“Je vais fabriquer des images de ce que je déteste le plus et les enfouir dans le sol. Ce galet luisant c'est Mme Carlo; je vais l'enterrer très profond à cause de ses manières serviles et obséquieuses, à cause de la pièce de six pence qu'elle m'a donnée pour ne pas avoir plié les doigts quand je faisais mes gammes. J'ai enterré sa pièce. Je voudrais enterrer le carrelage rouge brique et les portraits graisseux de ces vieillards bienfaiteurs, fondateurs de collèges.” Virginia Woolf livre Les Vagues Roman, Les Vagues, 1952 manière
“je me rappelle la luxuriance fleurie du salon de thé des Oudaïa d'où nous contemplions Salé et la mer, au loin, en aval du fleuve qui coulait sous les remparts; les ruelles bariolées de la médina; le jasmin en cataractes aux murs des courettes, richesse du pauvre à mille lieues du luxe des parfumeurs d'Occident; la vie sous le soleil, enfin, qui n'est pas la même qu'ailleurs parce que à vivre dehors, on conçoit l'espace différemment… et le pain en galette, aubade fulgurante aux unions de la chair. Je sens, je sens que je brûle. Il y a quelque chose de cela dans ce que je cherche. Quelque chose mais ce n'est pas encore tout à fait cela… pain… pain…” Muriel Barbery livre Une gourmandise Une gourmandise, 2000 fleur , soleil , thé , mer
“Seuls les dieux disposent d'assez de temps pour donner un nom à chaque galet d'une plage, mais c'est la patience qui leur manque.” Terry Pratchett Livres du Disque-monde Les Annales du Disque-monde, Procrastination, 2002 temps , patience , Dieu
“Sous son pied le sable grenu avait disparu. Ses souliers foulèrent de nouveau un magma humide et grinçant, coquilles manches-de-couteau et crissants graviers, et tout ce qui vient briser sur les galets innombrables, bois criblés de vers, Armada perdue. Des sables imbibés d'eau gluante guettaient ses semelles pour les aspirer, exhalant une haleine d'égout. Il les côtoyait, marchant avec précaution. Embourbée à mi-corps dans la pâte plastique du sable, une bouteille de porter se tenait au port d'arme. Sentinelle : île de la soif terrible. Des cercles de tonneaux brisés au bord de l'eau; sur le sable un dédale de filets sombres, astucieux; plus loin des dos de maisons avec leurs portes griffonnées à la craie, et à mi-côte sur une corde de séchoir deux chemises crucifiées. Ringsend : wigwams de pilotes basanés et de patrons de barques. Leurs coquilles.” James Joyce livre Ulysse Ulysse, 1922 eau , maison , Loin
“C'est une impression de paradis que j'ai encore. Les galettes de bouse, les tranchées d'eau dans la terre noire. Tout plat l'horizon gris océan ou pas, mais comme. Le plancher rugueux, terreux du wagon, avec les têtes brillantes des clous usés. C'est six heures du matin. Être debout à cette heure là, ça fait toujours une espèce de joie de conquête.” Boris Vian (1920–1959) écrivain, poète, chanteur et musicien de jazz français eau , Joie
“La solide carrure d'Alexandre Georges plaît aux auditrices, non moins que sa Légende bretonne, chantée très finement par Mlle Suzanne Dumesnil, bien disante, et qui n'a pas cru devoir, Dieu merci, pour plus de couleur locale, s'empâter la diction avec de la galette de sarrazin” Colette (1873–1954) romancière française sic Critique musicale, Au concert, 1903 chant , Dieu , couleur
“« Où sont les enfants? » Elle surgissait, essoufflée par sa quête constante de mère-chienne trop tendre, tête levée et flairant le vent. Ses bras emmanchés de toile blanche disaient qu’elle venait de pétrir la pâte à galette, ou le pudding saucé d’un brûlant velours de rhum et de confitures. Un grand tablier bleu la ceignait, si elle avait lavé la havanaise, et quelquefois elle agitait un étendard de papier jaune craquant, le papier de la boucherie; c’est qu’elle espérait rassembler, en même temps que ses enfants égaillés, ses chattes vagabondes, affamées de viande crue…” Colette livre La Maison de Claudine Romans, La Maison de Claudine, 1922 chat , mère , temps , chienne
“Corsaire Sanglot était enfoui jusqu’au cou dans un immense champ d’éponges. Elles pouvaient être trois ou quatre cent mille. Des hippocampes troublés dans leur sommeil surgirent de tous côtés en même temps qu’une gigantesque bougie allumée de l’espèce dite marine. À la lueur, les vallonnements tendres des éponges s’éclairèrent à perte de vue. Leurs mamelons prirent un relief extraordinaire et Corsaire Sanglot se fraya parmi eux un chemin difficile. Il atteignit enfin la bougie. Celle-ci surgissait d’une espèce de clairière appelée, un écriteau de corail en faisait foi, « Éclaircie de l’éponge mystique », une troupe d’hippocampes se jouait là, sur un sol fait de petits galets noirs. Douze squelettes de sirènes y reposaient, couchés côte à côte. Devant ce cimetière Corsaire Sanglot éprouva un grand soulagement. Il contemplerait un instant cette place sacrée, puis, dans la prairie des éponges, il irait se coucher pour toujours. Il distinguait des uniformes de marins de nationalités diverses, des squelettes en smokings et en robes de soirée.” Robert Desnos (1900–1945) poète français La Liberté ou l'Amour !, 1927 sommeil , perte , temps , foi