Citations sur crépuscule

Une collection de citations sur le thème de crépuscule, pluie, tout, ombre.

Citations sur crépuscule

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“Jacques, puisque seul tu connais le langage de tes serviteurs, dis-leur donc de nous préparer quelques-uns de ces cocktails qui aident la poésie du crépuscule…”

Renée Dunan (1892–1936) écrivain, critique et poétesse française, anarchiste et féministe

La Culotte en jersey de soi, Renée Dunan, Le Cercle Poche, 2011, 1923, 16, 978-2-84714-152-8
La Culotte en jersey de soi, 1923

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“À cette heure, édifié par les subtils génies du Feu, un temple nouveau s’élevait là même où, dans le crépuscule, on avait cru voir un neptunien palais d’argent dont l’architecture imitait les torsions des conques marines. C’était, agrandi, un de ces labyrinthes construits sur le fer des landiers, demeures aux cent portes habitées par les présages ambigus; un de ces fragiles châteaux vermeils aux mille fenêtres, où se montrent un moment les princesses salamandres qui rient voluptueusement au poète charmé. Rose comme une lune naissante rayonnait sur la triple loggia la sphère de la Fortune, supportée par les épaules des Atlantes; et ses reflets engendraient un cycle de satellites. Du quai des Esclavons, de la Giudecca, de San Giorgio, avec un crépitement continu, des faisceaux de tiges enflammées convergeaient au zénith et s’y épanouissaient en roses, en lis, en palmes, formant un jardin aérien qui se détruisait et se renouvelait sans cesse par des floraisons de plus en plus riches et étranges. C’était une rapide succession de printemps et d’automnes à travers l’empyrée. Une immense pluie scintillante de pétales et de feuillages tombait des dissolutions célestes et enveloppait toutes choses d’un tremblement d’or. Au loin, vers la lagune, par les déchirures ouvertes dans cet or mobile, on voyait s’avancer une flotte pavoisée : une escadre de galères semblables peut-être à celles qui naviguent dans le rêve du luxurieux dormant son dernier sommeil sur un lit imprégné de parfums mortels. Comme celles-là peut-être, elles avaient des cordages composés avec les chevelures tordues des esclaves capturées dans les villes conquises, ruisselants encore d’une huile suave; comme celles-là, elles avaient leurs cales chargées de myrrhe, de nard, de benjoin, d’éléomiel, de cinnamome, de tous les aromates, et de santal, de cèdre, de térébinthe, de tous les bois odoriférants accumulés en plusieurs couches. Les indescriptibles couleurs des flammes dont elles apparaissaient pavoisées évoquaient les parfums et les épices. Bleues, vertes, glauques, safranées, violacées, de nuances indistinctes, ces flammes semblaient jaillir d’un incendie intérieur et se colorer de volatilisations inconnues. Ainsi sans doute flamboyèrent, dans les antiques fureurs du saccage, les profonds réservoirs d’essences qui servaient à macérer les épouses des princes syriens. Telle maintenant, sur l’eau parsemée des matières en fusion qui gémissaient le long des carènes, la flotte magnifique et perdue s’avançait vers le bassin, lentement, comme si des rêves ivres eussent été ses pilotes et qu’ils l’eussent conduite se consumer en face du Lion stylite, gigantesque bûcher votif dont l’âme de Venise resterait parfumée et stupéfiée pour l’éternité.”

Romans, Le Feu, 1900

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“Les voix se marient et se fondent en un silence nébuleux : un silence, qui est l'infini de l'espace; et vite, en silence, l'âme aspirée plane au-dessus de régions de cycles des cycles de générations qui furent. Une région où le gris crépuscule descend toujours sans jamais tomber sur de vastes pâturages vert amande, versant sa cendre, éparpillant sa perpétuelle rosée d'étoiles. Elle suit sa mère à pas empruntés, une jument qui guide sa pouliche. Fantômes crépusculaires cependant pétris d'une grâce prophétique, svelte, croupe en amphore, col souple et tendineux, douce tête craintive. Ils s'évanouissent, tristes fantômes : plus rien. Agendath est une terre inculte, la demeure de l'orfraie et du myope upupa. Netaïm la splendide n'est plus. Et sur la route des nuées ils s'en viennent, tonnerre grondant de la rébellion, les fantômes des bêtes. Houhou! Héla! Houhou! Parallaxe piaffe par-derrière et les aiguillonne, les éclairs lancinants de son front sont des scorpions. L'élan et le yak, les taureaux de Bashan et de Babylone, le mammouth et le mastodonte en rangs serrés s'avancent vers la mer affaissée, Lacus Mortis. Troupe zodiacale de mauvais augure et qui crie vengeance! Ils gémissent en foulant les nuages, cornes et capricornes, trompes et défenses, crinières léonines, andouillers géants, mufles et groins, ceux qui rampent, rongent, ruminent, et les pachydermes, multitude mouvante et mugissante, meurtriers du soleil.”

Ulysse, 1922

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“Et à quoy passez vous le temps, vous aultres messieurs estudiens, audict Paris? " Respondit l'escolier : « Nous transfretons la Sequane au dilucule et crepuscule; nous deambulons par les compites et quadrivies de l'urbe; nous despumons la verbocination latiale, et, comme verisimiles amorabonds, captons la benevolence de l'omnijuge, omniforme, et omnigene sexe feminin (…) »”

François Rabelais (1494–1553) auteur français du 16e siècle

fr
Et à quoi passez-vous le temps, vous autres messieurs les étudiants de Paris ? Répondit l'écolier « Nous traversons la Seine à l'aube et au crépuscule, nous déambulons par les carrefours des rues et des chemins de la ville. Nous écumons la langue du Latium, et comme vraisemblables amoureux, nous cherchons à attraper la bienveillance de l'omnijuge, omniforme et omnigène sexe féminin (...) »
Le texte se veut volontairement obscur puisqu'il fait intervenir un étudiant s'exprimant dans un langage truffé de barbarismes et de latinismes. La traduction perd l'esprit, le sens initial de ce discours.
Œuvre, Pantagruel

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“Les longues nuits semblaient ne s'écarter qu'à regret de la ville, pour quelques heures. Une grise lumière d'aube ou de crépuscule filtrant à travers le plafond de nuées d'un blanc sale se répandait alors sur les choses comme le reflet appauvri d'un lointain glacier. La neige même, qui continuait à tomber, était sans lumière. Cet ensevelissement blanc, léger et silencieux s'étendait à l'infini dans l'espace et le temps. Il fallait déjà allumer les veilleuses vers trois heures. Le soir épaississait sur la neige des tons de cendre, des bleus opaques, des gris tenaces de vieilles pierres. La nuit s'imposait, inexorable et calmante : irréelle. Le delta reprenait dans ces ténèbres sa configuration géographique. De noires falaises de pierre, cassées en angles droits, bordaient les canaux figés. Une sorte de phosphorescence sombre émanait du large fleuve de glace.

Parfois les vents du nord, venus du Spitzberg et de plus loin encore, du Groenland peut-être, peut-être du pôle par l'Océan arctique, la Norvège, la mer Blanche, poussaient leurs rafales sur l'estuaire morne de la Neva. Le froid mordait
tout à coup le granit, les lourdes brumes venues du sud par la Baltique s'évanouissaient tout à coup et les pierres, la terre, les arbres dénudés se couvraient instantanément de cristaux de givre dont chacun était une merveille à peine visible, faite de nombres, de lignes de force et de blancheur. La nuit changeait de face, dépouillant ses voiles d'irréalité. L'étoile polaire apparaissait, les constellations ouvraient l'immensité du monde. Le lendemain, les cavaliers de bronze sur leurs socles de pierre, couverts d'une poudre d'argent, semblaient sortir d'une étrange fête; les hautes colonnes de granit de la cathédrale Saint-Isaac, son fronton peuplé de saints et jusqu'à sa massive coupole dorée, tout était givré. Les façades et les quais de granit rouge prenaient, sous ce revêtement magnifique, des teintes de cendre rose et blanche. Les jardins, avec les filigranes purs de leurs ■ branchages, paraissaient enchantés. Cette fantasmagorie ravissait les yeux des gens sortis de leurs demeures étouffantes ainsi qu'il y a des millénaires, les hommes vêtus de fourrures sortaient peureusement l'hiver des chaudes cavernes pleines d'une bonne puanteur animale.

Pas une lumière dans des quartiers entiers. Des ténèbres préhistoriques.”

Victor Serge (1890–1947) anarchiste, écrivain révolutionnaire, journaliste, essayiste, poète et traducteur russe
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“L'affaiblissement de la part relative de l'Occident dans l'économie mondiale, tel qu'il s'est amorcé au crépuscule de la Guerre froide, est porteur de conséquences graves qui ne sont pas toutes mesurables dès à présent.
L'une des plus inquiétantes, c'est que la tentation paraît désormais grande pour les puissances occidentales, et surtout pour Washington, de préserver par la supériorité militaire ce qu'il n'est plus possible de préserver par la supériorité économique ni par l'autorité morale.
Là se situe peut-être la conséquence la plus paradoxale et la plus perverse de la fin de la Guerre froide; un évènement qui était censé apporter paix et réconciliation, mais qui fut suivi d'un chapelet de conflits successifs, l'Amérique passant sans transition 'une guerre à la suivante, comme si c'était devenu la "méthode de gouvernement" de l'autorité globale plutôt qu'un ultime recours.
Les attentas meurtriers du 11 septembre 2001 ne suffisent pas à expliquer cette dérive; ils l'ont renforcée, et partiellement légitimée, mais elle était déjà largement amorcée.
En décembre 1989, six semaines après la chute du mur de Berlin, les Etats-Unis sont intervenus militairement au Panama contre le général Noriega, et cette expédition aux allures de descente de police avait valeur de proclamation: il fallait que chacun sache désormais qui commandait sur cette planète et qui devait simplement obéir. Puis ce fut, en 1991, la première guerre d'Irak; en 1992-1993, l'équipée malheureuse en Somalie; en 1994, l'intervention en Haïti pour installer au pouvoir le président Jean-Bertrand Aristide; en 1995, la guerre de Bosnie; en décembre 1998, la campagne de bombardements massifs contre l'Irak baptisée "Opération Désert Fox"; en 1999, la guerre du Kosovo; à partir de 2001, la guerre d'Afghanistan; à partir de 2003, la seconde guerre d'Irak; en 2004, une nouvelle expédition en Haïti, cette fois pour déloger le président Aristide…”

Amin Maalouf (1949) écrivain franco-libanais