“L’art accomplit une découverte, une redécouverte proprement inouïe : il place devant nos yeux émerveillés, tel un domaine encore inexploré, de nouveaux phénomènes, oubliés, sinon occultés et niés. Et ce sont justement les phénomènes qui nous ouvrent l’accès à nous-mêmes, à ce qui seul importe en fin de compte. Or l’art ne constitue pas seulement une preuve théorique de cette réalité invisible et essentielle de notre être : il ne nous la donne pas à voir comme un objet, il la met en œuvre, il en est en nous l’exercice, le développement. La certitude qu’il nous procure, nous l’éprouvons comme cela que nous devenons : à la manière dont nous éprouvons un amour. Il s’agit d’une certitude absolue identique à notre vie, au regard de laquelle toutes les autres certitudes, celles de la science notamment, pâlissent et se décomposent. Parce que l’art accomplit la révélation en nous de la réalité invisible, il constitue le salut et dans une société comme la nôtre qui écarte la vie, soit qu’elle se contente de la fuir dans le monde extérieur, soit qu’elle en prononce la négation explicite, il est le seul salut possible.”

—  Michel Henry

Livres sur la culture et la barbarie, Voir l'invisible. Sur Kandinsky, 1988

Adopté de Wikiquote. Dernière mise à jour 22 mai 2020. L'histoire

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“La vision est l'art de voir les choses invisibles.”

Jonathan Swift (1667–1745) écrivain, satiriste, essayiste, pamphlétaire politique anglo-irlandais

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“La culture intellectuelle est l'art astucieux de l'exagération et de la dérobade devant l'essentiel.”

Franz Werfel (1890–1945) écrivain autrichien

L'étoile de ceux qui ne sont pas nés , 1945

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“Un certain groupe de métiers — se caractérisant par l’usage qu’ils font du feu pour transformer ou ennoblir des matières comme le métal ou les minéraux dont on fait du verre et des émaux — sert de base à une tradition spirituelle qui se rattache à Hermès Trismégiste dont le nom égyptien est Thot et que beaucoup de musulmans comptent au nombre des anciens prophètes. L’art hermétiste par excellence, c’est l’alchimie; le plus souvent mal comprise, parce que la transmutation qui est son but et qu’elle traduit en termes artisanaux, se situe en réalité au niveau de l’âme. Que l’alchimie ait été pratiquée par beaucoup d’artisans du feu, ne fait aucun doute; son emblème, le couple de dragons entrelacés — forme médiévale du caducée — orne de nombreux récipients en céramique ou en métal.
Nombre d’artisans ou d’artistes, qu’ils aient reçu ou non une initiation correspondant à leur entrée dans une corporation professionnelle, adhéraient ou adhèrent encore à un Ordre soufi (…) on peut également dire que le soufisme se situe là où l’amour et la connaissance convergent. Or, l’objet ultime et commun de l’amour comme de la connaissance n’est autre que la Beauté divine. On comprendra dès lors comment l’art, dans une civilisation théocentrique comme celle de l’Islam, se rattache à l’ésotérisme, dimension la plus intérieure de la tradition.
Art et contemplation : l’art a pour objet la beauté formelle, alors que l’objet de la contemplation est la beauté au-delà de la forme qui révèle qualitativement l’ordre formel, tout en le dépassant infiniment. Dans la mesure où l’art s’apparente à la contemplation, il est connaissance, la beauté étant un aspect de la Réalité, au sens absolu du terme.
Cela nous ramène au phénomène de scission entre art et artisanat, d’une part, et art et science, d’autre part, phénomène qui a profondément marqué la civilisation européenne moderne : si l’art n’est plus considéré comme une science, c’est-à-dire comme une connaissance, c’est que la beauté, objet de contemplation à divers degrés, n’est plus reconnue comme un aspect du réel. En fait, l’ordre normal des choses a été renversé à un point tel qu’on identifie volontiers la laideur à la réalité, la beauté n’étant plus que l'objet d’un esthétisme aux contours parfaitement subjectifs et changeants.
Les conséquences de cette dichotomie de l’expérience du réel sont des plus graves : car c’est finalement la beauté — subtilement rattachée à l’origine même des choses — qui jugera de la valeur ou de la futilité d’un monde.
Ainsi que le Prophète l’a dit :
« Dieu est beau et II aime la beauté. » p. 296-298”

Titus Burckhardt (1908–1984)

Art Of Islam: Language And Meaning

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