“Avez-vous vu dans mon pays la perte du Rhône? – Le fleuve qui descends du haut des Alpes arrive confiant et à pleins bords. Tout à coup, comme si l’embûche avait été tendue dès l’origine des choses, il disparaît. On le cherche sans le trouver : il s’est perdu dans le puits de l’abîme, il est enseveli dans les entrailles de la terre; une couche prodigieuse de rochers amoncelés depuis les premiers jours le recouvre, et la pierre a été scellée sur lui, aux deux bords, par des bras de Titans. Maintenant, des rives de Savoie et de France, les troupeaux de chèvres, de vaches, de mulets, le traversent à pied sec et l’insultent; la sonnerie de leurs clochettes couvre ses mugissements. Cependant, pour avoir disparu, le fleuve n’est pas tari; son ancien génie vit encore; il lutte dans les ténèbres, il mugit sous terre, il travail dans le sépulcre, il use de sa poussière d’écume la roche éternelle.” Edgar Quinet (1803–1875) écrivain et historien français, député de l’Ain Perte du Rhône, à Bellegarde-sur-Valserine (Ain) perte , pays
“Ramené péniblement, ils découvrirent dans ses mailles un buste antique et mutilé et une sirène : une sirène qui était poisson jusqu’à la taille et femme de la taille aux pieds. De ce jour, l’existence fut intenable sur le petit bateau. Le filet ne ramena plus que des étoiles charnues et soyeuses, des méduses transparentes et molles comme des danseuses en tutu récemment assassinées, des anémones, des algues magiques. L’eau des réservoirs se changea en perles fines, les aliments en fleurs des Alpes : edelweiss et clématites. La faim tortura les matelots mais nul ne songea à rejeter à la mer l’augurale créature qui avait déterminé la famine. Elle rêvait à l’avant sans paraître souffrir de sa nouvelle existence. L’équipage mourut en peu de jours et l’esquif, jouet des courants, parcourt encore les océans.” Robert Desnos (1900–1945) poète français La Liberté ou l'Amour !, 1927 poisson , eau , fleur , mer
“Bien que le séjour des Arabes en France n'ait été constitué que par une série de courtes invasions, ils ont laissé des traces profondes de leur passage dans la langue, et […] ils en ont laissé également dans le sang. […] L'ethnologie nous en fournit la preuve, en retrouvant, après tant de siècles, des descendants des Arabes sur plusieurs parties de notre sol. Dans le département de la Creuse, dans les Hautes-Alpes, et notamment dans plusieurs localités situées autour de Montmaure (montagne des Maures), dans le canton de Baignes (Charente), de même que dans certains villages des Landes, du Roussillon, du Languedoc, du Béarn, les descendants des Arabes sont facilement reconnaissables. On les distingue à leur peau basanée, leurs cheveux couleur d'ébène, leur nez aquilin, leurs yeux foncés et perçants. Les femmes se reconnaissent à leur teint olivâtre, leur figure allongée, leurs grands yeux noirs, leurs sourcils épais, la forme conique de leurs seins, etc.” Gustave Le Bon (1841–1931) anthropologue, psychologue social, sociologue et scientifique amateur français La Civilisation des Arabes (1884) montagne , femmes , couleur , formation
“On doit en outre se rappeler que les Arabes, en très grande majorité d'origine orientale, s'étaient avancés, au VIIIe siècle, d'une part jusqu'au Poitou, d'autre part jusqu'à la vallée de la Saône et aussi qu'après leur défaite, ils demeurèrent relativement nombreux sur tout le littoral, de l'embouchure du Rhône à la frontière espagnole ainsi que dans les Alpes. Ils devinrent chrétiens et s'intégrèrent à la population autochtone. Il paraît que l'influence orientale se fait nettement sentir sur tout le littoral du golfe du Lion et autour de l'étang de Berre.” Hans Günther (1891–1968) anthropologue vie
“Une œuvre naît toujours d'un choc qui fertilise un terrain favorable. Le terrain, chez Byron, était prêt; c'était cette masse brûlante de sentiments inexprimés, horreur, amour, désir, regrets, lave qui une fois encore menaçait de tout engloutir. Du choc produit par la lecture de Faust et par les paysages des Alpes, sortit un grand poème dramatique : Manfred.” George Gordon Byron (1788–1824) poète britannique D'autres auteurs à son sujet lecture , amour , foi , sentiment
“Le premier livre des Confessions n'est pas le plus remarquable, mais Rousseau s'y trouve déjà renfermé tout entier, avec son orgueil, ses vices en germe, ses humeurs bizarres et grotesques, ses bassesses et ses saletés; avec sa fierté aussi et ce ressort d'indépendance et de fermeté qui le relève; avec son enfance heureuse et saine, son adolescence souffrante et martyrisée et ce qu'elle lui inspirera plus tard (on le pressent) d'apostrophes à la société et de représailles vengeresses; avec son sentiment attendri du bonheur domestique et de famille qu'il goûta si peu, et encore avec les premières bouffées de printemps et des premières haleines, signal du réveil naturel qui éclatera dans la littérature du dix-neuvième siècle. Nous oublions combien ces premiers paysages parurent frais et nouveaux alors, et quel évènement c'était au milieu de cette société spirituelle, très fine, mais sèche, aussi dénuée d'imagination que de sensibilité vraie, dépourvue en elle-même de cette sève qui circule et qui, à chaque saison, refleurit. C'est Rousseau qui, le premier, ramena et infusa cette sève végétale puissante dans l'arbre délicat qui s'épuisait. Les lecteurs français, habitués à l'air factice d'une atmosphère de salon, ces lecteurs urbains, comme il les appelle, s'étonnèrent, tout ravis de sentir arriver du côté des Alpes ces bonnes et fraîches haleines des montagnes qui venaient raviver une littérature aussi distinguée que desséchée. Il était temps, et c'est en cela que Rousseau n'est pas un corrupteur de la langue, mais, somme toute, un régénérateur.” Jean-Jacques Rousseau (1712–1778) philosophe, compositeur et critique musical genevois montagne , ressort , littérature , humeur
“Une œuvre naît toujours d'un choc qui fertilise un terrain favorable. Le terrain, chez Byron, était prêt; c'était cette masse brûlante de sentiments inexprimés, horreur, amour, désir, regrets, lave qui une fois encore menaçait de tout engloutir. Du choc produit par la lecture de Faust et par les paysages des Alpes, sortit un grand poème dramatique : Manfred.” André Maurois (1885–1967) romancier essayiste et historien de la littérature français Don Juan ou la vie de Byron, 1952 lecture , amour , foi , sentiment
“Vint une année où je fus particulièrement mécontent de moi. Tout à fait malheureux d'être ce que j'etais. Assez désireux de ne pas devenir. La fenêtre de ma chambre donnais sur le baous de La Gaude et de Saint-Jeannet, deux rochers abrupts de nos Alpes du Sud, réputés abréger la souffrance des amoureux éconduits. Un matin que j'envisageais ces falaises avec un peu trop d'affection, on a frappé à la porte de ma chambre. C'était mon père. Il a juste passé sa tête par l'entrebâillement:-Ah! Daniel, j'ai complètement oublié de te dire: le suicide est une imprudence.” Daniel Pennac livre Chagrin d'école Chagrin d'école Souffrance
“Il s’était retiré en Suisse. Il habitait une espèce de haute masure au bord du lac de Genève. Il s’était choisi cette demeure dans le plus âpre recoin du lac, entre Chillon où est le cachot de Bonnivard, et Vevey où est le tombeau de Ludlow. Les Alpes sévères, pleines de crépuscules, de souffles et de nuées, l’enveloppaient ; et il vivait là, perdu” Victor Hugo (1802–1885) écrivain français L'homme qui rit