Citations sur encrier

Une collection de citations sur le thème de encrier, personnes, personne, seul.

Citations sur encrier

Sei Shônagon photo
José Saramago photo

“Ces gens-là nous envient, disait-on dans les boutiques et les foyers, […], ils nous envient parce que chez nous personne ne meurt, et s’ils veulent nous envahir et occuper notre territoire c’est pour ne pas mourir eux non plus. En deux jours, à coups de marches forcées et de bannières flottant au vent, entonnant des chants patriotiques comme la marseillaise, le ça ira, le maria da fonte, l’hymne à la charte, le não verás país nenhum, la bandiera rossa, la portuguesa, le god save the king, l’internationale, le deuchland über alles, le chant des marais, le stars and stripes, les soldats s’en retournèrent aux postes d’où ils étaient venus et là, armés jusqu’aux dents, ils attendirent de pied ferme l’attaque. Les deux camps valeureux sont face à face, mais cette fois non plus le sang ne coulera pas jusqu'au fleuve. Et dites vous bien que ce ne fut pas voulu par les soldats de ce côté-ci, car eux avaient la certitude de ne pas mourir, même si une rafale de mitraillette les coupaient en deux. Encore que, poussés par une curiosité scientifique plus que légitime, nous devrions nous demander comment les deux parties séparées survivraient au cas où l’estomac serait d’un côté et les intestins de l’autre. Quoi qu’il en soit, seul un fou à lier s’aviserait de tirer le premier. Et, dieu soit loué, personne ne tira. Pas même le fait que plusieurs soldats de l’autre camp eussent l’idée de déserter dans l’eldorado où personne ne meurt n’eut d’autre conséquence que leur renvoi immédiat à leur lieu d’origine où un conseil de guerre les attendait déjà. Ce détail n’aura aucune incidence sur le déroulement de l’histoire riche en tribulations que nous relatons et nous n’en reparlerons plus, n’empêche que nous n’avons pas voulu le laisser enseveli dans l’obscurité de l’encrier.”

José Saramago (1922–2010) écrivain portugais

[…] Espérons qu’au moins les pauvres diables ne seront pas fusillés. Car alors nous serions fondés à dire qu’ils étaient allés chercher de la laine et étaient revenus prêts à être tondus.
Les intermittences de la mort (As Intermitcias da Morte), 2005

Robert Desnos photo

“Mais le Corsaire Sanglot, la chanteuse de music-hall, Louise Lame, les explorateurs polaires et les fous, réunis par inadvertance dans la plaine aride d’un manuscrit, hisseront en vain du haut des mâts blancs les pavillons noirs annonciateurs de peste s’ils n’ont auparavant, fantômes jaillis de la nuit profonde de l’encrier, abandonné les préoccupations chères à celui qui, de cette nuit liquide et parfaite, ne fit jamais autre chose que des taches à ses doigts, taches propres à l’apposition d’empreintes digitales sur les murs ripolinés du rêve et par là capables d’induire en erreur les séraphins ridicules de la déduction logique persuadés que seul un esprit familier des majestueuses ténèbres a pu laisser une trace tangible de sa nature indécise en s’enfuyant à l’approche d’un danger comme le jour ou le réveil, et loin de penser que le travail du comptable et celui du poète laissent finalement les mêmes stigmates sur le papier et que seul l’œil perspicace des aventuriers de la pensée est capable de faire la différence entre les lignes sans mystère du premier et le grimoire prophétique et, peut-être à son insu, divin du second, car les pestes redoutables ne sont que tempêtes de cœurs entrechoqués et il convient de les affronter avec des ambitions individuelles et un esprit dégagé du stupide espoir de transformer en miroir le papier par une écriture magique et efficace.”

Robert Desnos (1900–1945) poète français

La Liberté ou l'Amour !, 1927

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