Citations sur dehors
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“Se convertir d’une religion à une autre, c’est non seulement changer de concepts et de moyen, mais aussi remplacer une sentimentalité par une autre. Qui dit sentimentalité, dit limitation : la marge sentimentale qui enveloppe chacune des religions historiques prouve à sa manière la limite de tout exotérisme et par conséquent la limite des revendications exotériques. Intérieurement ou substantiellement, la revendication religieuse est absolue, mais extérieurement ou formellement, donc sur le plan de la contingence humaine, elle est forcément relative; si la métaphysique ne suffisait pas pour le prouver, les faits eux-mêmes le prouveraient.

Plaçons-nous maintenant, à titre d’exemple, au point de vue de l’Islam exotérique, donc totalitaire : aux débuts de l’expansion musulmane, les circonstances étaient telles que la revendication doctrinale de l’Islam s’imposait d’une façon absolue; mais plus tard, la relativité propre à toute expression formelle devait apparaître nécessairement. Si la revendication exotérique — non ésotérique — de l’Islam était absolue et non relative, aucun homme de bonne volonté ne pourrait résister à cette revendication ou à cet « impératif catégorique » : tout homme qui lui résisterait serait foncièrement mauvais, comme c’était le cas aux débuts de l’Islam, où on ne pouvait pas sans perversité préférer les idoles magiques au pur Dieu d’Abraham. Saint-Jean Damascène avait une fonction élevée à la cour du calife de Damas (4); il ne s’est pas converti à l’Islam, pas plus que ne le fit Saint-François d’Assise en Tunisie ni saint Louis en Egypte, ni saint Grégoire Palamas en Turquie (5). Or, il n’y a que deux conclusions possibles : ou bien ces saints étaient des hommes foncièrement mauvais, — supposition absurde puisque c’étaient des saints, — ou bien la revendication de l’Islam comporte, comme celle de toute religion, un aspect de relativité; ce qui est métaphysiquement évident puisque toute forme a des limites et que toute religion est extrinsèquement une forme, l’absoluité ne lui appartenant que dans son essence intrinsèque et supraformelle. La tradition rapporte que le soufi Ibrāhīm ben Adham eut pour maître occasionnel un ermite chrétien, sans que l’un des deux se convertît à la religion de l’autre; de même la tradition rapporte que Seyyid Alī Hamadānī, qui joua un rôle décisif dans la conversion du Cachemire à l’Islam, connaissait Lallā Yōgīshwari, la yōginī nue de la vallée, et que les deux saints avaient un profond respect l’un pour l’autre, malgré la différence de religion et au point qu’on a parlé d’influences réciproques (6). Tout ceci montre que l’absoluité de toute religion est dans la dimension intérieure, et que la relativité de la dimension extérieure devient forcément apparente au contact avec d’autres grandes religions ou de leurs saints.
---- Notes en bas de page ----
(4) C’est là que le saint écrivit et publia, avec l’acquiescement du calife, son célèbre traité à la défense des images, prohibées par l’empereur iconoclaste Léon III.
(5) Prisonnier des Turcs pendant un an, il eut des discussions amicales avec le fils de l’émir, mais ne se convertit point, pas plus que le prince turc ne devint chrétien
(6) De nos jours encore, les musulmans du Cachemire vénèrent Lallā, la Shivaïte dansante, à l’égal d’une sainte de l’Islam, à côté de Seyyid Alī; les hindous partagent ce double culte. La doctrine de la sainte se trouve condensée dans un de ses chants : « Mon gourou ne m’a donné qu’un seul précepte. Il m’a dit : du dehors entre dans ta partie la plus intérieure. Ceci est devenu pour moi une règle; et c’est pour cela que, nue, je danse » (Lallā Vākyāni, 94)”

Frithjof Schuon (1907–1998) métaphysicien, théologien et philosophe suisse

Form and Substance in the Religions

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“Dans ce monde d’absurde relativisme où nous vivons, qui dit « notre temps » croit avoir tout dit; identifier des phénomènes quelconques avec un « autre temps », ou qui plus est, un « temps révolu », c’est les liquider; et notons le sadisme hypocrite que recouvrent des mots comme « révolu », « suranné » ou « irréversible », lesquels remplacent la pensée par une sorte de suggestion imaginative, une « musique de préjugé » pourrions-nous dire. On constate par exemple que telle pratique liturgique ou cérémonielle offense les goûts scientistes ou démagogi­ques de notre époque, et on est tout heureux de se rappeler que l’usage en question date du Moyen Âge, voire de « By­zance », ce qui permet de conclure sans autre forme de procès qu’il n’a plus droit à l’existence; on oublie totalement la seule question qui ait à se poser, à savoir pourquoi les Byzantins ont pratiqué telle chose; il se trouve que ce pourquoi se situe le plus souvent en dehors du temps, qu’il a une raison d’être qui relève de facteurs intemporels. S’identifier soi-même avec un « temps » et enlever par là aux choses toute valeur intrinsèque ou presque, est une attitude toute nouvelle, que l’on projette arbitrairement dans ce que nous appelons rétrospectivement le « passé »; en réalité, nos ancêtres ne vivaient pas dans un temps, subjectivement et intellectuellement parlant, mais dans un « espace », c’est-à- dire dans un monde de valeurs stables où le flux de la durée n’était pour ainsi dire qu’accidentel; ils avaient un merveilleux sens de l’absolu dans les choses, et de l’enracinement des choses dans l’absolu.”

Frithjof Schuon (1907–1998) métaphysicien, théologien et philosophe suisse

Light on the Ancient Worlds

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“Et, en effet, une fois qu'on a cessé de confondre l'individualisme avec son
contraire, c'est-à-dire avec l'utilitarisme, toutes ces prétendues contradictions
s'évanouissent comme par enchantement. Cette religion de l'humanité a tout
ce qu'il faut pour parler à ses fidèles sur un ton non moins impératif que les
religions qu'elle remplace. Bien loin qu'elle se borne à flatter nos instincts, elle
nous assigne un idéal qui dépasse infiniment la nature; car nous ne sommes
pas naturellement cette sage et pure raison qui, dégagée de tout mobile
personnel, légiférerait dans l'abstrait sur sa propre conduite. Sans doute, si la
dignité de l'individu lui venait de ses caractères individuels, des particularités
qui le distinguent d'autrui, on pourrait craindre qu'elle ne l'enfermât dans une
sorte d'égoïsme moral qui rendrait impossible toute solidarité. Mais, en réalité,
il la reçoit d'une source plus haute et qui lui est commune avec tous les
hommes. S'il a droit à ce respect religieux, c'est qu'il a en lui quelque chose de
l'humanité. C'est l'humanité qui est respectable et sacrée; or elle n'est pas
toute en lui. Elle est répandue chez tous ses semblables; par suite, il ne peut la
prendre pour fin de sa conduite sans être obligé de sortir de soi-même et de se répandre au-dehors. Le culte dont il est, à la fois, et l'objet et l'agent, ne
s'adresse pas à l'être particulier qu'il est et qui porte son nom, mais à la
personne humaine, où qu'elle se rencontre, sous quelque forme qu'elle
s'incarne. Impersonnelle et anonyme, une telle fin plane donc bien au-dessus
de toutes les consciences particulières et peut ainsi leur servir de centre de
ralliement. Le fait qu'elle ne nous est pas étrangère (par cela seul qu'elle est
humaine) n'empêche pas qu'elle ne nous domine. Or, tout ce qu'il faut aux
sociétés pour être cohérentes, c'est que leurs membres aient les yeux fixés sur
un même but, se rencontrent dans une même foi, mais il n'est nullement
nécessaire que l'objet de cette foi commune ne se rattache par aucun lien aux
natures individuelles. En définitive, l'individualisme ainsi entendu, c'est la
glorification, non du moi, mais de l'individu en général. Il a pour ressort, non
l'égoïsme, mais la sympathie pour tout ce qui est homme, une pitié plus large
pour toutes les douleurs, pour toutes les misères humaines, un plus ardent
besoin de les combattre et de les adoucir, une plus grande soif de justice. N'y
a-t-il pas là de quoi faire communier toutes les bonnes volontés. Sans doute, il
peut arriver que l'individualisme soit pratiqué dans un tout autre esprit.
Certains l'utilisent pour leurs fins personnelles, l'emploient comme un moyen
pour couvrir leur égoïsme et se dérober plus aisément à leurs devoirs envers la
société. Mais cette exploitation abusive de l'individualisme ne prouve rien
contre lui, de même que les mensonges utilitaires de l'hypocrisie religieuse ne
prouvent rien contre la religion.”

Émile Durkheim (1858–1917) sociologue français

L'individualisme et les intellectuels

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“Qu’est-ce qui peut seul être notre doctrine? — Que personne ne donne à l’homme ses qualités, ni Dieu, ni la société, ni ses parents et ses ancêtres, ni lui-même (— le non-sens de l’« idée », réfuté en dernier lieu, a été enseigné, sous le nom de « liberté intelligible par Kant et peut-être déjà par Platon). Personne n’est responsable du fait que l’homme existe, qu’il est conformé de telle ou telle façon, qu’il se trouve dans telles conditions, dans tel milieu. La fatalité de son être n’est pas à séparer de la fatalité de tout ce qui fut et de tout ce qui sera. L’homme n’est pas la conséquence d’une intention propre, d’une volonté, d’un but; avec lui on ne fait pas d’essai pour atteindre un « idéal d’humanité », un « idéal de bonheur », ou bien un « idéal de moralité », — il est absurde de vouloir faire dévier son être vers un but quelconque. Nous avons inventé l’idée de « but » : dans la réalité le « but » manque… On est nécessaire, on est un morceau de destinée, on fait partie du tout, on est dans le tout, — il n’y a rien qui pourrait juger, mesurer, comparer, condamner notre existence, car ce serait là juger, mesurer, comparer et condamner le tout…Mais il n’y a rien en dehors du tout! — Personne ne peut plus être rendu responsable, les catégories de l’être ne peuvent plus être ramenées à une cause première, le monde n’est plus une unité, ni comme monde sensible, ni comme « esprit » : cela seul est la grande délivrance, — par là l’innocence du devenir est rétablie… L’idée de « Dieu » fut jusqu’à présent la plus grande objection contre l’existence… Nous nions Dieu, nous nions la responsabilité en Dieu : par là seulement nous sauvons le monde.”

Twilight of the Idols

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“Le génie véritable peut développer sans innover : il atteint la perfection, la profondeur et la puissance d'expression, d'une manière presque imperceptible, moyennant les impondérables de vérité et de beauté qui mûrissent dans l'humilité, sans laquelle il n'y a pas de vraie grandeur. Au point de vue l'art sacré ou simplement traditionnel, on ne se préoccupe pas de la question de savoir si une oeuvre est "originale" ou "copiée" : dans une série de copies d'un modèle canonique, telle copie – peut être moins "originale" qu'une autre – est une oeuvre géniale, par un concours de conditions précieuses qui n'ont rien à voir avec une affectation d'originalité ou quelque autre crispation de l'ego.

Et ceci nous permet de dégager une double erreur fondamentale sans laquelle les prétentions de soi-disant artistes seraient inconcevables : à savoir qu'une originalité contraire aux normes collectives héréditaires soit psychologiquement possible en dehors des cas d'aliénation mentale, et qu'un homme puisse produire une vraie oeuvre d'art qui ne soit comprise à aucun degré par nombre d'hommes intelligents et cultivés appartenant à la même civilisation, à la même race et à la même époque que le soi-disant artiste. En réalité, les prémisses d'une telle originalité ou singularité n'existent point dans l'âme humaine normale, ni à plus forte raison dans l'intelligence pure; les singularités modernes, loin de relever de quelque "mystère" de la création artistique, ne sont qu'erreur philosophique et déformation mentale. Chacun se croit obligé d'être un grand homme; la nouveauté est prise pour de l'originalité, l'introspection morbide pour de la profondeur, le cynisme pour de la sincérité, la prétention pour du génie, si bien qu'on finit par prendre un schéma d'anatomie ou une peau de zèbre pour de la peinture; on fait de la "sincérité" un critère absolu, comme si une oeuvre ne pouvait pas être psychologiquement "sincère", mais spirituellement fausse ou artistiquement nulle. La grande erreur de ces artistes est d'ignorer délibérément la valeur objective et qualitative des formes et des couleurs et de se croire à l'abri dans un subjectivisme qu'ils estiment intéressant et impénétrable, alors qu'il n'est que banal et ridicule; leur erreur même les oblige à recourir, dans le monde des formes, aux possibilités les plus inférieures, comme Satan qui, voulant être aussi "original" que Dieu, n'avait plus d'autre choix que l'horreur.”

Frithjof Schuon (1907–1998) métaphysicien, théologien et philosophe suisse

Caste e Razze

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“Comme le Christianisme, l'Islam enseigne que Jésus n'a pas eu de père humain, qu'il est « Parole de Dieu », qu'il est né d'une Vierge et que lui et cette Vierge-Mère ont le privilège unique de ne pas avoir été « touchés par le diable » au moment de leur naissance, ce qui indique l'Immaculée Conception; comme il est impossible même au point de vue musulman que tous ces privilèges incomparables n'aient une signification secondaire, qu'ils ne se soient produits qu'« en passant » et sans laisser de traces décisives, les chrétiens se demanderont comment les musulmans peuvent sans contradiction concilier cette sublimité avec la foi en un Prophète subséquent. Pour le comprendre, - tout argument métaphysique mis à part, - il faut tenir compte de ceci: le Monothéisme intégral comporte deux lignées distinctes, israélite l'une et ismaélienne l'autre; or, alors que dans la lignée israélite Abraham se trouve pour ainsi dire renouvelé ou remplacé par Moïse, - la Révélation sinaïtique étant comme un second commencement du Monothéisme, - Abraham reste toujours le Révélateur primordiale et unique pour les fils d'Ismaël. Le miracle sinaïtique appelait le miracle messianique ou christique : c'est le Christ qui, à un certain point de vue, clôt la lignée mosaïque et clôt la Bible, glorieusement et irrévocablement. Mais ce cycle allant de Moïse à Jésus, ou du Sinaï à l'Ascension, n'englobe précisément pas tout le Monothéisme : la lignée ismaélienne, et toujours abrahamique, se situait en dehors de ce cycle et restait en quelque sorte disponible; elle appelait à son tour un achèvement glorieux, de caractère non sinaïtique et christique, mais abrahamique et mohammédien, et en un certain sens « désertique » et « nomade »”

Frithjof Schuon (1907–1998) métaphysicien, théologien et philosophe suisse

Form and Substance in the Religions

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“Vous ne possédez rien, en dehors des quelques centimètres cubes de votre crâne.”

George Orwell (1903–1950) écrivain britannique

1984

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“On ne peut s'empêcher de constater [que l'Occidental religieux] perd en pratique volontiers de vue les tendances fondamentales de sa foi, c'est-à-dire qu'il se retranche derrière les alternatives simples de la morale et des exigences de la pratique religieuse tout en trahissant, en sa qualité de « civilisé », les tendances mêmes qui sont à la base et de ces alternatives et de cette pratique. La machine est une bonne chose, pourvu qu'on aime Dieu; la république est un bien, pourvu qu'elle favorise la religion; que la machine tue de facto l'amour de Dieu, et que la république étouffe de facto la religion, ne semble pas effleurer l'esprit de l'immense majorité des croyants. Si on est finalement obligé de constater ces effets néfastes, on accusera d'abord la nature humaine et ensuite quelque déchéance imaginaire de la religion; on accusera jamais les causes réelles, considérées a priori comme neutre parce que situées en dehors des alternatives morales simplistes et des règles pratiques auxquelles on a réduit la religion, et en dehors aussi de la pure théologie. Et comme le monde de la machine – « chrétien » selon certains puisque la machine ne commet point d'adultère et puisque toute chose efficace doit provenir du Christianisme –, comme ce monde s'impose partout pour des raisons matérielles irréversibles, il favorise partout sur le globe terrestre l'élément mondain et la mondanité technocratique, laquelle est de tout évidence l'antipode de tout amour de Dieu.

Cette mondanité utilitaire – franchement impie ou trompeusement chrétienne – ne saurait s'affirmer par une dialectique normale, elle a besoin d'arguments qui remplacent la réalité par des suggestions imaginatives des plus arbitraires. Au moins aussi déplaisant qu'un hyperbolisme inconsidéré, et bien davantage suivant les cas, est le biais faussement moralisant si commun au langage moderne : il consiste à vouloir justifier une erreur ou un mal quelconque par des étiquettes flatteuses et à vouloir compromettre une vérité ou un fait positif par des étiquettes infamantes, souvent en utilisant de fausses valeurs telles que la « jeunesse » et sans que les suggestions avancées aient le moindre rapport avec les choses auxquelles on les applique (18). Un autre vice de dialectique, ou un autre abus de pensée, est l'inversion du rapport causal et logique : on dira qu'il est temps d'inventer un idéal nouveau qui puisse enflammer les hommes, ou qu'il faut forger une mentalité capable de trouver beau le monde des machines et laid celui des sanctuaires, ou une mentalité capable de préférer la nouvelle messe ou la nouvelle religion à l'ancienne messe ou à la religion de toujours, et ainsi de suite. Comme le biais moralisant, le raisonnement inversant est totalement étranger à la dialectique orientale et à la dialectique traditionnelle tout court, et pour cause.

Nous pourrions signaler également, en passant, le raisonnement dynamiste qui subordonne la constatation d'un fait à la proposition d'une solution pratique – comme si la vérité n'avait pas sa raison d'être ou sa valeur en elle-même – ou le raisonnement utilitariste qui subordonne la vérité comme telle aux intérêts matériels des hommes physiques. Tout ceci n'est pas incompatible en fait avec un certains sens critique sur quelques plans extérieurs; s'il en est ainsi, l'inverse doit être possible également, à savoir la disproportion entre un discernement spirituel et un langage inconsidérément impulsif et hyperbolique. […]

(18) La propagande pour les innovations liturgiques et théologiques – et contre ceux qui n'en sont pas dupes – est un exemple particulièrement écœurant de ce procédé.”

Logic and Transcendence

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“Ce sont les sophistes, Protagoras en tête, qui sont les véritables précurseurs de la pensée moderne; ce sont eux les « penseurs » proprement dits, en ce sens qu'ils se bornaient à ratiociner et ne se souciaient guère de « percevoir » et de rendre compte de ce qui « est ». Et c'est à tort qu'on a vu en Socrate, Platon et Aristote les pères du rationalisme, voire de la pensée moderne en général; sans doute, ils raisonnent — Shankara et Râmânuja en font autant — mais ils n'ont jamais dit que le raisonnement est l'alpha et l'oméga de l'intelligence et de la vérité, ni a fortiori que nos expériences ou nos goûts déterminent la pensée et priment l'intuition intellectuelle et la logique, quod absit.
Somme toute, la philosophie moderne est la codification d'une infirmité acquise; l'atrophie intellectuelle de l'homme marqué par la « chute » avait pour conséquence une hypertrophie de l'intelligence pratique, d'où en fin de compte l'explosion des sciences physiques et l'apparition de pseudo-sciences telles que la psychologie et la sociologie (1).
Quoi qu'il en soit, il faut reconnaître que le rationalisme bénéficie de circonstances atténuantes en face de la religion, dans la mesure où il se fait le porte-parole des besoins de causalité légitimes que suscitent certains dogmes, du moins quand on les prend à la lettre comme l'exige la théologie (2). D'une manière tout à fait générale, il va de soi qu'un rationaliste peut avoir raison sur le plan des observations et des expériences; l'homme n'est pas un système clos, bien qu'il puisse s'efforcer de l'être. Mais même en dehors de toute question de rationalisme et de dogmatisme, on ne peut en vouloir à personne d'être scandalisé par les sottises et les crimes perpétrés au nom de la religion, ou même simplement par les antinomies entre les différents credos; toutefois, comme les horreurs ne sont certes pas l'apanage de la religion — les prédicateurs de la « déesse raison » en fournissent la preuve —, il faut nous arrêter à la constatation que les excès et les abus sont dans la nature humaine. S'il est absurde et choquant que des crimes se réclament du Saint-Esprit, il n'est pas moins illogique et scandaleux qu'ils aient lieu à l'ombre d'un idéal de rationalité et de justice. […]”

The Transfiguration of Man

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“Il y a deux manières de vaincre le monde, une vraie et une fausse. La vraie comprend la nature du monde et surmonte celui-ci au-delà de ses limites; la fausse ne comprend rien au monde et cherche à le surmonter au sein de ses limites. La vraie manière cherche ce qui est sec sur la plage, en dehors de la mer; la manière erronée cherche ce qui est sec dans la mer même, en tentant de la vider. Cette manière-ci est la foi ordinaire de ce monde, celle-là la certitude spirituelle élevée. Mais le fait que toute une partie de l'humanité reconnaisse cette manière erronée de surmonter le monde comme le principe de toutes les doctrines et de toutes les institutions - et en somme de toute activité et de toute aspiration - ne peut être possible qu'à notre époque, qui approche toujours plus inexorablement de sa fin.
La manière correcte est unitive, spirituelle, ramenant dans l'Intérieur et opérant l'harmonie; la manière fausse est multiplicatrice, orientée vers la nature grossière, entraînant vers l'extérieur et opérant la contradiction. La manière correcte domine la société humaine en fonction de ce qui la transcende, de l’Éternel, qui est son ultime destination; la manière fausse trompe la société sous le prétexte de son bien-être le plus extérieur et le plus limité, comme si l'homme en tant que tel - et qui plus est dans sa partie la plus éphémère, le corps - avait sa raison suffisante en lui-même et pouvait être la mesure et le but de lui-même et de toutes choses.”

Frithjof Schuon (1907–1998) métaphysicien, théologien et philosophe suisse
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“[…] un art sacré n’est pas nécessairement fait d’images, même pas au sens le plus large du terme. Il peut n’être que l’extériorisation pour ainsi dire muette d’un état contemplatif et, dans ce cas ou sous ce rapport, il ne reflétera pas des idées mais il transformera l’environnement qualitativement, en le faisant participer à un équilibre dont le centre de gravité est l’invisible. Il est facile de constater que telle est la nature de l’art islamique : son objet est avant tout l’environnement de l’homme – d’où le rôle dominant de l’architecture – et sa qualité est essentiellement contemplative. L’aniconisme n’amoindrit pas cette qualité, bien au contraire, car en excluant toute image qui invite l’homme à fixer son esprit sur quelque chose en dehors de lui-même, à projeter son âme en une forme « individualisante », il crée un vide. A cet égard, la fonction de l’art islamique est analogue à celle de la nature vierge – notamment du désert – qui favorise aussi la contemplation bien que, sous un autre angle, l’ordre créé par l’art s’oppose au chaos du paysage désertique.
La prolifération de l’ornement dans l’art musulman ne contredit pas cette qualité de vide contemplatif. Au contraire, l’ornement à formes abstraites la corrobore par son rythme continu ou son caractère de tissage sans fin : au lieu de capter l’esprit et de l’entraîner dans quelque monde imaginaire, il dissout les « fixations » mentales, de même que la contemplation d’un cours d’eau, d’une flamme ou d’un feuillage frémissant dans le vent peut détacher la conscience de ses « idoles » intérieures.”

Titus Burckhardt (1908–1984)

Art Of Islam: Language And Meaning

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“Une très jolie jeune fille, traitée avec des égards constants et des attentions démesurées par l'ensemble de la population masculine, y compris par ceux - l'immense majorité - qui n'ont plus aucun espoir d'en obtenir une faveur d'ordre sexuel, et même à vrai dire tout particulièrement par eux, avec une émulation abjecte confinant chez certains quinquagénaires au gâtisme pur et simple, une très jolie jeune fille devant qui tous les visages s'ouvrent, toutes les difficultés s'aplanissent, accueillie partout comme si elle était la reine du monde, devient naturellement une espèce de monstre d'égoïsme et de vanité autosatisfaite. La beauté physique joue ici exactement Ie même rôle que la noblesse de sang sous l'Ancien Régime, et la brève conscience qu'elles pourraient prendre à l'adolescence de l'origine purement accidentelle de leur rang cède rapidement la place chez la plupart des très jolies jeunes filles à une sensation de supériorité innée, naturelle, instinctive, qui les place entièrement en dehors, et largement au-dessus du reste de l'humanité. Chacun autour d'elle n'ayant pour objectif que de lui éviter toute peine, et de prévenir Ie moindre de ses désirs, c'est tout uniment (sic) qu'une très jolie jeune fille en vient à considérer Ie reste du monde comme composé d'autant de serviteurs, elle-même n'ayant pour seule tâche que d'entretenir sa propre valeur érotique - dans l'attente de rencontrer un garçon digne d'en recevoir l'hommage. La seule chose qui puisse la sauver sur le plan moral, c'est d'avoir la responsabilité concrète d'un être plus faible, d'être directement et personnellement responsable de la satisfaction de ses besoins physiques, de sa santé, de sa survie - cet être pouvant être un frère ou une soeur plus jeune, un animal domestique, peu importe. (La possibilité d'une île, Daniel 1,15)”

Michel Houellebecq (1956) écrivain français
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“En ce qui concerne, il y a coïncidence entre l'idéologie conjugale de la famille petite-bourgeoise et l'idée de famille en général, c'est-à-dire l'union monogamique définitive. Si misérables et désespérées, douloureuses et insupportables que soient la situation conjugale et la constellation familiale, les membres de la famille sont condamnés à les justifier, à l'intérieur de la famille et vis-à-vis de l'extérieur. La nécessité sociale de cette attitude conduit à masquer la misère et à idéaliser la famille et le mariage; elle engendre également la diffusion du sentimentalisme familial, avec ses clichés de "bonheur familial", de "foyer protecteur", du "havre de paix et de bonheur" que la famille est censée représenter pour les enfants. Le fait que dans notre société la situation est encore plus lamentable en dehors du mariage et de la famille, où la vie sexuelle perd absolument tout appui matériel, légal ou moral, est interprété à tort comme signifiant que l'institution familiale est. La méprise sur le véritable état des choses, ainsi que les slogans sentimentaux qui contribuent à créer l'atmosphère idéologique, sont psychologiquement indispensables, car ils permettent au psychisme de supporter l'intolérable situation familiale. C'est pourquoi le traitement des névroses, balayant les illusions et mettant à nu la vérité des situations, est susceptible de détruire les liens conjugaux et familiaux. (p. 134)”

The Sexual Revolution: Toward a Self-governing Character Structure

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“C’est à Ibn ‘Arabi que l’on attribue le rôle le plus éminent dans cette interprétation de plus en plus approfondie du principe féminin. Pour lui non seulement la nafs [âme] est féminine – comme c’est le cas généralement – mais aussi dhât, « essence divine », de sorte que la féminité, dans son œuvre, est la forme sous laquelle Dieu se manifeste le mieux (…) cette phrase savant exprime, en effet, parfaitement le concept d’Ibn ‘Arabi puisqu’il écrit au sujet de sa compréhension du divin :
« Dieu ne peut être envisagé en dehors de la matière et il est envisagé plus parfaitement en la matière humaine que dans toute autre et plus parfaitement en la femme qu’en l’homme. Car Il est envisagé soit comme le principe qui agit soit comme le principe qui subit, soit comme les deux à la fois (…) quand Dieu se manifeste sous la forme de la femme Il est celui qui agit grâce au fait qu’Il domine totalement l’âme de l’homme et qu’Il l’incite à se donner et à se soumettre entièrement à Lui (…) c’est pourquoi voir Dieu dans la femme signifie Le voir sous ces deux aspects, une telle vision est plus complète que de Le voir sous toute autre forme par laquelle Il se manifeste. »
(…)
Des auteurs mystiques postérieurs à Ibn ‘Arabi développèrent ses idées et représentèrent les mystères de la relation physique entre l’homme et la femme par des descriptions tout à fait concrètes. L’opuscule du soufi cachemirien Ya’qub Sarfi (mort en 1594), analysé par Sachiko Murata, en est un exemple typique; il y explique la nécessité des ablutions complètes après l’acte d’amour par l’expérience « religieuse » de l’amour charnel : au moment de ce plaisir extatique extrême – le plus fort que l’on puisse imagine et vivre – l’esprit est tant occupé par les manifestations du divin qu’il perd toute relation avec son corps. Par les ablutions, il ramène ce corps devenu quasiment cadavre à la vie normale.
(…)
On retrouve des considérations semblables concernant le « mystère du mariage » chez Kasani, un mystique originaire de Farghana (mort en 1543). Eve, n’avait-elle pas été créée afin que « Adam pût se reposer auprès d’elle », comme il est dit dans le Coran (sourate 7:189)? Elle était le don divin pour le consoler dans sa solitude, la manifestation de cet océan divin qu’il avait quitté. La femme est la plus belle manifestation du divin, tel fut le sentiment d’Ibn ‘Arabi.”

Annemarie Schimmel (1922–2003)

My Soul Is a Woman: The Feminine in Islam

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“[…] Une autre contribution, d’une portée inestimable, à la compréhension de l’Islam en Occident aura été fournie par l’œuvre de René Guénon (1886-1951), écrivain français inclassifiable dans les catégories habituelles mais que l’on peut équitablement désigner comme l’initiateur du courant de la pensée « traditionnelle » (et non « traditionaliste », appellation qu’il avait lui-même rejetée) dont l’approche des religions et du phénomène religieux en général, totalement dissociée de la pensée spécifiquement moderne, se distingue radicalement de celle des milieux académiques ou théologiques. Il existe déjà une littérature relativement abondante — de valeur inégale — sur l’œuvre guénonienne qui contient une critique implacable (et apparemment difficile à réfuter si l’on en juge par ce qui a été publié contre elle) de la modernité occidentale dénoncée, en dépit de toutes les expressions de son « progrès », comme une anomalie, sinon une monstruosité, par rapport aux civilisations « traditionnelles » et « normales » qui avaient été jusque là celles de l’humanité, de l’Orient en particulier. Les livres de Guénon, ordinairement passés sous silence dans le monde universitaire dont ils critiquent vivement la mentalité, n'ont pas cessé depuis un demi-siècle d’influencer, en dehors de toute publicité, d’assez vastes cercles de lecteurs auxquels ils ont permis de percevoir la portée métaphysique réelle des doctrines sacrées traditionnelles, leur offrant par là même un remède efficace au mal ravageur que représente l’agnosticisme contemporain.

Parmi les ouvrages de Guénon, qui professent généralement l’universalité de la Révélation et la validité de toutes les religions réellement traditionnelles et « orthodoxes », aucun ne traite spécifiquement de l’Islam, mais plusieurs y font de fréquentes allusions, se référant notamment à ce qui en constitue l’ésotérisme, c’est-à-dire le soufisme et sa voie initiatique toujours dépositaires d’une connaissance métaphysique et d’une sagesse intemporelle dont l’oubli par la pensée occidentale aura été la cause principale de la « déviation moderne ». Une œuvre développant pareils thèmes ne saurait évidemment se répandre beaucoup en dehors de milieux relativement restreints, mais elle semble tout de même avoir exercé un certain rayonnement et avoir contribué à conférer une nouvelle respectabilité aux religions non chrétiennes, à l’Islam en particulier.”

L'Islam entre tradition et révolution

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“Jeannot la bêtise des amoureux est immense, végétale, animale, astrale. Que faire? Comment te faire comprendre que je n'existe plus en dehors de toi.”

Jean Cocteau (1889–1963) écrivain, peintre et réalisateur français

Lettres à Jean Marais

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“En admettant que l’on ait compris ce qu’il y a de sacrilège dans un pareil soulèvement contre la vie, tel qu’il est devenu presque sacro-saint dans la morale chrétienne, on aura, par cela même et heureusement, compris autre chose encore : ce qu’il y a d’inutile, de factice, d’absurde, de mensonger dans un pareil soulèvement. Une condamnation de la vie de la part du vivant n’est finalement que le symptôme d’une espèce de vie déterminée : sans qu’on se demande en aucune façon si c’est à tort ou à raison. Il faudrait prendre position en dehors de la vie et la connaître d’autre part tout aussi bien que quelqu’un qui l’a traversée, que plusieurs et même tous ceux qui y ont passé, pour ne pouvoir que toucher au problème de la valeur de la vie : ce sont là des raisons suffisantes pour comprendre que ce problème est en dehors de notre portée. Si nous parlons de la valeur, nous parlons sous l’inspiration, sous l’optique de la vie : la vie elle-même nous force à déterminer des valeurs, la vie elle-même évolue par notre entremise lorsque nous déterminons des valeurs… Il s’ensuit que toute morale contre nature qui considère Dieu comme l’idée contraire, comme la condamnation de la vie, n’est en réalité qu’une évaluation de vie, — de quelle vie? de quelle espèce de vie? Mais j’ai déjà donné ma réponse : de la vie descendante, affaiblie, fatiguée, condamnée. La morale, telle qu’on l’a entendue jusqu’à maintenant — telle qu’elle a été formulée en dernier lieu par Schopenhauer, comme « négation de la volonté de vivre » — cette morale est l’instinct de décadence même, qui se transforme en impératif : elle dit : « va à ta perte! » — elle est le jugement de ceux qui sont déjà jugés…”

Twilight of the Idols

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“(…) Celui qui ignore que la maison brûle, n'a aucune raison d'appeler au secours; de même, l'homme qui ne sait pas qu'il est en train de se noyer ne saisira pas la corde salvatrice; mais savoir que nous périssons, c'est soit désespérer, soit prier. Savoir réellement que nous ne sommes rien, parce que le monde entier n'est rien, c'est se souvenir de « Ce qui est », et se libérer par ce souvenir.
Quand un homme est victime d'un cauchemar et qu'il se met alors, en plein rêve, à appeler Dieu au secours, il se réveille infailliblement, et cela démontre deux choses : premièrement, que l'intelligence consciente de l'Absolu subsiste dans le sommeil comme une personnalité distincte, - notre esprit reste donc en dehors de nos états d'illusion, et deuxièmement, que l'homme, quand il appelle Dieu, finira par se réveiller aussi de ce grand rêve qu'est la vie, le monde, l'ego. S'il est un appel qui peut briser le mur du rêve, pourquoi ne briserait-il pas aussi le mur de ce rêve plus vaste et plus tenace qu'est l'existence? Il n'y a, dans cet appel, aucun égoïsme, du moment que l'oraison pure est la forme la plus intime et la plus précieuse du don de soi.(2)
(2) « L'Heure suprême ne viendra qu'alors qu'il n'y aura plus personne sur terre qui dise : Allah! Allah! » (hadith). - C'est en effet la sainteté et la sagesse - et avec elles l'oraison universelle et quintessencielle - qui soutiennent le monde.”

Understanding Islam

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“La technique se développe de façon indépendante, en dehors de tout contrôle humain.”

Jacques Ellul (1912–1994) professeur d'histoire du droit, sociologue et théologien protestant français

“[…] la subversion est toujours partielle et localisée. Elle ne peut être pensée que relationnellement : liée à un contexte, à une situation, à une institution. La subversion subvertit quelque chose, à un moment donné, ou bien n'est rien du tout. Par conséquent, il faut se demander sur quel point opère une "subversion" et ce qu'elle déstabilise. Et chercher à savoir ce qui, dans chaque situation, est le plus "subversif". Il apparaît alors clairement que, dans certains cas, l'aspiration au "conformisme" est plus déstabilisatrice et peut se révéler bien plus subversive que toutes les proclamations révolutionnaires. L'on constate même aujourd'hui que ceux qui défendent l'ordre social (ou l'"ordre symbolique") contre les revendications du droit au mariage homosexuel peuvent, à l'inverse, parfaitement ignorer les comportements qui se croient subversifs, ou même, chez les plus "libéraux" d'entre eux, les apprécier et les encourager comme un ailleurs exotique dans lequel ils aimeraient cantonner les gays et les lesbiennes plutôt que les laisser revendiquer l'accès à l'égalité. La "subversion" est désormais concédée aux gays et aux lesbiennes, à condition qu'ils n'en sortent pas. Ce qui tendrait à montrer que ce qui est subversif aujourd'hui, c'est de refuser ce rôle assigné et attendu socialement. La dénonciation obsessionnelle, au début des années quatre-vingt-dix en France, du "communautarisme" (c'est-à-dire des "espaces de liberté" dont parlait Foucault) a bien vite cédé la place à la dénonciation acharnée, et de toute évidence bien plus décisive pour les défenseurs de l'ordre établi, des revendications, pourtant "universalistes", du droit au mariage, à la parenté, à la famille (cette demande d'être reconnus par les valeurs établies dont Foucault disait qu'elle était bien plus "folle"). Et l'on voit même les deux accusations coexister dans les mêmes discours, au détriment de toute cohérence ou de toute logique : ne restez pas dans les marges, n'entrez pas dans la norme; ne soyez pas dehors, ne soyez pas dedans… Bref : disparaissez, on ne veut plus entendre parler de vous. (p. 194-195)”

Didier Eribon (1953) philosophe et sociologue français

Insult and the Making of the Gay Self

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“Si tu fermes la porte à toutes les erreurs, la vérité restera dehors”

Rabindranath Tagore (1861–1941) compositeur, écrivain, dramaturge, peintre et philosophe indien
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“L'honneur est comme une ile escarpée et sans bords ;
On n'y peut plus rentrer dès qu'on en est dehors.”

Nicolas Boileau (1636–1711) poète, écrivain et critique français

Satires (1716)

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“La poule picore en dehors du poulailler mais elle y revient toujours.”

Paul Yao Akoto (1938) homme politique et écrivain ivoirien

L’Escalier aux sept marches, 1992

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