“Les Sarrasins d'Espagne qui, au VIIIe siècle, se répandirent en France, pouvaient y faire naître le goût des sciences et des beaux-arts; Charles-Martel les extermina prés de Poitiers, et tout le fruit de cette expédition fameuse fut l'affermissement de sa puissance, à moins que la postérité de quelques Maures échappés au carnage de Poitiers, et réfugiés au Midi de la France, ne fut à l'origine nébuleuse de ces troubadours qui illustrèrent ces mêmes contrées au XI, XIIe et XIIIe siècles : origine dont je ne sache pas qu'aucun critique ait eu l'idée.” Jean-François Paul de Gondi (1613–1679) prélat catholique, homme d’État et mémorialiste français Mémoires, 1675-1677 idée , puissance , science , vie
“Car la maçonnerie oblige les maçons à travailler. A s'instruire. A se documenter. A réfléchir. A intervenir dans les discussions. J'ai souvent été surpris de voir les progrès relativement rapides réalisés par des frères, peu doués à l'origine par leur formation ou leur métier pour jongler avec les idées et en débattre avec talent. Je parle évidemment des bons ateliers, de ceux qui se préoccupent de la formation des hommes et des problèmes de leur temps, et non point de ceux qui se dispersent dans un "ésotérisme" nébuleux sous prétexter de ne pas "faire de politique en loge."” Fred Zeller (1912–2003) personnalité politique française fr idée , problème , temps , hommes
“Les voix se marient et se fondent en un silence nébuleux : un silence, qui est l'infini de l'espace; et vite, en silence, l'âme aspirée plane au-dessus de régions de cycles des cycles de générations qui furent. Une région où le gris crépuscule descend toujours sans jamais tomber sur de vastes pâturages vert amande, versant sa cendre, éparpillant sa perpétuelle rosée d'étoiles. Elle suit sa mère à pas empruntés, une jument qui guide sa pouliche. Fantômes crépusculaires cependant pétris d'une grâce prophétique, svelte, croupe en amphore, col souple et tendineux, douce tête craintive. Ils s'évanouissent, tristes fantômes : plus rien. Agendath est une terre inculte, la demeure de l'orfraie et du myope upupa. Netaïm la splendide n'est plus. Et sur la route des nuées ils s'en viennent, tonnerre grondant de la rébellion, les fantômes des bêtes. Houhou! Héla! Houhou! Parallaxe piaffe par-derrière et les aiguillonne, les éclairs lancinants de son front sont des scorpions. L'élan et le yak, les taureaux de Bashan et de Babylone, le mammouth et le mastodonte en rangs serrés s'avancent vers la mer affaissée, Lacus Mortis. Troupe zodiacale de mauvais augure et qui crie vengeance! Ils gémissent en foulant les nuages, cornes et capricornes, trompes et défenses, crinières léonines, andouillers géants, mufles et groins, ceux qui rampent, rongent, ruminent, et les pachydermes, multitude mouvante et mugissante, meurtriers du soleil.” James Joyce livre Ulysse Ulysse, 1922 âme , mère , vengeance , silence
“L'ombre des forêts flottait dans la paix du matin entre la tour et la mer que regardait Stephen. Au creux de la baie et au large blanchissait la mer miroitante, éperonnée par des pieds fugaces et légers. Sein blanc de la mer nébuleuse. Les accents enlacés deux à deux. Une main cueillant les cordes de la harpe et mêlant leurs accords jumeaux. Vagues couplées du verbe, vif-argent qui vacille sur la sombre marée.” James Joyce livre Ulysse Ulysse, 1922 mer , argent , paix
“un engourdissement nébuleux saisit notre pensée, et nous ne pouvons déterminer l’instant précis où le moi, sous une autre forme, continue l’œuvre de l’existence.” Gérard de Nerval (1808–1855) poète, conteur, auteur dramatique, librettiste et journaliste français Aurélia
“Seules mes pensées sentimentales existent quand je suis avec elle. C'est un peu nébuleux, et triste, comme si j'étais content, bien au chaud, mais avec une certaine envie de pleurer.” Juan Carlos Onetti (1909–1994) auteur uruguayen El pozo Envie
“Les discours et les écrits politiques sont aujourd'hui pour l'essentiel une défense de l'indéfendable. Des faits tels que le maintien de la domination britannique en Inde, les purges et les déportations en Russie, le largage de bombes atomiques sur le Japon peuvent sans doute être défendus, mais seulement à l'aide d'arguments d'une brutalité insupportable à la plupart des gens, et qui ne cadrent pas avec les buts affichés des partis politiques. Le langage politique doit donc principalement consister en euphémismes, pétitions de principe et imprécisions nébuleuses. Des villages sans défense subissent des bombardements aériens, leurs habitants sont chassés dans les campagnes, leur bétail est mitraillé, leurs huttes sont détruites par des bombes incendiaires : cela s'appelle la "pacification". Des millions de paysans sont expulsés de leur ferme et jetés sur les routes sans autre viatique que ce qu'ils peuvent emporter : cela s'appelle un "transfert de population" ou une "rectification de frontière". Des gens sont emprisonnés sans jugement pendant des années, ou abattus d'une balle dans la nuque, ou envoyés dans les camps de bucherons de l'Arctique pour y mourir du scorbut : cela s'appelle l'"élimination des éléments suspects". Cette phraséologie est nécessaire si l'on veut nommer les choses sans évoquer les images mentales correspondantes.” George Orwell (1903–1950) écrivain britannique Such, Such Were the Joys
“La science moderne se présente dans le monde comme le principal ou le seul facteur de vérité; selon ce style de certitude, connaître Charlemagne, c’est savoir combien a pesé son crâne et quelle a été sa taille. Au point de vue de la vérité totale — redisons-le une fois de plus — il vaut mille fois mieux croire que Dieu a créé le monde en six jours et que l’au-delà se situe sous le disque terrestre ou dans le ciel tournant, que de connaître la distance d’une nébuleuse à une autre tout en ignorant que les phénomènes ne font que manifester une Réalité transcendante qui nous détermine de toutes parts et qui donne à notre condition humaine tout son sens et tout son contenu; aussi les grandes traditions, conscientes de ce qu’un savoir prométhéen mènerait à la perte de la vérité essentielle et salvatrice, n’ont-elles jamais prescrit ni encouragé cette accumulation de connaissances tout extérieures et, en fait, mortelles pour l’homme. On affirme couramment que telle ou telle prouesse scientifique « fait honneur au genre humain », et autres niaiseries de ce genre, comme si l’homme faisait honneur à sa nature autrement qu’en se dépassant, et comme s’il se dépassait ailleurs que dans la conscience d’absolu et dans la sainteté.” Frithjof Schuon (1907–1998) métaphysicien, théologien et philosophe suisse Light on the Ancient Worlds
“Adieu faux amour confonduAvec la femme qui s'éloigneAvec celle que j'ai perdueL'année dernière en AllemagneEt que je ne reverrai plusVoie lactée ô sœur lumineuseDes blancs ruisseaux de ChanaanEt des corps blancs des amoureusesNageurs morts suivrons-nous d’ahanTon cours vers d'autres nébuleuses” Guillaume Apollinaire livre Alcools Alcools (1912) sœur , amour , ébats amoureux , mort
“Qui sait où se forme l’Histoire, loin, très loin, dans la procession des équinoxes, l’enroulement des cyclones et anticyclones, la course des planètes et des nébuleuses. Un battement d’aile de papillon à Paris ou le courant El Niño qui apparaît vers Noël, surgi des mystères de l’Antarctique. Ne regrettons pas les trop longues marches avant l’attaque. Ne regrettons pas l’attente de la nuit. Tout ce qui bouge, croit, aime, est né la nuit. La nuit est le contraire du silence. La nuit vit. La nuit parle. Le bois craque, l’eau chuinte, le sable crisse, la forêt appelle, les bêtes feulent, jappent, roquent. Et l’homme respire du souffle de l’espérance.” Jean-François Deniau (1928–2007) personnalité politique et écrivain français Mémoires de sept vies. Tome 2 : Croire et Oser, 1997 Noël , formation , histoire , nuit