“J’ai eu envie un jour de faire une blague à Sá-Carneiro – inventer un poète bucolique, de l’espèce compliquée, et le lui présenter, je ne sais plus comment, d’une façon plausible quelconque – Je passais quelques jours à tenter d’élaborer le poète mais je ne parvins à rien. Un jour où j'avais finalement renoncé — c'était le 8 mars 1914 — je m'approchai d'une haute commode et, prenant une feuille de papier, je me mis à écrire, debout, comme je le fais chaque fois que je peux. Et j'ai écrit trente et quelques poèmes d'affilée, dans une sorte d'extase dont je ne saurai saisir la nature. Ce fut le jour triomphal de ma vie et je ne pourrai en connaître d'autres comme celui-là. Je débutai par un titre : Le Gardeur de troupeaux.”

Et ce qui suivit fut l'apparition en moi de quelqu'un, à qui j'ai tout de suite donné le nom d'Alberto Caeiro. Excusez l'absurdité de la phrase : mon maître avait surgi en moi.
Lettre à Adolfo Casais Monteiro du [13, janvier, 1935] sur la naissance des hétéronymes

Adopté de Wikiquote. Dernière mise à jour 21 mai 2020. L'histoire

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“Un poète mort n'écrit plus. D'où l'importance de rester vivant.”

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“Chaque jour, le maître se contentait de le saluer et commençait son cours. Puis il demeurait invisible le reste de la journée et restait muet lors du dîner.
Or, ce matin-là, debout près de la rivière argentée, le vieil aveugle lui dit :
— Yuko, tu deviendras un poète accompli lorsque, dans ton écriture, tu intégreras les notions de peinture, de calligraphie, de musique et de danse. Et surtout lorsque tu maîtriseras l’art du funambule.
Yuko se mit à sourire. Le maître n’avait pas oublié.
— Pourquoi l’art du funambule pourrait-il me servir?
Soseki posa sa main sur l’épaule du jeune homme, comme il l’avait déjà fait un mois plus tôt.
— Pourquoi? En vérité, le poète, le vrai poète, possède l’art du funambule. Écrire, c’est avancer mot à mot sur un fil de beauté, le fil d’un poème, d’une œuvre, d’une histoire couchée sur un papier de soie. Écrire, c’est avancer pas à pas, page après page, sur le chemin du livre. Le plus difficile, ce n’est pas de s’élever du sol et de tenir en équilibre, aidé du balancier de sa plume, sur le fil du langage. Ce n’est pas non plus d’aller tout droit, en une ligne continue parfois entrecoupée de vertiges aussi furtifs que la chute d’une virgule, ou que l’obstacle d’un point. Non, le plus difficile, pour le poète, c’est de rester continuellement sur ce fil qu’est l’écriture, de vivre chaque heure de sa vie à hauteur du rêve, de ne jamais redescendre, ne serait-ce qu’un instant, de la corde de son imaginaire. En vérité, le plus difficile, c’est de devenir un funambule du verbe.
Yuko remercia le maître de lui enseigner l’art d’une façon si subtile, si belle.”

Maxence Fermine (1968) écrivain français

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