“Dans le hall était assis René Clair, lisant le journal. Il a levé les yeux, ses yeux continuellement sceptiques, cernés, comme on le sait, par la meurtrissure inguérissable et congénitale de cocuage cartésien.” Salvador Dalí (1904–1989) peintre, sculpteur, graveur, scénariste et écrivain catalan Journal d’un génie adolescent, Les moustaches radar, 1956
“Dès les premiers pas, à l'intérieur, il se fige, interdit. L'ambiance fait penser à un hall de gare. Les gens sont assis sur le parquet, le dos contre le mur, certains dorment. D'autres, installés sur les appuis des fenêtres, scrutent le ciel : on a promis un spectacle son et lumière au-dessus de la Neva. Deux adolescents s'embrassent paresseusement. Un touriste en short parle très fort en allemand à sa compagne qui porte la même marque de short (mais trois fois plus large) et opine en mordant dans un gros sandwich. Un groupe d'Asiatiques passe et avec une synchronie très disciplinée filme tous les tableaux de la salle. Un mari explique à sa femme : Le métro rouvre à cinq heures, il vaut mieux passer la nuit ici. Et tels des spectres, surgissent des dames en crinoline et des hussards moustachus, copies des anciens habitués du palais. Mais la foule est trop fatiguée pour leur prêter attention.” Andreï Makine (1957) écrivain français La vie d'un homme inconnu, 2009 lumière , nuit , pensée , femmes
“Mais le Corsaire Sanglot, la chanteuse de music-hall, Louise Lame, les explorateurs polaires et les fous, réunis par inadvertance dans la plaine aride d’un manuscrit, hisseront en vain du haut des mâts blancs les pavillons noirs annonciateurs de peste s’ils n’ont auparavant, fantômes jaillis de la nuit profonde de l’encrier, abandonné les préoccupations chères à celui qui, de cette nuit liquide et parfaite, ne fit jamais autre chose que des taches à ses doigts, taches propres à l’apposition d’empreintes digitales sur les murs ripolinés du rêve et par là capables d’induire en erreur les séraphins ridicules de la déduction logique persuadés que seul un esprit familier des majestueuses ténèbres a pu laisser une trace tangible de sa nature indécise en s’enfuyant à l’approche d’un danger comme le jour ou le réveil, et loin de penser que le travail du comptable et celui du poète laissent finalement les mêmes stigmates sur le papier et que seul l’œil perspicace des aventuriers de la pensée est capable de faire la différence entre les lignes sans mystère du premier et le grimoire prophétique et, peut-être à son insu, divin du second, car les pestes redoutables ne sont que tempêtes de cœurs entrechoqués et il convient de les affronter avec des ambitions individuelles et un esprit dégagé du stupide espoir de transformer en miroir le papier par une écriture magique et efficace.” Robert Desnos (1900–1945) poète français La Liberté ou l'Amour !, 1927 nature , chant , nuit , pensée
“[…] partout, depuis le Vaux-Hall jusqu'à Epsom, c'est-à-dire pendant sept lieues, on vogue à pleines voiles, au milieu d'écueils mouvants, parmi lesquels il faut être non-seulement cocher, mais encore pilote, attendu que vous avez bien plus affaire à des vagues qu'à des rochers; et chaque vague crie, hurle, murmure, glapit, jure, chante, menace, maudit, raille, car elle a depuis quatre jusqu'à vingt tètes.” Alexandre Dumas (1802–1870) écrivain et dramaturge français, père de l'écrivain et dramaturge homonyme Causeries, 1860 affaires , faute , chant
“En mai 1809, le léger Matthews et le méthodique Hobhouse vinrent faire un séjour à l'abbaye. Ce furent quelques jours de plaisante folie. La gravité apparente des lieux, les ombres qui les hantaient donnaient, par contraste, un agrément piquant à la gaieté de ces jeunes gens. A l'entrée, à la droite des marches qui conduisaient dans le hall, était enchaîné un ours; à gauche, un chien-loup. Si on entrait sans crier pour annoncer son arrivée, on n'avait échappé à l'ours et au chien que pour se trouver sous le feu d'une bande de jeunes tireurs, essayant leurs pistolets sous les voûtes. Le matin, on se levait tard, le breakfast restant sur la table jusqu'à ce que tout le monde fût descendu. Puis on lisait, on faisait de l'escrime, on tirait au pistolet, on montait à cheval, on ramait sur le lac, on jouait avec l'ours. Dans le parc, Matthews, sur une des faces de la tombe de « Boatswain, un chien », crayonnait l'épitaphe de « Hobhouse, un porc ». On dînait entre sept et huit heures. Après le dîner, on faisait passer à la ronde un crâne humain rempli de vin. C'était celui de quelque moine, dont le jardinier avait trouvé le squelette en béchant. Byron l'avait fait monter en coupe par un orfèvre de Nottingham, qui l'avait renvoyé bien poli et couleur écaille de tortue. Il avait composé des vers sur cette coupe.” André Maurois (1885–1967) romancier essayiste et historien de la littérature français Don Juan ou la vie de Byron, 1952 loup , vin , chienne , cri
“Il y a désir et désir. Vers le tablao andalou monte un désir qui est l'honneur de la création. Vers la scène du music-hall parisien, monte un désir qui est de la saloperie.” Henry de Montherlant (1895–1972) romancier, essayiste, auteur dramatique et académicien français
“Au loin, dans le hall des pas perdus, les gens se croisaient, filaient, s’arrêtaient, levaient la tête vers les panneaux afficheurs, se remettaient en mouvement vers le quai n° 5 ou n° 8, tiraient leur valise, un chien ou un enfant fatigué, trop tôt sorti du lit, tous, lèvres closes, donnant l’illusion, pris sous cette cloche de verre et de ferraille, d’appartenir à une masse bruyante comme si l’idée même de quantité s’associait à celle de halètement venu d’une peine incommensurable.” Nadine Ribault (1964) écrivaine française Nouvelles, Cœur anxieux, 2004 chiens , chienne , idée , enfants