Octave Gréard: Bien-Être

Octave Gréard était pédagogue et universitaire français. Explorez des citations intéressantes sur bien-être.
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“Envoyez-moi votre fille, écrivait saint Jérôme à Læta; je me charge de l’élever. » « Gardez auprès de vous votre fille, » répond Fénelon à une mère qui lui avait demandé son avis. Le conseil était nouveau. Le couvent était resté la ressource commune, presque la seule ressource d’éducation pour les jeunes filles. Fénelon n’hésite pas à en signaler les dangers. « J’estime fort l’éducation des bons couvents, dit-il en substance, mais je compte encore plus sur les soins d’une bonne mère, quand elle est libre de s’y appliquer. Si un couvent n’est pas régulier, c’est une école de vanité : les jeunes filles n’y entendent parler du monde que comme d’une espèce d’enchantement; il n’est pas de poison plus subtil; mieux vaut le monde lui-même qu’un couvent mondain. Si l’établissement est demeuré fidèle à l’esprit de son institut, l’ignorance absolue du siècle y règne : l’enfant qui en sort pour entrer dans la vie est comme une personne qu’on aurait nourrie dans les ténèbres d’une profonde caverne, et qu’on ferait tout d’un coup passer au grand jour; rien ne peut être plus redoutable pour une imagination vive que cette surprise soudaine. C’est à la mère sage et discrète qu’il convient d’introduire peu à peu la jeune fille dans la société où elle doit vivre, et d’y accoutumer sa vue. Elle seule d’ailleurs peut découvrir dans son esprit et dans son cœur les mouvements qu’il importe de connaître pour la bien diriger.”

L'Éducation des femmes par les femmes, 1885, Fénelon

“La femme n’a pour elle que son art et sa beauté. Or la beauté n’est pas générale; elle périt par mille accidents, elle passe avec les années; l’habitude en détruit l’effet. L’esprit seul est la véritable ressource, la ressource durable de la femme, — « non ce sot esprit auquel on donne tant de prix dans le monde, et qui ne sert à rien pour rendre la vie heureuse, mais l’art de tirer parti de celui des hommes et de se prévaloir de nos propres avantages. » Cette sorte d’adresse qui lui appartient en propre est un dédommagement équitable de la force qu’elle n’a point. Toutes ses réflexions doivent tendre à étudier l’homme, non par abstraction l’homme en général, mais les hommes qui l’entourent et auxquels elle est assujettie. Il faut qu’elle s’apprenne à pénétrer le fond de leur cœur à travers leurs discours, leurs actions, leurs regards, leurs gestes. Mît-elle pour les deviner et les conduire un peu de ruse, il n’importe, et c’est son droit. La ruse est un penchant naturel, et tous les penchants naturels sont bons. Il est juste de cultiver celui-là comme les autres; il ne s’agit que d’en prévenir l’abus. Et c’est ainsi que Rousseau rétablit l’égalité qu’il a d’abord si singulièrement troublée. Tout ce que la femme ne peut faire ou vouloir par elle-même, son talent est de le faire faire ou le faire vouloir aux hommes; à elle de donner à son mari, sans y paraître, tels sentiments qu’il lui plaît. Dans le ménage, l’homme est l’œil et le bras; mais elle est l’âme. Elle est son juge, sinon son maître. Si elle ne gouverne pas, elle règne. Est-il donc si pénible de se rendre aimable pour être heureuse, et habile pour être obéie?”

L'Éducation des femmes par les femmes, 1885, Jean-Jacques Rousseau

“Manon Phlipon a été le disciple des doctrines philosophiques et sociales de Jean-Jacques sans les connaître ou avant de les avoir connues : tant l’action qu’elles exerçaient s’était étendue et avait comme enveloppé les esprits! […] La lecture de l’ Héloïse lui fut comme une révélation. En moins de quelques jours, Jean-Jacques « tout entier y passa. » « Avoir Jean-Jacques en sa possession, écrit-elle à Sophie Cannet, pouvoir le consulter sans cesse, se consoler, s’éclairer et s’élever avec lui à toutes les heures de la vie, c’est un délice, une félicité qu’on ne peut bien goûter qu’en l’adorant comme je le fais. » Et quelques jours après, à trois heures du matin : « Je suis rentrée depuis onze heures et je griffonne des papiers depuis minuit; je vais me coucher pour l’amour de toi, car un peu de Jean-Jacques me ferait bien passer la nuit, mais tu gronderais et je ne veux pas te fâcher. » Ses amies s’étonnaient de son admiration. Elle s’étonnait de leur froideur. « Rousseau est le bienfaiteur de l’humanité, le mien… Qui donc peint la vertu d’une manière plus noble et plus touchante?… Quant à moi, je sais bien que je lui dois ce que j’ai de meilleur. Son génie a échauffé mon âme, je l’ai senti m’enflammer, m’élever et m’ennoblir. Je ne nie point qu’il y ait quelques paradoxes dans son Émile, quelques procédés que nos mœurs rendent impraticables. Mais combien de vues saines et profondes! Que de préceptes utiles! Que de beautés pour racheter quelques défauts!… Son Héloïse est un chef-d’œuvre de sentiment. La femme qui l’a lue sans s’en être trouvée meilleure n’a qu’une âme de boue et ne sera jamais qu’au-dessous du commun. Son discours sur l’ Inégalité est aussi profondément pensé que fortement écrit… Ce n’est pas seulement l’homme de génie, c’est l’honnête homme, le citoyen… »”

Il est ici question de l'opinion de Madame Roland.
L'Éducation des femmes par les femmes, 1885, Madame Roland

“Certes Rousseau est de bonne foi quand il répète : « J’étudie ce qui est; c’est mon principe; il me fournit la solution de toutes les difficultés »; mais il n’est pas moins sincère quand, parti de l’observation de la nature, il se laisse entraîner dans le rêve. Il a rêvé toute sa vie pour lui-même comme pour les autres. Dans le premier voyage qu’il fît de Genève à Annecy, il raconte qu’il ne voyait pas un château à droite ou à gauche, sans aller chercher l’aventure qu’il se croyait sûr d’y trouver. Il n’osait ni entrer ni heurter; mais il chantait sous la fenêtre qui avait le plus d’apparence, fort surpris, après s’être époumoné, de ne voir paraître ni dame, ni demoiselle qu’attirai la beauté de sa voix ou le sel de ses chansons. S’il marchait par la campagne, il imaginait « dans les maisons des festins rustiques; dans les prés, de folâtres jeux; le long des eaux, des bains et des promenades; sur les arbres, des fruits délicieux; sous leur ombre, de voluptueux tête-à-tête; sur les montagnes, des cuves de lait et de crème, une oisiveté charmante, la paix, la simplicité, le plaisir d’errer sans savoir où : rien ne frappait ses yeux sans porter à son cœur quelque invention de jouissance. » La première fois qu’il vint à Paris, il se figurait « une ville aussi belle que grande, où l’on ne voyait que de superbes rues, des palais de marbre et d’or. » Lorsqu’il retraçait ces illusions trente ans après, il en souriait; mais elles étaient là encore, dans un repli de son imagination, toutes fraîches, prêtes à renaître; et il n’est point bien sûr qu’il n’en eût pas, tout en se moquant un peu de lui-même, la réminiscence émue. C’est cette puissance d’imagination qui donne tant de vie au cinquième livre de l’Émile.”

L'Éducation des femmes par les femmes, 1885, Jean-Jacques Rousseau

“Serait-ce donc qu’elle aurait quelque sorte de rapport à vous-même par ce que vous avez de moins bon? écrit-elle à Mme de Grignan; vous attendiez-vous qu’elle fût un prodige prodigieux, un prodige comme il n’y en a pas?… Eh! tant mieux si elle n’est pas parfaite! vous vous divertirez à la repétrir. » Aussi bien n’a-t-elle pas également ses qualités? Mme de Sévigné les relève, les analyse, y revient à chaque progrès de l’âge : « si elle n’est pas aussi belle que la Beauté, elle a des manières: c’est une petite fille à croquer. » Et vienne la jeunesse, ses jolis yeux bleus avec leurs paupières noires, cette taille libre et adroite, cette physionomie spirituelle, toute cette personne assaisonnée, touchante ou piquante (on se ferait scrupule d’en décider), n’est-elle pas faite pour l’amusement de sa mère? Avec cela, de la finesse, de la gaieté, de la gaillardise même, un talent de contrefaire incomparable, mais capable de se contenir et qui se contient, un esprit vif, agissant, qui dérobe tout : que de ressources! « Aimez, aimez Pauline, répète l’infatigable grand’mère; ne vous martyrisez point à vous l’ôter. Voulez-vous, en la mettant au couvent, la rendre tout à fait commune?… Comme elle est extraordinaire, je la traiterais extraordinairement.”

Il est ici question de Pauline de Grignan, fille de la comtesse de Grignan et petite-fille de Madame de Sévigné.
L'Éducation des femmes par les femmes, 1885, Préface

“Pour achever de la lier, elle lui persuade de se l’attacher comme secrétaire : la charmante enfant a la main rompue, une orthographe correcte, un délicieux petit commerce : jamais elle ne sera embarrassée et elle peut être utile.”

Il est ici question des rapports qu'entretiennent Madame de Sévigné et sa petite-fille, Pauline de Grignan.
L'Éducation des femmes par les femmes, 1885, Préface