“La primauté de l’intention divine — donc du message — dans l’ordre des apparences, implique une conséquence fort paradoxale, mais néanmoins pertinente, à savoir l’existence d’une « double réalité » qui fait penser à la « double vérité » des scolastiques. C’est-à-dire qu'il faut distinguer, dans certains cas, entre une « réalité de fait » et une « réalité d’apparence » : que la terre soit ronde et qu’elle tourne autour du soleil, c’est un fait, mais qu’elle soit plate et que le soleil voyage d'un horizon à l’autre, n’en est pas moins, dans l’intention divine, une réalité pour nous; sans quoi l’expérience de l’homme — créature centrale et partant « omnisciente » — ne se bornerait pas, a priori et « naturellement », à ces constatations physiquement illusoires mais symboliquement pleines de sens. Encore que l’illusion physique soit relative, à un certain point de vue, car la terre, pour l’homme, est incontestablement faite de régions plates dont seulement la somme — imperceptible aux créatures terrestres — constitue une sphère; si bien qu’on devrait dire que la terre est plate et ronde à la fois. Quant au symbolisme traditionnel, il implique une portée morale, ce qui nous permet de conclure que l’homme n’a droit, en principe et a priori, qu’à une connaissance qu’il supporte, c’est-à-dire qu’il est capable d’assimiler; donc d’intégrer dans la connaissance totale et spirituelle qu’il est censé posséder en sa qualité d’homo sapiens (19)".

19. Incontestablement, la science moderne regorge de connaissances, mais la preuve est faite que l’homme ne les supporte pas, ni intellectuellement ni moralement. Ce n’est pas pour rien que les Écritures sacrées sont volontiers aussi naïves que possible, ce qui excite sans doute la moquerie des sceptiques mais n’empêche ni les simples ni les sages de dormir tranquilles.”

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Dernière mise à jour 2 juillet 2022. L'histoire
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métaphysicien, théologien et philosophe suisse 1907–1998

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“L’apparence est le tout du réel et du vrai – ce pourquoi il n’y a ni Réalité absolue, ni Vérité éternelle, ni Totalité sensée ou structurée. Pyrrhon”

André Comte-Sponville (1952) philosophe français

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“Car la [raison] principale sur laquelle on s'appuie pour démontrer que le monde est fini, est le mouvement? Et n'admettrions-nous pas que la réalité de cette révolution quotidienne appartient à la terre, et son apparence seulement au ciel!”
Nam potissimum, quo astruere nituntur mundum esse finitum, est motus. Sive igitur finitus sit mundus, sive infinitus, disputationi physiologorum dimittamus, hoc certum habentes, quod terra verticibus conclusa superficie globosa terminatur. Cur ergo haesitamus adhuc, mobilitatem illi formae suae a natura congruentem concedere, magis quam quod totus labatur mundus, cuius finis ignoratur scirique nequit; neque fateamur ipsius quotidianae revolutionis in caelo apparentiam esse, et in terra veritatem?

De revolutionibus orbium coelestium (1543)

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