Charles-Augustin Sainte-Beuve citations

Charles-Augustin Sainte-Beuve est un critique littéraire et écrivain français, né le 23 décembre 1804 à Boulogne-sur-Mer et mort le 13 octobre 1869 à Paris.

La méthode critique de Sainte-Beuve se fonde sur le fait que l'œuvre d'un écrivain serait avant tout le reflet de sa vie et pourrait s'expliquer par elle. Elle se fonde sur la recherche de l'intention poétique de l'auteur et sur ses qualités personnelles . Cette méthode a été critiquée par la suite. Marcel Proust, dans son essai Contre Sainte-Beuve, est le premier à la contester, reprochant de plus à Sainte-Beuve de négliger, voire condamner de grands auteurs comme Baudelaire, Stendhal ou Balzac. L'école formaliste russe, ainsi que les critiques Ernst Robert Curtius et Leo Spitzer, suivront Proust dans cette route.

Cette controverse entre Sainte-Beuve et Proust peut aussi se comprendre comme un renversement de perspective de la critique littéraire. En effet, il faut reconnaître à Sainte-Beuve une capacité de critique formelle fondée : il l'a montré avec le Salammbô de Flaubert, si bien que Flaubert lui-même en tint compte dans la suite de son œuvre. Seulement, chez lui, cette analyse semble devoir rester subordonnée à la connaissance de la vie de l'auteur, et c'est là que s'opère le renversement proustien : si rapport il y a entre l’œuvre et la vie de son auteur, pour Proust c'est bien la première qui doit apparaître comme la plus riche source d'enseignements sur le sens profond de la seconde. Ce renversement est à la base de la poétique de Proust et s'incarne dans À la recherche du temps perdu.

Si il est moins connu du grand public, de nos jours, entre 1870 et au moins jusqu'aux années 1950, il sera l'une des références majeures de la littérature, promue par l'état Français, dans l'enseignement, avec Victor Hugo, Montaigne, ou Lamartine, et tous les écoliers qui passeront le certificat d'étude auront obligatoirement entendu parler de lui .

✵ 23. décembre 1804 – 13. octobre 1869
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Charles-Augustin Sainte-Beuve citations célèbres

“Il y avait entre les cercles doctrinaires studieux, raisonneurs, bien nobles alors assurément, mais surtout fructueux, et les cercles purement aristocratiques et frivoles, il y avait un intervalle fort marqué, un divorce obstiné et complet; d'un côté les lumières, les idées modernes, de l'autre le charme ancien, séparés par des prétentions et une morgue réciproque. En quelque endroit pourtant la conciliation devait naître et s'essayer. De même que du sein des rangs royalistes une voix éloquente s'élevait par accès, qui conviait à une chevaleresque alliance la légitimité et la liberté, et qui, dans l'ordre politique, invoquait un idéal de monarchie selon la Charte, de même, tout à côté, et avec plus de réussite, dans la haute compagnie, il se trouvait une femme rare, qui opérait naturellement autour d'elle un compromis merveilleux entre le goût, le ton d'autrefois et les puissances nouvelles. Le salon de Mme de Duras, sa personne, son ascendant, tout ce qui s'y rattache, exprime, on ne saurait mieux, l'époque de la Restauration par un aspect de grande existence encore et d'accès à demi aplani, par un composé d'aristocratie et d'affabilité, de sérieux sans pesanteur, d'esprit brillant et surtout non vulgaire, semi-libéral et progressif insensiblement, par toute cette face d'illusions et de transactions dont on avait ailleurs l'effort et la tentative, et dont on ne sentait là que la grâce. C'à été une des productions naturelles de la Restauration, comme ces îles de fleurs formées un moment sur la surface d'un lac, aux endroits où aboutissent, sans trop se heurter, des courants contraires. On a comparé toute la construction un peu artificielle de l'édifice des quinze ans à une sorte de terrasse de Saint-Germain, au bas de laquelle passait sur la grande route le flot populaire, qui finit par la renverser : il y eut sur cette terrasse un coin, et ce ne fut pas le moins attrayant d'ombrage et de perspective, qui mérite de garder le nom de Mme de Duras : il a sa mention assurée dans l'histoire détaillée de ces temps.”

Juin 1834
Portraits de Femmes, 1844, Concernant Claire de Duras

“Un ordre de police la rejetait à quarante lieues de Paris: instinctivement, opiniâtrement, comme le noble coursier au piquet, qui tend en tous sens son attache, comme la mouche abusée qui se brise sans cesse à tous les points de la vitre en bourdonnant, elle arrivait à cette fatale limite, à Auxerre, à Châlons, à Blois, à Saumur. Sur cette circonférence qu'elle décrit et qu'elle essaye d'entamer, sa marche inégale avec ses amis devient une stratégie savante; c'est comme une partie d'échecs qu'elle joue contre Bonaparte et Fouché représentés par quelque préfet plus ou moins rigoriste. Quand elle peut s'établir à Rouen, la voilà, dans le premier instant, qui triomphe, car elle a gagné quelques lieues sur le rayon géométrique. Mais ces villes de province offraient peu de ressources à un esprit si actif, si jaloux de l'accent et des paroles de la pure Athènes. Le mépris des petitesses et du médiocre en tout genre la prenait à la gorge, la suffoquait; elle vérifiait et commentait à satiété la jolie pièce de Picard […]. Enfin, grâce à la tolérance de Fouché, qui avait pour principe de faire le moins de mal possible quand c'était inutile, il y eut moyen de s'établir à dix-huit lieues de Paris (quelle conquête!), à Acosta, terre de Mme de Castellane; elle surveillait de là l'impression de Corinne. En renvoyant les épreuves du livre, elle devait répéter souvent, comme Ovide : «Va, mon livre, heureux livre, qui iras à la ville sans moi!» — «Oh! le ruisseau de la rue du Bac!» s'écriait-elle quand on lui montrait le miroir du Léman. A Acosta, comme à Coppet, elle disait ainsi; elle tendait plus que jamais les mains vers cette rive si prochaine. L'année 1806 lui sembla trop longue pour que son imagination tint à un pareil supplice, et elle arriva à Paris un soir, n'amenant ou ne prévenant qu'un très-petit nombre d'amis. Elle se promenait chaque soir et une partie de la nuit à la clarté de la lune, n'osant sortir le jour. Mais il lui prit, durant cette aventureuse incursion, une envie violente qui la caractérise, un caprice, par souvenir, de voir une grande dame, ancienne amie de son père Mme de Tessé, celle même qui disait : «Si j'étais reine, j'ordonnerais à Mme de Staël de me parler toujours.» Cette dame pourtant, alors fort âgée, s'effraya à l'idée de recevoir Mme de Staël proscrite, et il résulta de la démarche une série d'indiscrétions qui firent que Fouché fut averti. Il fallut vite partir, et ne plus se risquer désormais à ces promenades au clair de lune, le long des quais, du ruisseau favori et autour de cette place Louis XV si familière à Delphine.”

Mai 1835
Portraits de Femmes, 1844, Concernant Germaine de Staël

Charles-Augustin Sainte-Beuve Citations

“La grâce peut épouser la force : Sainte-Beuve ne s'y risquera point. Elle peut épouser la délicatesse : c'est son alliance de prédilection.”

Citation extraite d'une préface rédigée par Gérald Antoine en 1998
Préface de Portraits de Femmes, 1998

“Mme Victor Hugo est morte à Bruxelles, le jeudi 27 août 1868.”

Mes Poisons, 1926, Concernant Victor Hugo

Charles-Augustin Sainte-Beuve: Citations en anglais

“Despair itself if it goes on long enough, can become a kind of sanctuary in which one settles down and feels at ease.”

Le désespoir lui-même, pour peu qu'il se prolonge, devient une sorte d'asile dans lequel on peut s'asseoir et reposer.

"Vie de Joseph Delorme" (1829), cited from Poésies completes de Sainte-Beuve (Paris: Charpentier, 1840) p. 16; Mardy Grothe Oxymoronica (London: HarperCollins, 2004) p. 201.

“Since it is necessary to have enemies, let us endeavour to have those who do us honour.”

Puisqu'il faut avoir des ennemis, tâchons d'en avoir qui nous fassent honneur.
Derniers portraits littéraires (1852; Paris: Didier, 1858) p. 534 ; translated by W. Fraser Rae, in Sainte-Beuve English Portraits (London: Dalby, Isbister, 1875) p. xci.

“A philosophical thought has probably not attained all its sharpness and all its illumination until it is expressed in French”

Society for Pure English, Tract 5 The Englishing of French Words; The Dialectal Words in Blunden's Poems Author: Society for Pure English Release Date: June 5, 2004

“To lend freshness to things known, to spread knowledge of things new; an excellent program for a critic.”

Renouveler les choses connues, vulgariser les choses neuves: un bon programme pour un critique.
Causeries du lundi, vol. 11 (1856; Paris: Garnier, 1868) p. 512; Philo M. Buck, Jr. Literary Criticism (New York: Harper, 1930) p. 398

“Silence is the sovereign contempt.”

Le silence seul est le souverain mépris.
Pensées et maximes (Paris: B. Grasset, 1954) p. 271; Nicholas Rescher Communicative Pragmatism and Other Philosophical Essays on Language (Oxford: Rowman & Littlefield, 1998) p. 146.

“Let us beware of irony when making judgements. Of all the dispositions of the mind, irony is the least intelligent.”

Gardons-nous de l'ironie en jugeant. De toutes les dispositions de l'esprit, l'ironie est la moins intelligente.
Notebook entry, February 24, 1848, cited from Les cahiers de Sainte-Beuve (Paris: Alphonse Lemerre, 1876) p. 75; Christopher Prendergast The Classic (New York: Oxford University Press, 2007) p. 244.

“Injustice…is a mother who is never barren, and bears children worthy of her.”

L'injustice…est une mère qui n'est jamais sterile, et qui produit des enfants dignes d'elle.
Causeries du lundi (Paris: Garnier, 1857) vol. 1, p. 148; E. J. Trechmann (trans.) Causeries du Lundi (London: George Routledge, 1909) vol. 1, p. 117.
Sainte-Beuve was here merely reporting words spoken by Adolphe Thiers, but many French quotation websites (e.g. Dico-Citations http://www.dico-citations.com/l-injustice-est-une-m-re-qui-n-est-jamais-st-rile-et-qui-produit-des-enfants-dignes-d-elle-sainte-beuve-charles-augustin/) attribute them to Sainte-Beuve himself.
Misattributed

“Most often we are judging not others, but rather our own faculties in others.”

Le plus souvent nous ne jugeons pas les autres, mais nous jugeons nos propres facultés dans les autres.
Œuvres choisies (Paris: A. Hatier, 1934) p. 774; Andrew George Lehmann Sainte-Beuve (Oxford: Clarendon Press, 1962) p. 301.

“...I can savor a work, but it is difficult for me to judge it independently from the author, and I would gladly say, as is the tree, so is the fruit.”

Original: (fr) ...je puis goûter une œuvre, mais il m'est difficile de la juger indépendamment de la connaissance de l'homme même, et je dirais volontiers: tel arbre, tel fruit.

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