“Qu'est-ce qui s'était passé pour qu'un peuple devînt un agrégat d'individus persuadés de n'avoir rien à partager les uns avec les autres? Le shopping, peut-être? Les marchands avaient réussi leur coup. Pour beaucoup d'entre nous, acheter des choses était devenu une activité principale, un horizon, une destinée. La paix, la prospérité, la domestication nous avaient donné l'occasion de nous replier sur nous-même. Nous cultivions nos jardins. Cela valait sans doute mieux que d'engraisser les champs de bataille.” Sylvain Tesson livre Berezina Berezina, 2015 paix
“Je comprends, à mon modeste niveau de Vincennes, le lien de complicité tacite qui unit entre eux ceux que l'on appela en Mai « les Mandarins de la culture ». Je comprends que chacun a son propre groupe, derrière lequel il se retranche. Chacun s'abrite derrière un professeur important, et ils forment ensemble autant d'agrégats moléculaires-protecteurs, appelés aussi, chez nous en Italie, « maffia universitaire ». Au fond, je suis en marge de tout cela, en dehors, étrangère et femme, privée aussi de la « protection » d'un « baron universitaire » qui a son code de règles non écrites et que j'ai ignorées. Non seulement par ignorance, mais par désir de netteté, comme en politique. […] Mais non, dis-je, ici, à Paris, de Vincennes aux grandes écoles, ne sont-ils pas ce qu'il y a de plus raffiné sur le plan culturel? Puis je me rappelle Gramsci : « … Toute époque dite de décadence où le vieux monde se désagrège, est caractérisée par une pensée raffinée et hautement spéculative » (M. S., p.43). De fait, je sais, de près, que le monde culturel français se désagrège lentement, se défait; des siècles de culture qui se noient dans l'abstraction, dans l'impuissance; spectacle grandiose et terrible.” Maria-Antonietta Macciocchi (1922–2007) femme politique Pour Gramsci pensée , femmes , monde , école
“J'ai appris des autochtones américains que nous prouvons seulement notre appartenance à l'endroit où nous vivons sur terre en utilisant notre maison avec soin, sans la détruire. J'ai appris qu'on ne peut pas se sentir chez soi dans son corps, qui est la maison la plus authentique de chacun, quand on souhaite être ailleurs, et qu'il faut trouver par soi-même le lieu où l'on est déjà dans le monde naturel environnant. J'ai appris que dans mon travail de poète et de romancier il n'existe pas pour moi de chemin tracé à l'avance, et que j'écris le mieux en puisant dans mon expérience d'adolescent imitant les autochtones et partant vers une contrée où il n'y a pas de chemin. J'ai appris que je ne peux pas croire vraiment à une religion en niant la science pure ou les conclusions de mes propres observations du monde naturel. J'ai appris que regarder un pluvier des hautes terres ou une grue des ables est plus intéresant que de lire la meilleure critique à laquelle j'ai jamais eu droit. J'ai appris que je peux seulement conserver mon sens du caractère sacré de l'existence en reconnaissant mes propres limites et en renonçant à toute vanité. J'ai appris qu'on ne peut pas comprendre une autre culture tant qu'on tient à défendre la sienne coûte que coûte. Comme disaient les Sioux, "courage, seule la Terre est éternelle". Peu parmi les cent millions d'autres espèces sont douées de parole, si bien que nous devons parler et agir pour les défendre. Que nous ayons trahi nos autochtones devrait nous pousser de l'avant, tant pour eux que pour la terre que nous partageons. Si nous ne parvenons pas à comprendre que la réalité de la vie est un agrégat des perceptions et de la nature de toutes les espèces, nous sommes condamnés, ainsi que la terre que déjà nous assassinons.” Jim Harrison (1937–2016) écrivain américain Off to the Side: A Memoir
“Wikipédia est le plus bel exemple des effets pervers d’internet. On a donné la culture aux imbéciles. Si dans le domaine scientifique, les notices sont rédigées par des experts, dans le domaine de la littérature et en histoire, c’est un agrégat d’informations nivelées par le plus grand nombre. Il n’y a plus de hiérarchisation du savoir. On est à l’époque du relativisme culturel. Tout se vaut. Ainsi la page de Kim Kardashian sera bientôt plus longue que celle de Montaigne et le grand poète grec Homère a déjà moins d’articles que Homer Simpson.” Dimitri Casali (1960) écrivain français, auteur d'ouvrages de vulgarisation historique Entretiens grand-mère , histoire , littérature