“L'émotivité « perçoit » et révèle ceux des aspects d'un bien ou d'un mal, que la simple définition logique ne saurait montrer directement et concrètement : ce sont les aspects existentiels, subjectifs, psychologiques, moraux et esthétiques, soit de la vérité, soit de l'erreur; ou soit de la vertu, soit du vice. Que l'on se représente un enfant qui, par simple ignorance et partant par manque de sens des proportions, profère une parole en fait blasphématoire; si le père fulmine, l'enfant apprend «existenciellement» quelque chose qu'il n'apprendrait pas si le père se bornai à une dissertation abstraite sur le caractère blasphématoire de la dite parole. La fulmination du père démontre concrètement à l'enfant l'étendue de la faute, elle rend visible une dimension qui autrement serait restée abstraite et anodine; de même dans les cas inverses, mutatis mutandis : la joie des parents rend tangible pour l'enfant, la valeur de son acte méritoire ou de la vertu tout court. Au rebours de l'expérience et du bon sens, certaines adeptes de la psychanalyse – sinon tous- estiment qu'on ne devrait jamais punir un enfant, car, pensent-ils, une punition le « traumatiserait »; ce qu'ils oublient, c'est qu'un enfant qui se laisse traumatiser par une punition juste – donc proportionnée à la faute- est déjà un monstre. L'essence de l'enfant normal, sous un certain rapport, est le respect des parents et l'instinct du bien; une juste punition, loin de le blesser foncièrement, l'illumine et le délivre, en le projetant pour ainsi dire dans la conscience immanente de la norme. Certes, il est des cas où les parents ont tort et où l'enfant est traumatisé à juste titre, mais l'enfant normal, ou normalement vertueux, n'en tombera pas pour autant dans une amertume vindicative et stérile, bien au contraire : il tirera de son expérience le meilleur parti, grâce à l'intuition que toute adversité est métaphysiquement méritée, aucun homme n'étant parfait sans épreuve.”