
„J’aime beaucoup les cimetières, moi, ça me repose et me mélancolise j’en ai besoin. Et puis, il y a aussi de bons amis là dedans, de ceux qu’on ne va plus voir; et j’y vais encore, moi, de temps en temps.
Justement, dans ce cimetière Montmartre, j’ai une histoire de cœur, une maîtresse qui m’avait beaucoup pincé, très ému, une charmante petite femme dont le souvenir, en même temps qu’il me peine énormément, me donne des regrets… des regrets de toute nature. Et je vais rêver sur sa tombe… C’est fini pour elle.
Et puis, j’aime aussi les cimetières, parce que ce sont des villes monstrueuses, prodigieusement habitées. Songez donc à ce qu’il y a de morts dans ce petit espace, à toutes les générations de Parisiens qui sont logés là, pour toujours, troglodytes définitifs enfermés dans leurs petits caveaux, dans leurs petits trous couverts d’une pierre ou marqués d’une croix, tandis que les vivants occupent tant de place et font tant de bruit, ces imbéciles.
Me voici donc entrant dans le cimetière Montmartre, et tout à coup imprégné de tristesse, d’une tristesse qui ne faisait pas trop, de mal, d’ailleurs, une de ces tristesses qui vous font penser, quand on se porte bien : « Ça n’est pas drôle, cet endroit-là, mais le moment n’en est pas encore venu pour moi… »
L’impression de l’automne, de cette humidité tiède qui sent la mort des feuilles et le soleil affaibli, fatigué, anémique, aggravait en la poétisant la sensation de solitude et de fin définitive flottant sur ce lieu, qui sent la mort des hommes.“
La Maison Tellier
Citations similaires


„Les dissidents, par exemple les mecs qui sont dans le barebacking, qui disent nous on veut toujours être subversifs, on ne se réclame pas de Mylène Farmer mais de Jean Genet (…), ces gens-là ils se font matraquer par Act-Up en disant : nous, la milice communautaire, on fait la propagande pour l'extérieur, c'est-à-dire que les gays sont tous des petits bourgeois consommateurs qui vont dans les fromageries du Marais en duffle coat en petits couples, c'est-à-dire des bourgeois, et puis ceux qui veulent vivre encore une espèce de transgression, ils se font casser par les petits Torquemada du mouvement gay, les petits Frollo, parce qu'en plus, ces mecs-là passent tellement de temps à emmerder les hétéros qu'ils oublient même de baiser, c'est-à-dire qu'à un moment donné on va dire : vous êtes même plus pédés depuis le temps que vous baisez plus, vous n'êtes plus rien finalement, vous êtes juste des flics.“
— Alain Soral polémiste et essayiste français 1958
Sexualité, Les « gays »

„Quand je suis venu habiter Ropraz, en mai 1978, la tombe de Rosa Gilliéron était encore intacte dans l’allée du cimetière que longe le chemin de ma maison (…) La tombe de Rosa a été désaffectée il y a dix ans, lors du réaménagement du cimetière.“
— Jacques Chessex, livre Le Vampire de Ropraz
Le Vampire de Ropraz, 2007

„Il y a ceux que le malheur effondre. Il y a ceux qui en deviennent tout rêveurs. Il y a ceux qui parlent de tout et de rien au bord de la tombe, et ça continue dans la voiture, de tout et de rien, pas même du mort, de petits propos domestiques, il y a ceux qui se suicideront après et ça ne se voit pas sur leur visage, il y a ceux qui pleurent beaucoup et cicatrisent vite, ceux qui se noyent dans les larmes qu'ils versent, il y a ceux qui sont contents, débarrassés de quelqu'un, il y a ceux qui ne peuvent plus voir le mort, ils essayent mais ils ne peuvent plus, le mort a emporté son image, il y a ceux qui voient le mort partout, ils voudraient l'effacer, ils vendent ses nippes, brûlent ses photos, déménagent, changent de continent, rebelotent avec un vivant, mais rien à faire, le mort est toujours là, dans le rétroviseur, il y a ceux qui pique-niquent au cimetière et ceux qui le contournent parce qu'ils ont une tombe creusée dans la tête, il y a ceux qui ne mangent plus, il y a ceux qui boivent, il y a ceux qui se demandent si leur chagrin est authentique ou fabriqué, il y a ceux qui se tuent au travail et ceux qui prennent enfin des vacances, il y a ceux qui trouvent la mort scandaleuse et ceux qui la trouvent naturelle avec un âge pour, des circonstances qui font que, c'est la guerre, c'est la maladie, c'est la moto, la bagnole, l'époque, la vie, il y a ceux qui trouvent que la mort c'est la vie.
Et il y a ceux qui font n'importe quoi. Qui se mettent à courrir, par exemple. À courir comme s'ils ne devaient jamais plus s'arrêter. C'est mon cas.“
— Daniel Pennac écrivain français 1944
La fata carabina

„Si seulement je pouvais m'arrêter de penser, ça irait déjà mieux. Les pensées, c'est ce qu'il y a de plus fade. Plus fade encore que de la chair. Ça s'étire à n'en plus finir et ça laisse un drôle de goût. Et puis il y a les mots, au-dedans des pensées, les mots inachevés, les ébauches de phrases qui reviennent tout le temps.“
— Jean-Paul Sartre, livre La Nausée
Nausea

„Elle voulait s’évader, fuir toujours plus
loin, rompre de manière brutale avec la vie courante, pour respirer à l’air libre. Et puis il y avait
aussi cette peur panique, de temps en temps, à la perspective que les comparses que vous avez
laissés derrière vous puissent vous retrouver et vous demander des comptes. Il fallait se cacher
pour échapper à ces maîtres chanteurs en espérant qu’un jour vous seriez définitivement hors de
leur portée. Là-haut, dans l’air des cimes. Ou l’air du large. Je comprenais bien ça. Moi aussi, je
traînais encore les mauvais souvenirs et les figures de cauchemar de mon enfance auxquels je
comptais faire une fois pour toutes un bras d’honneur.“
— Patrick Modiano écrivain français 1945

„Wassyl a été un magnifique chanteur et acteur dans le «Kaiser von Atlantis» puis la «Petite Renarde Rusée». C’était un immense plaisir pour moi de travailler avec lui, non seulement pour son grand talent mais encore parce que c’était une très belle personne, capable d’un véritable engagement sur scène comme dans la vie. Il est allé au bout de cet engagement en combattant pour la liberté de son pays. Je suis triste de perdre un compagnon de route, garçon extraordinaire pour lequel j’avais beaucoup d’estime, et beaucoup d’amour. Je pense à tous les moments si heureux que nous avons partagé. Je compatis à la grande douleur de sa famille et de ses amis. Wassyl restera vivant dans mon cœur et mes pensées pour toujours.“
— Wassyl Slipak chanteur ukrainien d'opéra 1974 - 2016

„Pour moi l'automne n'a jamais été une saison triste. Les feuilles mortes et les jours de plus en plus courts ne m'ont jamais évoqué la fin de quelque chose mais plutôt une attente de l'avenir. Il y a de l'electricité dans l'air, à Paris, les soires d'Octobre à l'heure où la nuit tombe. Même quand il pleut. Je n'ai pas le cafard à cette heure-là, ni le sentiment de la fuite du temps. J'ai l'impression que tout est possible. L'année commence au mois d'octobre. C'est la rentrée des classes et je crois que c'est la saisons des projets.“
— Patrick Modiano écrivain français 1945

„La mémoire de la plupart des hommes est un cimetière abandonné, où gisent sans honneurs des morts qu'ils ont cessé de chérir. Toute douleur prolongée insulte à leur oubli.“
— Marguerite Yourcenar, livre Mémoires d'Hadrien
Memoirs of Hadrian
Variante: La mémoire de la plupart des hommes est un cimetière abandonné, où gisent sans honneurs des morts qu'ils ont cessé de chérir.

„Et ça marchait! Je vais vous dire franchement, là: ça avait pas de bon sens, c'était un nid à feu. Les murs étaient en carton. Tout le monde fumait dans ça. Il rentrait à peu près 400 personnes, puis il y avait une porte en avant, une porte en arrière. Quand il y avait trop de monde, je barrais les deux portes. Il y avait un petit ext… Ah, c'était… des fois je repense à ça, je comprends pas qu'on m'ait laissé faire. J'avais 18 ans. Ça n'avait pas de bon sens. Dans ce temps-là, ça a l'air, des règles, il n'y en avait pas. Le filage électrique, tout ça, j'avais installé ça avec mes amis. On [ne] connaissait absolument rien dans l'électricité… Ah, oui, oui: au secours! Des fois, j'ai des frissons, je me dis: ça aurait pu être la plus belle catastrophe qu'il n'y a pas. Non. Ah non, ça n'avait aucun sens. Mais sauf que… ce qui était… euh… c'est que je faisais de l'argent. Eh, t'sé, à 18 ans, j'avais une Volvo neuve, pis la vie était belle, pis j'allais en croisière. Je faisais de l'argent comme de l'eau, mais… il reste une chose: c'est que c'était pas vraiment prudent. Je pense que les autorités municipales auraient dû y voir.“
— Jean Tremblay personnalité politique canadienne 1948
René Homier-Roy (2014)

„Oh! je voudrais tant que tu te souviennes
Des jours heureux où nous étions amis
En ce temps-là la vie était plus belle
Et le soleil plus brûlant qu'aujourd'hui.
Les feuilles mortes se ramassent à la pelle
Tu vois, je n'ai pas oublié
Les feuilles mortes se ramassent à la pelle
Les souvenirs et les regrets aussi.
Et le vent du Nord les emporte,
Dans la nuit froide de l'oubli.
Tu vois je n'ai pas oublié,
La chanson que tu me chantais…
Les feuilles mortes se ramassent à la pelle
Les souvenirs et les regrets aussi,
Mais mon amour silencieux et fidèle
Sourit toujours et remercie la vie.
Je t'aimais tant, tu étais si jolie,
Comment veux-tu que je t'oublie?
En ce temps-là la vie était plus belle
Et le soleil plus brûlant qu'aujourd'hui.
Tu étais ma plus douce amie
Mais je n'ai que faire des regrets.
Et la chanson que tu chantais,
Toujours, toujours je l'entendrai.
C'est une chanson qui nous ressemble,
Toi tu m'aimais, moi je t'aimais
Et nous vivions, tous deux ensemble,
Toi qui m'aimais, moi qui t'aimais.
Mais la vie sépare ceux qui s'aiment,
Tout doucement, sans faire de bruit
Et la mer efface sur le sable
Les pas des amants désunis.
C'est une chanson qui nous ressemble,
Toi tu m'aimais et je t'aimais
Et nous vivions tous deux ensemble,
Toi qui m'aimais, moi qui t'aimais.
Mais la vie sépare ceux qui s'aiment,
Tout doucement, sans faire de bruit
Et la mer efface sur le sable
Les pas des amants désunis.“
— Jacques Prévert poète et scénariste français 1900 - 1977

„Le “portable” rend énormément de services; c'est bien pour ça d'ailleurs que sa présence, la présence de cet objet nomade, est irréversible. Mais le “portable” a commis en même temps des dégâts absolument irréparables. Les rues ont changé, la manière dont les gens se croisent n'est plus la même… On a l'impression que les rues sont habitées par des psychotiques qui parlent tout seuls, très fort, tout le temps. […] La montée des incivilités est accompagnée par la technologie – et même pas l'internet, parce que ce qu'on a remarqué aussi c'est la violence des débats. Ce nouveau type d'écriture, si vous voulez, désinhibe complètement ceux qui l'utilisent : rien ne les arrête, tout est immédiatement dit, tout est immédiatement communiqué… Ce que je n'aime pas dans la technologie actuelle, c'est qu'elle est paradoxalement une sorte de retour à la nature, et une remise en cause de toutes les médiations qui rendent la vie un peu plus humaine.“
— Alain Finkielkraut essayiste français 1949
Interviews

„Il faut le dire aux gens quand on les aime
Comme ils comptent pour nous chaque instant
Les mots doux c'est mieux qu'un beau requiem
Tant qu'on est là bien vivant
Tout se dire tant qu'il est temps“
— Patrick Fiori chanteur français 1969
Chansons, Les gens qu’on aime (2017)

„L'amour se fait sans capote. Le sida est là, pourtant. On lui donne même sa véritable identité, désormais. On ne l'appelle plus le cancer gay. Il est là mais nous nous pensons à l'abri de lui, nous ne savons rien de la grande décimation qui va suivre, qui nous privera de nos meilleurs amis, de nos anciens amants, qui nous obligera à nous réunir dans des cimetières, à rayer des noms dans nos carnets d'adresses, qui nous fera enrager de tant d'absences. Il est là mais il ne nous fait pas encore peur. Et puis nous nous croyons protégés par notre extrême jeunesse. Nous avons dix-sept ans. On ne meurt pas quand on a dix-sept ans.“
— Philippe Besson écrivain français 1967
« Arrête avec tes mensonges »

„Les choses auxquelles on tenait le plus, vous vous décidez un beau jour à en parler de moins en moins, avec effort quand il faut s’y mettre. On en a bien marre de s’écouter toujours cau-ser… On abrège… On renonce… Ça dure depuis trente ans qu’on cause… On ne tient plus à avoir raison. L’envie vous lâche de garder même la petite place qu’on s’était réservée parmi les plaisirs… On se dégoûte… Il suffit désormais de bouffer un peu, de se faire un peu de chaleur et de dormir le plus qu’on peut sur
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le chemin de rien du tout. Il faudrait pour reprendre de l’intérêt trouver de nouvelles grimaces à exécuter devant les autres… Mais on n’a plus la force de changer son répertoire. On bre-douille. On se cherche bien encore des trucs et des excuses pour rester là avec eux les copains, mais la mort est là aussi elle, puante, à côté de vous, tout le temps à présent et moins mysté-rieuse qu’une belote. Vous demeurent seulement précieux les menus chagrins, celui de n’avoir pas trouvé le temps pendant qu’il vivait encore d’aller voir le vieil oncle à Bois-Colombes, dont la petite chanson s’est éteinte à jamais un soir de février. C’est tout ce qu’on a conservé de la vie. Ce petit regret bien atroce, le reste on l’a plus ou moins bien vomi au cours de la route, avec bien des efforts et de la peine. On n’est plus qu’un vieux réverbère à souvenirs au coin d’une rue où il ne passe déjà presque plus personne.“
— Louis-Ferdinand Céline, livre Voyage au bout de la nuit
Journey to the End of the Night

„Y a-t-il un paradis pour un gangster? Souviens-toi de moi. Tant de mes potes sont au cimetière, j'ai versé tant de larmes.“
— Tupac Shakur rappeur américain 1971 - 1996
Is there heaven for a G? Remember me. So many homies in the cemetery, shed so many tears.
fr
So Many Tears

„Comme il y a dans certains quartiers une majorité de gens qui viennent de l'immigration arabo-africaine, et c'est tout à fait normal aussi, ils vivent à leur manière, et donc les gens minoritaires, les Français autochtones minoritaires, dès qu'ils peuvent, quand ils ont les moyens, s'en vont. Parce que pour les petits vieux qui n'ont pas les moyens, ils restent là et ils sont obligés de faire des kilomètres pour trouver une boucherie qui ne soit pas halal, justement c'est ça toute l'histoire et donc, dès qu'ils peuvent, ils quittent tous ces coins-là.“
— Éric Zemmour journaliste et essayiste français 1958
Propos médiatiques, Sur les cités françaises

„Quand elle lui avait parlé de ses promenades dans les cimetières, il avait eu un haut-le-cœur et il avait comparé les cimetières à une décharge d’os et de pierraille. Ce jour-là, un abîme d’incompréhension s’était ouvert entre eux. Aujourd’hui, au cimetière Montparnasse, elle vient seulement de comprendre ce qu’il voulait dire. Elle regrette d’avoir été impatiente. S’ils étaient restés ensemble plus longtemps, peut-être auraient-ils commencé à comprendre peu à peu les mots qu’ils prononçaient. Leurs vocabulaires se seraient pudiquement et lentement rapprochés comme des amants très timides, et leur musique à tous deux aurait commencé à se fondre dans la musique de l’autre.“
— Milan Kundera, livre L'Insoutenable Légèreté de l'être
The Unbearable Lightness of Being

„Peut-être que ces histoires de bons et mauvais amis, cela n'existe pas; peut-être n'y a-t-il que des amis, un point c'est tout, c'est-à-dire des gens qui sont à vos côtés quand ça va mal et qui vous aident à ne pas vous sentir trop seul. Peut-être vaut-il toujours la peine d'avoir peur pour eux, d'espérer pour eux, de vivre pour eux. Peut-être aussi vaut-il la peine de mourir pour eux, s'il faut en venir là. Bons amis, mauvais amis, non. Rien que des personnes avec lesquelles on a envie de se trouver; des personnes qui bâtissent leur demeure dans votre cœur.“
— Stephen King, livre Ça
Ça, 1986