“Habillée en violet, une fillette de douze ans (il ne se trompait jamais) marchait d'un pas rapide et décidé sur des patins à roulettes qui ne roulaient pas mais écrasaient le gravier quand elle les soulevait et les laissait retomber en faisant de petits pas japonais; elle se rapprochait de son banc dans le hasard changeant des rayons de soleil. Par la suite (aussi longtemps que dura cette suite), il lui sembla qu'immédiatement, à cet instant précis, il l'avait jaugée de la tête aux pieds : la vitalité de ses boucles rousses (égalisées récemment), le rayonnement de ses grands yeux un peu vides qui faisaient vaguement penser à des groseilles translucides; son teint chaud et enjoué; sa bouche rose, légèrement ouverte, si bien que deux grandes dents de devant reposaient à peine sur la protubérance de la lèvre inférieure; la teinte estivale de ses bras nus avec son duvet soyeux de renarde courant sur les avant-bras; la douceur vague de sa poitrine encore étroite mais déjà plus vraiment plate; les petits plissements et les tendres cavités de sa jupe courte, la finesse et l'ardeur de ses jambes insouciantes; les lanières brutes des patins à roulettes.”

L'Enchanteur, 1939

Adopté de Wikiquote. Dernière mise à jour 21 mai 2020. L'histoire

Citations similaires

Robert Desnos photo
Marcel Proust photo
Muriel Barbery photo
André Breton photo
Colette photo
Georges Bataille photo

Avec