“En amour, le gibier longtemps pullule, mais la petite troupe de ceux qui ont commencé avec nous de vivre, se réduit chaque année. Les survivants aux coups sombres de la guerre, qu'ils fussent enlisés dans le mariage, ou déformés par le métier, Courrèges, leur voyant le poil grison, cette bedaine, ce crâne, les haïssait d'avoir son âge; il les accusait d'être les assassins de leur jeunesse et, avant qu'elle les renonçât, de la trahir.” François Mauriac livre Le Désert de l'amour Le Désert de l'amour, 1925 amour , mariage , guerre , jeunesse
“Dans ce genre d’enlisement, si on ne réagit pas très vite, on n’est plus maître de quoi que ce soit. On devient spectateur de sa propre dérive, et on ne se rend pas compte du gouffre en train de se refermer sur soi pour toujours…” Yasmina Khadra (1955) écrivain algérien L’Attentat, 2005 maîtresse
“Il s'étonnait d'avoir consenti à s'emprisonner pendant près de six années dans l'hospice de Saint-Cosme, enlisé dans une routine conventuelle pire que l'état d'homme d'Église qui lui faisait horreur à vingt ans, s'exagérant l'importance des petites intrigues et des petits esclandres inévitables en huit clos. Il lui semblait presque avoir insulté aux infinies possibilités de l'existence en renonçant si longtemps au monde grand ouvert. La démarche de l'esprit se frayant un chemin à l'envers des choses menait à coup sûr à des profondeurs sublimes, mais rendait impossible l'exercice même qui consiste à être. Il avait trop longtemps aliéné le bonheur d'aller droit devant soi dans l'actualité du moment, laissant le fortuit redevenir son lot, ne sachant pas où il coucherait ce soir, ni comment dans huit jours il gagnerait son pain. Le changement était une renaissance et presque une métempsycose.” Marguerite Yourcenar (1903–1987) écrivaine française , 1968 changement , hommes , bonheur , monde
“La France se cloître dans de suicidaires certitudes. Ainsi, croire que le bon État providence doit financer à flot pour contrer les infâmes entrepreneurs arqués, chevillés, empalés sur l’appel du pire : le dévoiement systématique des outils sociaux proposés. Le CPE aurait comme seule raison d’être l’irrésistible congédiement du malheureux, de l’esclavagivisé salarié dans les 730 jours suivant son embauche. Certitude assénée par les Croisés pour l’Enlisement (…) que de considérer le gueux qui traîne, exploité a priori, formé accessoirement, comme la victime d’une salauderie patronale. Les relents prolétariens s’excitent devant tant de gorges capitalistes à trancher… Les archaïques s’ébrouent et empuantissent notre air!” Loïc Decrauze (1969) Des Cyprès démesurés, 2006 formation
“Le soleil s’enlise inexorablement dans la mer. Il a beau s’agripper aux nuages, il ne parvient pas à empêcher la dégringolade. On voit bien qu’il déteste se prêter à cet exercice de mise en abîme, mais il n’y peut rien. Toute chose en ce monde a une fin et aucun règne n’échappe à son déclin.” Yasmina Khadra (1955) écrivain algérien L’Olympe des Infortunes, 2010 soleil , mer , monde
“En honorant l'école à l'excès, c'est toi [l'élève excellent] que tu flattes en douce, tu te poses plus ou moins consciemment en élève idéal. Ce faisant, tu masques les innombrables paramètres qui nous font tellement inégaux dans l'acquisition du savoir : circonstances, entourage, pathologies, tempérament… Ah! l'énigme du tempérament!« Je dois tout à l'école de la République! »Serait-ce que tu voudrais faire passer tes aptitudes pour des vertus? (Les unes et les autres n'étant d'ailleurs pas incompatibles…) Réduire ta réussite à une question de volonté, de ténacité, de sacrifice, c'est ça que tu veux? Il est vrai que tu fus un élève travailleur et persévérant, et que le mérite t'en revient, mais c'est, aussi, pour avoir joui très tôt de ton aptitude à comprendre, éprouvé dès tes premières conforntations au travail scolaire la joie immense d'avoir compris, et que l'effort portait en lui-même la promesse de cette joie! À l'heure où je m'asseyais à ma table écrasé par la conviction de mon idiotie, tu t'installais à la tienne vibrant d'impatience, impatience de passer à autre chose aussi, car ce problème de math sur lequel je m'endormais tu l'expédiais, toi, en un tournemain. Nos devoirs, qui étaient les tremplins de ton esprit, étaient les sables mouvants où s'enlisait le mien. Ils te laissaient libre comme l'air, avec la satisfaction du devoir accompli, et moi hébété d'ignorance, maquillant un vague brouillon en copie définitive, à grand renfort de traits soigneusement tirés qui ne trompaient personne. À l'arrivée, tu étais le travailleur, j'étais le paresseux. C'était donc ça, la paresse? Cet enlisement en soi-même? Et le travail, qu'était-ce donc? Comment s'y prenaient-ils, ceux qui travaillaient bien? Où puisaient-ils cette force? Ce fut l'énigme de mon enfance. L'effort, où je m'anéantissais, te fut d'entrée de jeu un gage d'épanouissement. Nous ignorions toi et moi qu'« il faut réussir pour comprendre », selon le mot si clair de Piaget, et que nous étions, toi comme moi, la vivante illustration de cet axiome. (p. 271-272)” Daniel Pennac livre Chagrin d'école Chagrin d'école Question , Joie
“Meme se sentit patauger dans un marécage où la peur la faisait s'enliser, et dont seul pouvait la sortir, comme cela s'était déjà passé dans son rêve, cet homme parfumé à l'huile de moteur qu'elle distinguait à peine dans la pénombre.” Gabriel García Márquez livre Cent ans de solitude One Hundred Years of Solitude