“Le bouddhisme est cent fois plus réaliste que le christianisme — il a dans le sang l'habitude acquise de poser les problèmes froidement et objectivement, il vient après un mouvement philosophique qui a duré des centaines d'années — la notion de « Dieu » est déjà abolie quand il survient. Le bouddhisme est la seule religion positiviste que nous montre l'Histoire, et même dans sa théorie de la connaissance (un strict phénoménisme) — il ne dit plus « guerre au péché », mais rendant à la réalité ce qui lui est dû : « guerre à la souffrance ». Il a déjà laissé derrière lui — et c'est ce qui le différencie radicalement du christianisme — l'automystification des conceptions morales; il se trouve, pour employer mon langage, outre bien et mal.” Friedrich Nietzsche L’Antéchrist L’Antéchrist, 1888
“Un pas de plus dans la psychologie de la conviction, de la « foi ». Il y a longtemps déjà que j’ai fait remarquer que les convictions sont peut-être des ennemis plus dangereux de la vérité que les mensonges (Humain, trop humain; I, Aph. 483).” Friedrich Nietzsche L’Antéchrist L’Antéchrist, 1888
“Les Juifs sont le peuple le plus étonnant de l'Histoire universelle, parce que, placés devant la question de l'être et du non-être, ils ont, en pleine conscience et avec une résolution qui fait peur, préféré l'être à tout prix; ce prix ce fut la falsification radicale de toute nature, de tout naturel, de toute réalité, tant dans le monde intérieur que dans le monde extérieur.” Friedrich Nietzsche L’Antéchrist L’Antéchrist, 1888
“Considéré du point de vue de la psychologie, le peuple juif est d'une force vitale prodigieusement résistante, qui, placé dans des conditions impossibles, volontairement et par une profonde habilité à survivre, prend le parti des instincts de décadence — non parce qu'il est dominé par ces instincts, mais parce qu'il a deviné en eux une puissance grâce à laquelle on peut s'imposer contre « le monde ».” Friedrich Nietzsche L’Antéchrist L’Antéchrist, 1888
“Tenir pour sincère un Paul de Tarse, dont la patrie était le centre du rationalisme stoïcien, lorsqu'il arrange une hallucination en preuve de la « survie » du Rédempteur ou simplement lui prêter la foi qu'il raconte qu'il a eu cette hallucination, voilà qui serait pure niaiserie de la part d'un psychologue : Paul voulait la fin, par conséquent il voulait aussi les moyens… Ce que lui-même ne croyait pas, les imbéciles parmi lesquels il répandait sa doctrine le crurent. — Son besoin à lui, c'était le pouvoir : en Paul, c'était encore le prêtre qui aspirait au pouvoir, — tout ce qu'il lui fallait, c'étaient des idées, des enseignements, des symboles, grâce auxquels il pût tyranniser les masses, former des troupeaux. Quel est le seul emprunt que, plus tard, Mahomet fit au christianisme? L'invention de Paul, son moyen d'asseoir la tyrannie des prêtres, de former des troupeaux : la croyance en l'immortalité — c'est-à-dire la doctrine du « jugement »…” Friedrich Nietzsche L’Antéchrist L’Antéchrist, 1888
“Le bouddhisme est une religion pour hommes tardifs, pour des races débonnaires, douces, devenues hypercérébrales, qui ressentent trop aisément la souffrance (l'Europe est encore loin d'être mûre pour cela) : il les ramène à la paix et à la sérénité, à la diète dans l'ordre physique. Le christianisme entend venir à bout des fauves : sa méthode consiste à les rendre malades — l'affaiblissement est la recette chrétienne de l' apprivoisement, de la « civilisation ». Le bouddhisme est une religion faite pour l'aboutissement, la lassitude de la civilisation; le christianisme ne la trouve même pas à sa naissance : au besoin, il la crée.” Friedrich Nietzsche L’Antéchrist L’Antéchrist, 1888
“Un mot, encore, contre Kant moraliste. Il faut qu'une vertu soit notre propre invention, notre recours, notre besoin le plus personnel : en tout autre sens, elle n'est qu'un danger. Ce qui n'est pas une condition de notre vie ne peut que lui nuire. Une vertu est nuisible que si elle ne naît que d'un sentiment de respect pour le mot «vertu», le «devoir», le «bien en soi», le bien doté du caractère de l'impersonnalité et de l'universalité — ce ne sont là qu'élucubrations qui expriment le déclin, le dernier degré d'affaiblissement de la vie, la chinoiserie koenigsberienne. C'est le contraire que commandent les lois les plus profondes de la conservation et du développement : que chacun invente sa propre vertu, son impératif catégorique bien à lui. Un peuple est perdu lorsqu'il confond son devoir avec l'idée du devoir en général.” Friedrich Nietzsche L’Antéchrist L’Antéchrist, 1888
“Le bouddhisme suppose un climat très doux, des mœurs d'une grande aménité et d'une grande tolérance, pas trace de militarisme; et aussi que le foyer du mouvement se trouve dans les classes supérieures et mêmes savantes. On s'assigne comme but suprême la sérénité, la paix, l'extinction de tout désir et l'on atteint ce but. Le bouddhisme n'est pas une religion dans laquelle on aspire seulement à la perfection; le parfait y est le cas normal.” Friedrich Nietzsche L’Antéchrist L’Antéchrist, 1888
“Le christianisme nous a frustrés de la moisson de la culture antique, et, plus tard, il nous a encore frustrés de celle de la culture islamique. La merveilleuse civilisation maure d’Espagne, au fond plus proche de nous, parlant plus à nos sens et à notre goût que Rome et la Grèce, a été foulée aux pieds (et je préfère ne pas penser par quels pieds!) — Pourquoi? Parce qu’elle devait le jour à des instincts aristocratiques, à des instincts virils, parce qu’elle disait oui à la vie, avec en plus, les exquis raffinements de la vie maure!… Les croisés combattirent plus tard quelque chose devant quoi ils auraient mieux fait de se prosterner dans la poussière — une civilisation en comparaison de laquelle même notre XIX siècle semblerait pauvre et retardataire! Sans doute, ils révaient de butin : l'Orient était riche!… Voyons donc les choses comme elles sont! Les croisades? Une piraterie de grande envergure, et rien de plus! […] L'Église a mené sa guerre à outrance contre tout ce que la Terre portait comme d'aristocratique! […] La noblesse allemande est à peu près entièrement absente de l’histoire de la culture supérieure : on en devine la cause… Le christianisme, l’alcool - les deux grands moyens de corruption… En soi, on ne devrait même pas avoir à choisir entre l’islam et le christianisme, pas plus qu’entre un Arabe et un Juif. La réponse est donnée d’avance: ici, nul ne peut choisir librement. Soit on est un tchandala, soit on ne l’est pas. « Guerre à outrance avec Rome! Paix et amitié avec l’Islam. » C’est ce qu’a senti, c’est ce qu’a fait ce grand esprit fort, le seul génie parmi les empereurs allemands, Frédéric II.” Friedrich Nietzsche L’Antéchrist L’Antéchrist, 1888