Citations sur esquisse

Une collection de citations sur le thème de esquisse, ni~, chose, fait.

Citations sur esquisse

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“Quant à l’oeuvre, les problèmes qu’elle soulève sont plus difficiles encore. En apparence pourtant, quoi de plus simple? Une somme de textes qui peuvent être dénotés par le signe d’un nom propre. Or cette dénotation (même si on laisse de côté les problèmes de l’attribution) n’est pas une fonction homogène : le nom d’un auteur dénote-t-il de la même façon un texte qu’il a lui-même publié sous son nom, un texte qu’il a présenté sous un pseudonyme, un autre qu’on aura retrouvé après sa mort à l’état d’ébauche, un autre encore qui n’est qu’un griffonnage, un carnet de notes, un « papier »? La constitution d’une oeuvre complète ou d’un opus suppose un certain nombre de choix qu’il n’est pas facile de justifier ni même de formuler : suffit-il d’ajouter aux textes publiés par l’auteur ceux qu’il projetait de donner à l’impression, et qui ne sont restés inachevés quer par le fait de la mort? Faut-il intégrer aussi tout ce qui est brouillon, fait de la mort? Faut-il intégrer aussi tout ce qui est brouillon, premier dessein, corrections et ratures des livres? Faut-il ajouter les esquisses abandonnées? Et quel status donner aux lettres, aux notes, aux conversations rapportées, aux propos transcrits par les auditeurs, bref à cet immense fourmillement de traces verbales qu’un individu laisse autour de lui au moment de mourir, et qui parlent dans un entrecroisement indéfini tant de langages différents? En tout cas le nom « Mallarmé » ne se réfère pas de la même façon aux thèmes anglais, aux trauctions d’Edgar Poe, aux poèmes, ou aux réponses à des enquêtes; de même, ce n’est pas le même rapport qui existe entre le nom de Nietzsche d’une part et d’autre par les autobiographies de jeunesse, les dissertations scolaires, les articles philologiques, Zarathoustra, Ecce Homo, les lettres, les dernières cartes postales signées par « Dionysos » ou « Kaiser Nietzsche », les innombrables carnets où s’enchevêtrent les notes de blanchisserie et les projets d’aphorismes. En fait, si on parle si volontiers et sans s’interroger davantage de l’« oeuvre » d’un auteur, c’est qu’on la suppose définie par une certaine fonction d’expression. On admet qu’il doit y avoir un niveau (aussi profond qu’il est nécessaire de l’imaginer) auquel l’oeuvre se révèle, en tous ses fragments, même les plus minuscules et les plus inessentiels, comme l’expression de la pensée, ou de l’expérience, ou de l’imagination, ou de l’inconscient de l’auteur, ou encore des déterminations historiques dans lesquelles il était pris. Mais on voit aussitôt qu’une pareille unité, loin d’être donné immédiatement, est constituée par une opération; que cette opération est interprétative (puisqu’elle déchiffre, dans le texte, la transcription de quelque chose qu’il cache et qu’il manifeste à la fois); qu’enfin l’opération qui détermine l’opus, en son unité, et par conséquent l’oeuvre elle-même ne sera pas la même s’il s’agit de l’auteur du Théâtre et son double ou de l’auteur du Tractatus et donc, qu’ici et là ce n’est pas dans le même sens qu’on parlera d’une « oeuvre ». L’oeuvre ne peut être considérée ni comme unité immédiate, ni comme une unité certaine, ni comme une unité homogène.”

Michel Foucault (1926–1984) philosophe français

The Archaeology of Knowledge & The Discourse on Language

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“Je vous propose alors une idée militante. Il serait très juste d’organiser une vaste manifestation pour une alliance des jeunes et des vieux, à vrai dire dirigée contre les adultes d’aujourd’hui. Les plus rebelles des moins de trente ans et les plus coriaces des plus de soixante contre les quadras et les quinquas bien installés. Les jeunes diraient qu’ils en ont assez d’être errants, désorientés, et interminablement dépourvus de toute marque de leur existence positive. Ils diraient aussi qu’il n’est pas bon que les adultes fassent semblant d’être éternellement jeunes. Les vieux diraient qu’ils en ont assez de payer leur dévalorisation, leur sortie de l’image traditionnelle du vieux sage, par une mise à la casse, une déportation dans des mouroirs médicalisés, et leur totale absence de visibilité sociale. Ce serait très nouveau, très important, cette manifestation mixte ! J’ai du reste vu, durant mes nombreux voyages dans le monde entier, pas mal de conférences, pas mal de situations où le public se composait d’un noyau de vieux briscards, de vieux rescapés, comme moi, des grands combats des sixties et des seventies, et puis d’une masse de jeunes qui venaient voir si le philosophe avait quelque chose à dire concernant l’orientation de leur existence et la possibilité d’une vraie vie. J’ai donc vu, partout dans le monde, l’esquisse de l’alliance dont je vous parle. Comme à saute-mouton, la jeunesse semble devoir sauter aujourd’hui par-dessus l’âge dominant, celui qui va en gros de trente-cinq à soixante-cinq ans, pour constituer avec le petit noyau des vieux révoltés, des non-résignés, l’alliance des jeunes désorientés et des vieux baroudeurs de l’existence. Ensemble, nous imposerions que soit ouvert le chemin de la vraie vie.”

Alain Badiou (1937) écrivain et philosophe français

La vraie vie : Appel à la corruption de la jeunesse

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