la plupart des psychologues modernes, la morale n'a plus rien à faire avec la psychologie. Généralement, ils réduisent l'éthique à la morale sociale, plus ou moins forgée par de simples habitudes et la considèrent comme une sorte de barrage psychique, utile à l'occasion, mais le plus souvent contraignant, voire néfaste, pour l'épanouissement « normale » de la psychè individuelle. Cette conception a surtout été propagée par la psychanalyse freudienne, qui, comme on le sait, est devenu d'un usage courant dans certains pays, où elle joue pratiquement le rôle qui revient ailleurs au sacrement de la confession. Le psychiatre remplace le prêtre et l'éclatement des instincts refoulés sert d'absolution. Dans la confession sacramentelle, le prêtre n'est que le représentant impersonnel – et donc tenu au secret – de la Vérité divine, qui à la fois juge et pardonne; en confessant ses fautes, le pécheur transforme les tendances qui les sous-tendent en quelque chose qui n'est plus « lui-même »; il les « objectivise »; en se repentant, il s'en détache, et en recevant l'absolution, son âme retrouve son équilibre initial, centré sur son axe divin. Dans le cas de la psychanalyse freudienne, en revanche (1), l'homme met à nu ses entrailles psychiques non pas devant Dieu, mais devant son prochain; il ne prend pas de recul par rapport aux fonds chaotiques et obscurs de son âme que l'analyse lui dévoile, mais au contraire se les approprie, puisqu'il doit se dire à lui-même : « C'est ainsi que je suis fait en réalité ». Et s'il ne parvient pas à surmonter cette désillusion avilissante grâce à quelque influence salutaire, il en conserve comme une souillure intérieure. Dans la plupart des cas, il tente de se sauver en se plongeant dans la médiocrité psychique du plus grand nombre, car on supporte mieux son propre avilissement en le partageant avec autrui. Quelle que puisse être l'utilité occasionnelle et partielle d'une telle analyse, son résultat est généralement celui-là, étant donné les prémisses dont elle part.(2)

(1) Cette précision est nécessaire dans la mesure où il existe également aujourd'hui des formes plus inoffensives de psychanalyse, ce qui ne veut pas dire que nous entendons par là justifier une forme quelconque de psychanalyse.

(2) Il y a une règle selon laquelle quiconque pratique la psychanalyse doit auparavant avoir subi lui-même la psychanalyse. D'où la question de savoir qui a inauguré cette série, qui imite étrangement la « succession apostolique ».”

Titus Burckhardt (1908–1984)

Science moderne et Sagesse traditionnelle

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“Je vous propose alors une idée militante. Il serait très juste d’organiser une vaste manifestation pour une alliance des jeunes et des vieux, à vrai dire dirigée contre les adultes d’aujourd’hui. Les plus rebelles des moins de trente ans et les plus coriaces des plus de soixante contre les quadras et les quinquas bien installés. Les jeunes diraient qu’ils en ont assez d’être errants, désorientés, et interminablement dépourvus de toute marque de leur existence positive. Ils diraient aussi qu’il n’est pas bon que les adultes fassent semblant d’être éternellement jeunes. Les vieux diraient qu’ils en ont assez de payer leur dévalorisation, leur sortie de l’image traditionnelle du vieux sage, par une mise à la casse, une déportation dans des mouroirs médicalisés, et leur totale absence de visibilité sociale. Ce serait très nouveau, très important, cette manifestation mixte ! J’ai du reste vu, durant mes nombreux voyages dans le monde entier, pas mal de conférences, pas mal de situations où le public se composait d’un noyau de vieux briscards, de vieux rescapés, comme moi, des grands combats des sixties et des seventies, et puis d’une masse de jeunes qui venaient voir si le philosophe avait quelque chose à dire concernant l’orientation de leur existence et la possibilité d’une vraie vie. J’ai donc vu, partout dans le monde, l’esquisse de l’alliance dont je vous parle. Comme à saute-mouton, la jeunesse semble devoir sauter aujourd’hui par-dessus l’âge dominant, celui qui va en gros de trente-cinq à soixante-cinq ans, pour constituer avec le petit noyau des vieux révoltés, des non-résignés, l’alliance des jeunes désorientés et des vieux baroudeurs de l’existence. Ensemble, nous imposerions que soit ouvert le chemin de la vraie vie.”

Alain Badiou (1937) écrivain et philosophe français

La vraie vie : Appel à la corruption de la jeunesse

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“Quelle chose extraordinaire… La dernière fois qu'elle l'avait vu, avait-il l'air de quelqu'un qui va mourir? Alors lui revint une image, douteuse, incertaine… oui, une image de lui, montant se coucher de bonne heure, pas plus tard que dix heures. Elle avait levé les yeux vers l'escalier, et elle l'avait vu presque en haut, montant, la main sur la rampe; allant au lit si tôt, paraissant, oui, paraissant un peu faible; le dos vouté, le pas lent et fléchissant; la montée un peu laborieuse d'un homme qui vieillit, oui… d'un homme âgé, fragile, une chose un peu inquiétante, un peu émouvante à voir tout à coup. La jeunesse pouvait donc nous quitter, c'était vrai? Il avait été jeune, et il était vieux. Un jour, elle aussi… elle aussi… oui, un moment elle avait pensé cela. Et maintenant il était mort.
Elle se glissa dans la bibliothèque, alluma toutes les lumières, et contempla son portrait. Cette splendide jeunesse avait vécu, avait vieilli, était morte. Il avait donné la vie à une fille, qui regardait cette image et pensait ces choses. Mais les froids portraits tiennent les êtres enfermés à jamais dans l'irréalité : ne pouvant pas mourir, puisqu'ils n'ont pas vécu.
Elle se laissa tomber sur une chaise, ensevelit son visage dans ses mains, cherchant un souvenir qui l'assurât qu'il avait vraiment vécu, et qu'il était vraiment mort. (…)
Elle ne contemplerait plus, sous la lampe, son profil ardent et noble, penché durant des heures sur son travail, en face du buste d'Homère. Parfois, il lui arrivait de lever les yeux et de sourire, comme vaguement satisfait de sa présence. Sa place à son pupitre était vide à jamais, et c'était une chose pathétique, sur laquelle on ne pouvait arrêter sa pensée sans larmes, parce qu'elle le ramenait à la simple humanité.
Cela faisait-il mal de mourir?”

Dusty Answer

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“[…] Pourtant, s’il n’existe pas de moyen infaillible pour permettre au futur disciple d’identifier un Maître authentique par une procédure mentale uniquement, il existe néanmoins cette maxime ésotérique universelle (127) que tout aspirant trouvera un guide authentique s’il le mérite. De même que cette autre maxime qu’en réalité, et en dépit des apparences, ce n’est pas celui qui cherche qui choisit la voie, mais la voie qui le choisit. En d’autres termes, puisque le Maître incarne la voie, il a, mystérieusement et providentiellement, une fonction active à l’égard de celui qui cherche, avant même que l’initiation établisse la relation maître-disciple. Ce qui permet de comprendre l’anecdote suivante, racontée par le Shaykh marocain al-’Arabî ad-Darqâwî (mort en 1823), l’un des plus grands Maîtres soufis de ces derniers siècles. Au moment en question, il était un jeune homme, mais qui représentait déjà son propre Shaykh, ’Alî al-Jamal, à qui il se plaignit un jour de devoir aller dans tel endroit où il craignait de ne trouver aucune compagnie spirituelle. Son Shaykh lui coupa la parole : « Engendre celui qu’il te faut! » Et un peu plus tard, il lui réitéra le même ordre, au pluriel : « Engendre-les! »(128) Nous avons vu que le premier pas dans la voie spirituelle est de « renaître »; et toutes ces considérations laissent entendre que nul ne « mérite » un Maître sans avoir éprouvé une certaine conscience d’« inexistence » ou de vide, avant-goût de la pauvreté spirituelle (faqr) d’où le faqîr tire son nom. La porte ouverte est une image de cet état, et le Shaykh ad-Darqâwî déclare que l’un des moyens les plus puissants pour obtenir la solution à un problème spirituel est de tenir ouverte « la porte de la nécessité »(129) et de prendre garde qu’elle ne se referme. On peut ainsi en déduire que ce « mérite » se mesurera au degré d’acuité du sens de la nécessité chez celui qui cherche un Maître, ou au degré de vacuité de son âme, qui doit être en effet suffisamment vide pour précipiter l’avènement de ce qui lui est nécessaire. Et soulignons pour terminer que cette « passivité » n’est pas incompatible avec l’attitude plus active prescrite par le Christ : « Cherchez et vous trouverez; frappez et l’on vous ouvrira », puisque la manière la plus efficace de « frapper » est de prier, et que supplier est la preuve d’un vide et l’aveu d’un dénuement, d’une « nécessité » justement. En un mot, le futur disciple a, aussi bien que le Maître, des qualifications à actualiser.

127. Voir, dans le Treasury of Traditional Wisdom de Whitall Perry, à la section réservée au Maître spirituel, pp. 288-95, les citations sur ce point particulier, de même que sur d’autres en rapport avec cet appendice.
128. Lettres d'un Maître soufi, pp. 27-28.
129. Ibid., p. 20. - Le texte dit : « porte de la droiture », erreur de traduction corrigée par l’auteur, le terme arabe ayant bien le sens de « nécessité », et même de « besoin urgent ». (NdT)”

Martin Lings (1909–2005) savant anglais du soufisme

The Eleventh Hour: The Spiritual Crisis of the Modern World in the Light of Tradition and Prophecy

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“L’homme sait aujourd’hui que la terre n’est qu’une boule animée d’un mouvement multiforme et vertigineux qui court sur un abîme insondable, attirée et dominée par les forces qu’exercent sur elle d’autres corps célestes, incomparablement plus grands et situés à des distances inimaginables; il sait que la terre où il vit n’est qu’un grain de poussière par rapport au soleil, et que le soleil lui-même n’est qu’un grain au milieu de myriades d’autres astres incandescents; il sait aussi que tout cela bouge. Une simple irrégularité dans cet enchaînement de mouvements sidéraux, l’interférence d’un astre étranger dans le système planétaire, une déviation de la trajectoire normale du soleil, ou tout autre incident cosmique, suffirait pour faire vaciller la terre au cours de sa révolution, pour troubler la succession des saisons, modifier l’atmosphère et détruire l’humanité. L’homme aujourd’hui sait par ailleurs que le moindre atome renferme des forces qui, si elles étaient déchaînées, pourraient provoquer sur terre une conflagration planétaire presque instantanée. Tout cela, l’“infiniment petit” et l’“infiniment grand”, apparaît, du point de vue de la science moderne, comme un mécanisme d’une complexité inimaginable, dont le fonctionnement est dû à des forces aveugles.

Et pourtant, l’homme d’aujourd’hui vit et agit comme si le déroulement normal et habituel des rythmes de la nature lui était garanti. Il ne pense, en effet, ni aux abîmes du monde intersidéral, ni aux forces terribles que renferme chaque corpuscule de matière. Avec des yeux d’enfant, il regarde au-dessus de lui la voûte céleste avec le soleil et les étoiles, mais le souvenir des théories astronomiques l’empêche d’y voir des signes de Dieu. Le ciel a cessé de représenter pour lui la manifestation naturelle de l’esprit qui englobe le monde et l’éclaire. Le savoir universitaire s’est substitué en lui à cette vision “naïve” et profonde des choses. Non qu’il ait maintenant conscience d’un ordre cosmique supérieur, dont l’homme serait aussi partie intégrante. Non. Il se sent comme abandonné, privé d’appui solide face à ces abîmes qui n’ont plus aucune commune mesure avec lui-même. Car rien ne lui rappelle plus désormais que tout l’univers, en définitive, est contenu en lui-même, non pas dans son être individuel, certes, mais dans l’esprit qui est en lui et qui, en même temps, le dépasse, lui et tout l’univers visible.”

Titus Burckhardt (1908–1984)

Science moderne et Sagesse traditionnelle

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“J’aime beaucoup les cimetières, moi, ça me repose et me mélancolise j’en ai besoin. Et puis, il y a aussi de bons amis là dedans, de ceux qu’on ne va plus voir; et j’y vais encore, moi, de temps en temps.
Justement, dans ce cimetière Montmartre, j’ai une histoire de cœur, une maîtresse qui m’avait beaucoup pincé, très ému, une charmante petite femme dont le souvenir, en même temps qu’il me peine énormément, me donne des regrets… des regrets de toute nature. Et je vais rêver sur sa tombe… C’est fini pour elle.
Et puis, j’aime aussi les cimetières, parce que ce sont des villes monstrueuses, prodigieusement habitées. Songez donc à ce qu’il y a de morts dans ce petit espace, à toutes les générations de Parisiens qui sont logés là, pour toujours, troglodytes définitifs enfermés dans leurs petits caveaux, dans leurs petits trous couverts d’une pierre ou marqués d’une croix, tandis que les vivants occupent tant de place et font tant de bruit, ces imbéciles.
Me voici donc entrant dans le cimetière Montmartre, et tout à coup imprégné de tristesse, d’une tristesse qui ne faisait pas trop, de mal, d’ailleurs, une de ces tristesses qui vous font penser, quand on se porte bien : « Ça n’est pas drôle, cet endroit-là, mais le moment n’en est pas encore venu pour moi… »
L’impression de l’automne, de cette humidité tiède qui sent la mort des feuilles et le soleil affaibli, fatigué, anémique, aggravait en la poétisant la sensation de solitude et de fin définitive flottant sur ce lieu, qui sent la mort des hommes.”

Guy de Maupassant (1850–1893) écrivain français

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“Ah! comme vous dites, il faut glisser sur bien des pensées, et ne faire pas semblant de les voir.”

Marie de Sévigné (1626–1696) écrivain française

Hoyt's New Cyclopedia Of Practical Quotations

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“Enfin, gémissons-nous souvent avec les Saints de nous voir contraints de demeurer encore dans le monde; et avons-nous désiré d'en sortir pour fuir le danger qu'il y a de s'y corrompre?”

Louis Tronson (1622–1700) prêtre catholique français

Examens particuliers sur divers sujets [Examination of Conscience upon Special Subjects] (1690)

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“Le dessin n'est pas la forme, il est la manière de voir la forme.”

Edgar Degas (1834–1917) peintre français

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“Il est facile de voir que…”

Pierre-Simon de Laplace (1749–1827) mathématicien, physicien, astronome français
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“Apprendre à voir, voilà tout le secret des études naturelles.”

George Sand (1804–1876) romancière et dramaturge française

http://books.google.com/books?id=btRg0Qw2X9MC&q=%22Apprendre+%C3%A0+voir+voil%C3%A0+tout+le+secret+des+%C3%A9tudes+naturelles%22&pg=PA51#v=onepage

Cette traduction est en attente de révision. Est-ce correct?
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“J’ai connu quelqu’un, il y a longtemps. C’était un garçon ordinaire, sauf qu’il m’a tapé dans l’œil dès que je l’ai vu. Il était gentil, et tendre. J’ignore comment il a fait, mais au bout d’un flirt il a réussi à être le centre de l’univers pour moi. J’avais le coup de foudre toutes les fois qu’il me souriait, si bien que lorsqu’il me faisait la gueule quelquefois il me fallait allumer toutes les lampes en plein jour pour voir clair autour de moi. Je l’ai aimé comme c’est rarement possible.”

Yasmina Khadra (1955) écrivain algérien

Par moments, au comble du bonheur, je me posais cette question terrible : et s’il me quittait ? Tout de suite, je voyais mon âme se séparer de mon corps. Sans lui, j’étais finie. Pourtant, un soir, sans préavis, il a jeté ses affaires dans une valise et il est sorti de ma vie. Des années durant, j’ai eu l’impression d’être une enveloppe oubliée après une mue. Une enveloppe transparente suspendue dans le vide. Puis, d’autres années ont passé, et je me suis aperçue que j’étais encore là, que mon âme ne m’a jamais faussé compagnie, et d’un coup, j’ai recouvré mes esprits... [...] Ce que je veux dire est simple, Amine. On a beau s’attendre au pire, il nous surprendra toujours. Et si, par malheur, il nous arrive d’atteindre le fond, il dépendra de nous, et de nous seuls, d’y rester ou de remonter à la surface. Entre le chaud et le froid, il n’y a qu’un pas. Il s’agit de savoir où mettre les pieds. C’est très facile de déraper. Une précipitation, et on pique du nez dans le fossé. Mais est-ce la fin du monde ? Je ne le pense pas. Pour reprendre le dessus, il suffit juste de se faire une raison.
L’Attentat, 2005

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“Tu as beau encourager autant que tu le veux quelqu’un qui a les yeux bandés à regarder à travers son bandeau, il ne verra jamais quoi que ce soit! Il ne commencera à voir que du moment où on déliera le bandeau!”

Du kannst jemanden, der die Augen verbunden hat, noch so sehr aufmuntern, durch das Tuch zu starren, er wird doch niemals etwas sehen; erst wenn man ihm das Tuch abnimmt, kann er sehen.
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“Peut-il voir le paradis perdu derrière l’horizon des temps fabuleux?”

Léopold Sédar Senghor (1906–2001) personnalité politique franco-sénégalaise

Chants d’ombre suivi de Hosties noires, 1945

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