“Le Te Deum de Bruckner est une remarquable alternance entre plainte humaine en demande de miséricorde et peinture sonore de la gloire de Dieu en acte. […] La musique vise céans pour le compositeur à devenir l’analogique être-là de la Seigneurie d’Eternité.” Maxence Caron (1976) auteur français Pages - Le Sens, la musique et les mots peinture , Dieu , musique
“On n'aimait pas tellement à San Donato ces nuits qui n'étaient pas de vraies nuits : d'abord parce que l'alternance bien tranchée du jour et de la nuit, du travail et du sommeil, constituait une des rares certitudes sur lesquelles on pouvait compter, sauf justement quand la lune, entrant dans les maisons à travers les fentes des portes, empêchait de dormir; ensuite parce qu'il fallait toujours craindre qu'une couleuvre ne réussît à se faufiler dans l'étable. Elle se pendait aux mamelles de la chèvre pour lui pomper, outre le lait, jusqu'à la dernière goutte de sang.” Dominique Fernandez livre Porporino ou les Mystères de Naples Porporino ou les Mystères de Naples, 1974 sommeil , nuit , maison
“Lorsqu’une opposition n’a plus comme offensive que des réactions de vierge effarouchée par la crudité de certains propos, cela révèle l’impossible alternance, un deuil incomplet de la claque électorale dont les effets secondaires perdurent.” Loïc Decrauze (1969) Entre grogne et affection, 2003
“Comme chacun peut le constater, là où les sociétés totalitaires s'en tenaient au principe simpliste, et coûteux en vies humaines, du parti unique, le capitalisme contemporain lui a substitué, avec infiniment plus d'élégance (et d'efficacité), celui de lalternance unique.” Jean-Claude Michéa (1950) philosophe français L'Empire du moindre mal, 2007 vie
“[…] dans le silence favorable, s’éleva un prélude de violons. Les violes et les violoncelles unirent à cette plainte suppliante un plus profond soupir. N’était-ce pas, après la flûte et le crotale, après les instruments orgiaques dont les sons troublent la raison et provoquent le délire, n’était-ce pas l’auguste lyre dorienne, grave et suave, harmonieux support du chant? Ainsi du bruyant Dithyrambe était né le Drame. La grande métamorphose du rite dionysiaque, la frénésie de la fête sacrée devenant la créatrice inspiration du poète tragique, était figurée dans cette alternance musicale. L’ardent souffle du dieu thrace avait donné la vie à une forme sublime de l’Art. La couronne et le trépied, prix décernés à la victoire du poète, avaient remplacé le bouc lascif et la corbeille de figues attiques. Eschyle, gardien d’une vigne, avait été visité par le dieu, qui lui avait infusé son esprit de flamme.” Gabriele d'Annunzio livre Le Feu Romans, Le Feu, 1900 silence , chant , victoire , vie
“On rencontre quelqu’un, en personne ou par écrit. La première étape consiste à constater l’existence de l’autre : il peut arriver que ce soit un moment d’émerveillement. À cet instant, on est Robinson et Vendredi sur la plage de l’île, on se contemple, stupéfait, ravi qu’il y ait dans cet univers un autre aussi autre et aussi proche à la fois. On existe d’autant plus fort que l’autre le constate et on éprouve un déferlement d’enthousiasme pour cet individu providentiel qui vous donne la réplique. On attribue à ce dernier un nom fabuleux : ami, amour, camarade, hôte, collègue, selon. C’est une idylle. L’alternance entre l’identité et l’altérité (« C’est tout comme moi ! C’est le contraire de moi ! ») plonge dans l’hébétude, le ravissement d’enfant. On est tellement enivré qu’on ne voit pas venir le danger. Et soudain, l’autre est là, devant la porte. Dessaoulé d’un coup, on ne sait comment lui dire qu’on ne l’y a pas invité. Ce n’est pas qu’on ne l’aime plus, c’est qu’on aime qu’il soit un autre, c’est-à-dire quelqu’un qui n’est pas soi. Or l’autre se rapproche comme s’il voulait vous assimiler ou s’assimiler à vous. On sait qu’il va falloir mettre les points sur les i. Il y a diverses manières de procéder, explicites ou implicites. Dans tous les cas, c’est un passage épineux. Plus des deux tiers des relations le ratent. S’installent alors l’inimitié, le malentendu, le silence, parfois la haine. Une mauvaise foi préside à ces échecs qui allègue que si l’amitié avait été sincère, le problème ne se serait pas posé. Ce n’est pas vrai. Il est inévitable que cette crise surgisse. Même si on adore l’autre pour de bon, on n’est pas prêt à l’avoir chez soi.” Amélie Nothomb (1967) écrivaine belge, d'expression française Une Forme de Vie
“Dans ses versions les plus stylisées, l’arabesque à forme végétale n’a plus qu’une lointaine ressemblance avec une plante. En revanche, elle transcrit parfaitement, en termes visuels, les lois du rythme : son déroulement est continu comme celui d’une vague, avec des phases contrastantes aux multiples résonances. Le dessin n’est pas nécessairement symétrique mais, pour compenser, il comporte toujours des alternances dont le caractère rythmique est accentué par le fait que les pleins et les vides sont esthétiquement équivalents.A proprement parler, le rythme n’appartient pas à l’espace mais au temps dont il est la mesure non pas quantitative mais qualitative. C’est par l’intermédiaire du mouvement que le rythme est rétabli dans la dimension de l’espace.” Titus Burckhardt (1908–1984) Art Of Islam: Language And Meaning
“Dans le signe qui figure la Droite (main + bouche), les étymologistes savent lire un précepte : la main droite sert à manger. La Droite convient donc aux choses de la Terre. L’élément « main » se retrouve dans le signe adopté pour la Gauche, joint, cette fois, à un autre élément graphique qui figure l’équerre. L’équerre est le symbole de tous les arts, et surtout des arts religieux et magiques. C’est l’insigne de Fou -hi, premier souverain, premier devin. Fou-hi est le mari ou le frère de Niu-koua, dont le compas est l’insigne. Ce couple primordial a inventé le mariage; aussi pour dire « bonnes mœurs », dit-on « compas et équerre ». Les graveurs représentent Fou-hi et Niu-koua se tenant enlacés par le bas du corps. A Niu-koua, qui occupe la droite, ils font tenir le compas de la main droite. Fou-hi, à gauche, tient, de la main gauche, l’équerre. L’ équerre, qui produit le Carré, emblème de la Terre, ne peut être l’insigne du Mâle qu’après un échange hiérogamique d’attributs; mais, le Carré (comme l’enseigne le Tcheou pei) produisant le Rond (qu’il contient), l’équerre mérite tout de suite d’être l’emblème du sorcier qui est yin-yang, et surtout de Fou-hi, savant dans les choses du Ciel comme dans celles de la Terre. Fou-hi peut donc porter l’équerre de la main gauche, et la main gauche (avec l’équerre) évoquer l’Œuvre Royale, l’hiérogamie première, l’activité magico-religieuse. Les Chinois n’opposent pas fortement la religion à la magie, pas plus que le pur à l’impur. Le sacré et le profane ne forment pas eux-mêmes deux genres tranchés. La Droite peut être consacrée aux œuvres profanes et aux activités terrestres sans devenir l’antagoniste de la Gauche. La pensée chinoise s’intéresse non aux contraires, mais aux contrastes, aux alternances, aux corrélatifs, aux échanges hiérogamiques d’attributs.” Marcel Granet (1884–1940) sinologue français La pensée chinoise