Citations sur mortel
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“Voici quelques types de réactions anormales : mourir de faim face à l'abondance; rester exposé au froid, à la pluie et à la neige, en présence de charbon, de matériel de construction et de place pour bâtir; croire qu'une puissance divine à longue barbe blanche régit toutes choses et que l'on est à la merci de cette puissance pour le bien comme pour le mal; massacrer d'innocentes personnes avec enthousiasme, et croire que l'on doit conquérir une région dont on n'avait jamais entendu parler auparavant; marcher en haillons et se considérer en même temps comme le représentant de la "grandeur de la nation"; oublier ce qu'un politicien avait promis avant de devenir chef de l'Etat; déléguer à quelque individu que ce soit, fussent-ils hommes d'Etat, un pouvoir quasi absolu sur sa propre vie et son propre destin; être incapable de comprendre que les soi-disant grands timoniers de l'Etat doivent eux aussi dormir, manger, répondre à l'appel de la nature, qu'eux aussi sont gouvernés par des pulsions affectives inconscientes et incontrôlables, et souffrent de dérangements sexuels comme tout autre mortel; considérer comme évident qu'il faut battre les enfants dans l'intérêt de la "culture"; refuser aux adolescents, qui sont dans la fleur de l'âge, le bonheur de l'union sexuelle; et l'on peut multiplier les exemples à l'infini. (p. 29-30, Préface de la deuxième édition)”

The Sexual Revolution: Toward a Self-governing Character Structure

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“Rhinocéros, Eugène Ionesco

Le Vieux Monsieur et le Logicien vont s’asseoir à l’une des tables de la terrasse, un peu à droite et derrière Jean et Bérenger.
Bérenger, à Jean : Vous avez de la force.
Jean : Oui, j’ai de la force, j’ai de la force pour plusieurs raisons. D’abord, j’ai de la force parce que j’ai de la force, ensuite j’ai de la force parce que j’ai de la force morale. J’ai aussi de la force parce que je ne suis pas alcoolisé. Je ne veux pas vous vexer, mon cher ami, mais je dois vous dire que c’est l’alcool qui pèse en réalité.
Le Logicien, au Vieux Monsieur : Voici donc un syllogisme exemplaire. Le chat a quatre pattes. Isidore et Fricot ont chacun quatre pattes. Donc Isidore et Fricot sont chats.
Le Vieux Monsieur, au Logicien : Mon chien aussi a quatre pattes.
Le Logicien, au Vieux Monsieur : Alors c’est un chat.
Bérenger, à Jean : Moi, j’ai à peine la force de vivre. Je n’en ai plus envie peut-être.
Le Vieux Monsieur, au Logicien après avoir longuement réfléchi : Donc logiquement mon chien serait un chat.
Le Logicien, au Vieux Monsieur : Logiquement, oui. Mais le contraire est aussi vrai.
Bérenger, à Jean : La solitude me pèse. La société aussi.
Jean, à Bérenger : Vous vous contredisez. Est-ce la solitude qui pèse, ou est-ce la multitude? Vous vous prenez pour un penseur et vous n’avez aucune logique.
Le Vieux Monsieur, au Logicien : C’est très beau la logique.
Le Logicien, au Vieux Monsieur : A condition de ne pas en abuser.
Bérenger, à Jean : C’est une chose anormale de vivre.
Jean : Au contraire. Rien de plus naturel. La preuve : tout le monde vit.
Bérenger : Les morts sont plus nombreux que les vivants. Leur nombre augmente. Les vivants sont rares.
Jean : Les morts, ca n’existe pas, c’est le cas de le dire!… Ah! ah!… (Gros rire) Ceux-là aussi vous pèsent? Comment peuvent peser des choses qui n’existent pas?
Bérenger: Je me demande moi-même si j’existe!
Jean, à Bérenger : Vous n’existez pas, mon cher, parce que vous ne pensez pas! Pensez, et vous serez.
Le Logicien, au Vieux Monsieur : Autre syllogisme : tous les chats sont mortels. Socrate est mortel. Donc Socrate est un chat.
Le Vieux Monsieur : Et il a quatre pattes. C’est vrai, j’ai un chat qui s’appelle Socrate.
Le Logicien : Vous voyez…
Jean, à Bérenger : Vous êtes un farceur, dans le fond. Un menteur. Vous dites que la vie ne vous intéresse pas. Quelqu’un, cependant, vous intéresse!
Bérenger : Qui?
Jean : Votre petite camarade de bureau, qui vient de passer. Vous en êtes amoureux!
Le Vieux Monsieur, au Logicien : Socrate était donc un chat!
Le Logicien : La logique vient de nous le révéler.
Jean : Vous ne vouliez pas qu’elle vous voie dans le triste état où vous vous trouviez. Cela prouve que tout ne vous est pas indifférent. Mais comment voulez-vous que Daisy soit séduite par un ivrogne?
Le Logicien : Revenons à nos chats.
Le Vieux Monsieur, au Logicien : Je vous écoute.
Bérenger, à Jean : De toute façon, je crois qu’elle a déjà quelqu’un en vue.
Jean, à Bérenger : Qui donc?
Bérenger, à Jean : Dudard. Un collègue du bureau : licencié en droit, juriste, grand avenir dans la maison, de l’avenir dans le cœur de Daisy, je ne peux pas rivaliser avec lui.
Le Logicien, au Vieux Monsieur : Le chat Isidore a quatre pattes.
Le Vieux Monsieur : Comment le savez-vous?
Le Logicien : C’est donné par hypothèse.
Bérenger, à Jean : Il est bien vu par le chef. Moi, je n’ai pas d’avenir, pas fait d’études, je n’ai aucune chance.
Le Vieux Monsieur, au Logicien : Ah! par hypothèse!
Jean, à Bérenger : Et vous renoncez, comme cela…
Bérenger, à Jean : Que pourrais-je faire?
Le Logicien, au Vieux Monsieur : Fricot aussi a quatre pattes. Combien de pattes auront Fricot et Isidore?
Le Vieux Monsieur, au Logicien : Ensemble ou séparément?
Jean, à Bérenger : La vie est une lutte, c’est lâche de ne pas combattre!”

Rhinocéros

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“C’est cette histoire que, moi aussi, j’ai obéi au désir de te conter, alors que je te connaissais à peine, toi qui ne peux plus te souvenir, mais qui ayant, comme par hasard, eu connaissance du début de ce livre, es intervenue si opportunément, si violemment et si efficacement auprès de moi sans doute pour me rappeler que je le voulais « battant comme une porte » et que par cette porte je ne verrais sans doute jamais entrer que toi. Entrer et sortir que toi. Toi qui de tout ce qu’ici j’ai dit n’auras reçu qu’un peu de pluie sur ta main levée vers « LES AUBES ». Toi qui me fais tant regretter d’avoir écrit cette phrase absurde et irrétractable sur l’amour, le seul amour, tel qu’il ne peut être qu’à toute épreuve. Toi qui, pour tous ceux qui m’écoutent, ne dois pas être une entité mais une femme, toi qui n’es rien tant qu’une femme, malgré tout ce qui m’en a imposé et m’en impose en toi pour que tu sois la Chimère. Toi qui fais admirablement tout ce que tu fais et dont les raisons splendides, sans confiner pour moi à la déraison, rayonnent et tombent mortellement comme le tonnerre. Toi la créature la plus vivante, qui ne parais avoir été mise sur mon chemin que pour que j’éprouve dans toute sa rigueur la force de ce qui n’est pas éprouvé en toi. Toi qui ne connais le mal que par ouï-dire. Toi, bien sûr, idéalement belle. Toi que tout ramène au point du jour et que par cela même je ne reverrai peut-être plus…”

André Breton (1896–1966) poète et écrivain français
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“Chaque fois que je vais dans un super-market, ce qui du reste m'arrive rarement, je me crois en Russie. C'est la même nourriture imposée d'en haut, pareille où qu'on aille, imposée par des trusts au lieu de l'être par des organismes d’État. Les États-Unis, en un sens, sont aussi totalitaires que l'URSS, et dans l'un comme dans l'autre pays, et comme partout d'ailleurs, le progrès (c'est-à-dire l'accroissement de l'immédiat bien-être humain) ou même le maintien du présent état de choses dépend de structures de plus en plus complexes et de plus en plus fragiles. Comme l'humanisme un peu béat du bourgeois de 1900, le progrès à jet continu est un rêve d'hier. Il faut réapprendre à aimer la condition humaine telle qu'elle est, accepter ses limitations et ses dangers, se remettre de plain-pied avec les choses, renoncer à nos dogmes de partis, de pays, de classes, de religions, tous intransigeants et donc tous mortels. Quand je pétris la pâte, je pense aux gens qui ont fait pousser le blé, je pense aux profiteurs qui en font monter artificiellement le prix, aux technocrates qui en ont ruiné la qualité - non que les techniques récentes soient nécessairement un mal, mais parce qu'elles se sont mises au service de l'avidité qui en est un, et parce que la plupart ne peuvent s'exercer qu'à l'aide de grandes concentrations de forces, toujours pleines de potentiels périls. Je pense aux gens qui n'ont pas de pain, et à ceux qui en ont trop, je pense à la terre et au soleil qui font pousser les plantes. Je me sens à la fois idéaliste et matérialiste. Le prétendu idéaliste ne voit pas le pain, ni le prix du pain, et le matérialiste, par un curieux paradoxe, ignore ce que signifie cette chose immense et divine que nous appelons "la matière". (p. 242)”

Marguerite Yourcenar (1903–1987) écrivaine française

Les Yeux ouverts : Entretiens avec Matthieu Galey

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“Canon 21. « Si quelqu’un dit que le juste ait le pouvoir de persévérer sans un secours spécial de Dieu, ou qu’il ne le puisse avec ce secours : qu’il soit anathème. » Canon 25. « Si quelqu’un dit que le juste pèche en toute bonne œuvre véniellement, ou, ce qui est plus insupportable, mortellement, et qu’il mérite la peine éternelle, mais qu’il n’est pas damné, par cette seule raison que Dieu ne lui impute pas ses œuvres à damnation : qu’il soit anathème. » Par où l’on voit, non-seulement que ces paroles, que « les commandemens ne sont pas impossibles aux justes, » sont restreintes à cette condition, quand ils sont secourus par la grâce ; mais qu’elles n’ont que la même force que celles-ci, que « les justes ne pèchent pas en toutes leurs actions ; » et enfin tant s’en faut que le pouvoir prochain soit étendu à tous les justes, qu’il est défendu de l’attribuer à ceux qui ne sont pas secourus de ce secours spécial, qui n’est pas commun à tous, comme il a été expliqué. Concluons donc que tous les Pères ne tiennent pas un autre langage. Saint Augustin et les Pères qui l’ont suivi, n’ont jamais parlé des commandemens, qu’en disant qu’ils ne sont pas impossibles à la charité, et qu’ils ne nous sont faits que pour nous faire sentir le besoin que nous avons de la charité, qui seule les accomplit. « Dieu, juste et bon, n’a pu commander des choses impossibles ; ce qui nous avertit de faire ce qui est facile, et de demander ce qui est difficile. » (Aug., De nat. et grat., cap. LXIX.) « Car toutes choses sont faciles à la charité. » (De perfect. justit., cap. x.) Et ailleurs : « Qui ne sait que ce qui se fait par amour n’est pas difficile? Ceux-là ressentent de la peine à accomplir les préceptes, qui s’efforcent de les observer par la crainte ; mais la parfaite charité chasse la crainte, et rend le joug du précepte doux ; et, bien loin d’accabler par son poids, elle soulève comme si elle nous donnoit des ailes. » Cette charité ne vient pas de notre libre arbitre (si la grâce de Jésus-Christ ne nous secourt), parce qu’elle est infuse et mise dans nos cœurs, non par nous-mêmes, mais par le Saint-Esprit. Et l’Écriture nous avertit que les préceptes ne sont pas difficiles, par cette seule raison, qui est que l’âme qui les ressent pesans, entende qu’elle n’a pas encore reçu les forces par lesquelles ils lui sont doux et légers. « Quand il nous est commandé de vouloir, notre devoir nous est marqué ; mais parce que nous ne pouvons pas l’avoir de nous-mêmes, nous sommes avertis à qui nous devons le demander ; mais toutefois nous ne pouvons pas faire cette demande, si Dieu n’opère en nous de le vouloir. » (Fulg., lib. II, De verit. praedest., cap. iv.) « Les préceptes ne nous sont donnés que par cette seule raison, qui est de nous faire rechercher le secours de celui qui nous commande, » etc. (Prosper, Epist. ad Demetriad.) « Les pélagiens s’imaginent dire quelque chose d’important, quand ils disent que Dieu ne commanderoit pas ce qu’il saurait que l’homme ne pourroit faire. Qui ne sait cela? Mais il commande des choses que nous ne pouvons pas, afin que nous connoissions à qui nous devons le demander. » (Aug., De nat. et grat., cap. xv et xvi.) « O homme! reconnois dans le précepte ce que tu dois ; dans la correction, que c’est par ton vice que tu ne le fais pas ; et dans la prière, d’où tu peux en avoir le pouvoir! (Aug., De corrept., cap. ni.) Car la loi commande, afin que l’homme, sentant qu’il manque de force pour l’accomplir, ne s’enfle pas de superbe, mais étant fatigué, recoure à la grâce, et qu’ainsi la loi l’épouvantant le mène à l’amour de Jésus-Christ » (Aug., De perfect. respons. et ratiocin. xj., cap.”

Blaise Pascal (1623–1662) mathématicien, physicien, inventeur, écrivain et philosophe chrétien français (XVIIe siècle)

Blaise Pascal - Oeuvres Complètes LCI/40

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“Il n’est pas vrai que nous dominons la nature et tant que ce mythe persistera, il nous maintiendra dans une illusion mortelle.”

Pierre Rabhi (1938) essayiste, agriculteur biologiste, romancier et poète français

La part du colibri : l'espèce humaine face à son devenir

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“Je suis un demi-dieu, une divinité mineure, un archange… Choisis le terme que tu préfères. Tu peux t’adresser à moi en m’appelant « maître », car tu n’as pas le droit de connaître mon nom. (Il se laissa tomber en position assise.) J’ai choisi cette forme parce qu’elle m’amuse et ne t’effraie pas. Wallie ne fut pas impressionné. — Pourquoi jouer avec moi ? J’aurais pu croire en toi beaucoup plus tôt si tu t’étais présenté sous un aspect plus divin – ou même avec un simple halo… Il avait dépassé les bornes. Les joues de l’enfant se gonflèrent sous le coup de la colère. — Très bien, puisque c’est ton souhait. Voici un petit aperçu. Wallie cria et se couvrit les yeux, mais trop tard. La caverne était déjà brillante, mais elle s’enflamma soudain d’un éclat magnificent aussi aveuglant que celui d’un soleil. L’enfant était demeuré un enfant, mais une infime partie de sa divinité flamboya un bref instant – et ce fut assez pour plonger un simple mortel dans une terreur sans nom. Dans ce fragment de majesté, Wallie vit que l’âge de cet être dépassait l’imagination – il existait bien avant la formation des galaxies et perdurerait bien après la disparition de feux d’artifice aussi éphémères ; son quotient intellectuel se mesurait en trillions et il était capable de connaître chaque pensée de chaque créature dans l’univers ; sa puissance aurait pu détruire une planète aussi facilement qu’on se cure les ongles ; comparés à sa noblesse et à sa pureté, les êtres humains ressemblaient à des bêtes infâmes et inutiles ; rien n’était capable de résister à ses objectifs froids et inébranlables ; sa compassion dépassait l’entendement humain et connaissait la souffrance des mortels ainsi que leurs raisons d’être, mais il ne pouvait pas la supprimer sans supprimer l’essence mortelle à la base de cette douleur. Wallie sentit aussi quelque chose de plus profond et de plus terrible encore, une présence que nul mot ne pouvait décrire, mais qu’un mortel aurait apparentée à l’ennui ou à la résignation. Il y avait des côtés négatifs à l’immortalité : le fardeau de l’omniscience et l’absence de futur limité, plus la moindre surprise, plus de fin même après la fin des temps, à jamais et à jamais… Wallie réalisa qu’il était à plat”

Le Guerrier de la déesse

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