“Ça fait mal de respirer quand il fait aussi froid, mais malgré tous les problèmes d'être coincés par l'hiver dans la ville, ils le supportent parce que tout vaut d'être sur l'Avenue Lenox à l'abri des sales Blancs et des trucs qu'ils inventent; là où les trottoirs, couverts de neige ou non, sont plus larges que les grandes rues des villes où ils sont nés et où des gens parfaitement ordinaires peuvent attendre à l'arrêt, monter dans le tramway, donner une pièce au conducteur et aller partout où ils veulent, même si on n'a pas envie d'aller si loin parce que tout ce qu'on veut est sur place : l'église, la boutique, la fête, les femmes, les hommes, la boîte à lettres (mais pas de lycée), le marchand de meubles, le vendeur de journaux ambulant, les bistrots clandestins (mais pas de banque), les instituts de beauté, les coiffeurs, les bars à juke-box, les voitures à glace, les chiffonniers, les salles de billard, les marchés couverts, les vendeurs de la loterie, et tous les clubs, organisations, syndicats, sociétés, fraternités, sororités ou associations imaginables. Les ornières de ces services, bien sûr, sont usées et des pistes sont lissées par les membres d'un groupe dans le territoire d'un autre où on croit qu'il y a quelque chose de curieux ou d'excitant. Un truc brillant, crépitant, effrayant. Là où on peut faire sauter le bouchon et porter la bouche glacée du verre à la sienne. Où on peut trouver le danger ou le devenir; où on peut se battre jusqu'à tomber et sourire au couteau quand il vous rate ou non. Juste voir ça, c'est merveilleux. Et c'est tour aussi merveilleux de savoir que dans son propre immeuble il y a des listes faites par les épouses pour envoyer le mari au marché couvert, que des draps impossibles à étendre sous la neige sont tendus dans les cuisines comme les rideaux dans un sketch de patronage sur l'Abyssinie.” Toni Morrison livre Jazz Jazz, 1992 femmes , hommes , sourire , beauté
“Donc les Algéropètes ramassèrent leur barda, empilèrent leur fourbi, retapèrent leurs frusques, recousèrent leurs chaussettes, cirèrent leurs godillots, graissèrent leurs fusils, touchèrent leurs rations de bouillon Kub, de café en poudre, de sel de quinine, de poudre vermifuge, achetèrent des boutons, du fil, du dentifrice, les œuvres de Camus (Albert), des stylos à bille, de l'ambre solaire, des boxers-shorts, des babouches.” Georges Perec livre Quel petit vélo à guidon chromé au fond de la cour ? Quel petit vélo à guidon chromé au fond de la cour ? (1966) café
“Laissez-moi vous emmener aux assises. Regardez comment, aujourd’hui, dans notre pays qui se veut celui des Droits de l’homme, on juge un homme pour un crime de sang. Observez le président quand il pose ses questions, devinez qui l’agace le plus : l’accusé, l’avocat qui le défend, ou l’avocat général qui l’accuse? Prêtez attention aux arguments de ce dernier, chargé de prouver la culpabilité de l’homme du box : Est-il convaincant? Fait-il des efforts pour l’être?” Éric Dupond-Moretti livre Bête noire Bête noire, 2012 effort , pays , hommes , Question
“Le fait que des centaines de millions de soi-disant adultes se rendent au cinéma tous les six mois pour aller voir Batman m’inquiète beaucoup. On dit de moi que je suis rancunier, que je déteste les super-héros, mais ça n’a rien à voir. On parle de gens de 30, 50 ou 70 ans qui se délectent des aventures de personnages créés pour distraire des adolescents de 12 ans il y a cinquante ans. On me dit que les comics sont pour les adultes désormais, qu’il n’y a pas de mal à s’amuser. Je remarque pourtant que l’année où Donald Trump a été élu et une majorité du peuple britannique a voté pour le Brexit, les six premiers films au box-office mondial étaient des films de super-héros.” Alan Moore (1953) scénariste de bandes dessinées Sur les super-héros adulte