“Face au questionnement sur l'existence de Dieu, se présentent trois types d'individus honnêtes, le croyant qui dit: «Je ne sais pas mais je crois que oui», l'athée qui dit: «Je ne sais pas mais je crois que non», l'indifférent qui dit : «Je ne sais pas et je m'en moque.»L'escroquerie commence chez celui qui clame: «Je sais!» Qu'il affirme : «Je sais que Dieu existe» ou «Je sais que Dieu n'existe pas», il outrepasse les pouvoirs de la raison, il vire à l'intégrisme…En notre siècle où, comme jadis, on tue au nom de Dieu, il importe de ne pas amalgamer les croyants et les imposteurs : les amis de Dieu restent ceux qui le cherchent, pas ceux qui parlent à Sa place en prétendant L'avoir trouvé.” Éric-Emmanuel Schmitt livre La Nuit de feu La Nuit de feu
“Une bordille de dégueulasserie de nuit toute gangassée, et que tu vires et que tu tournes, que tu t'endors et tu t'aréveilles, que tu te lèves et tu te couches. Et pas à cause d'une bâffrée de poulpes au sel ou de sardines à la becfigue qu'il se serait faite le soir d'avant […]” Andrea Camilleri (1925–2019) écrivain italien Début du roman. Le Tour de la bouée, 2003 nuit
“L’économie n’avait jamais fabriqué autant de milliardaires. Des gamins de vingt-cinq balais touchaient le jour de l’introduction en Bourse de leur start-up l’équivalent de mille ans du salaire d’un postier. Ils célébraient leur triomphe en s’achetant des îles privées et des équipes de sport. Trop jeunes pour comprendre l’intérêt de la philanthropie, trop certains de leur génie pour admettre qu’ils avaient gagné à la loterie du capitalisme, ils menaient une existence vide de sens, à la mesure de la crétinerie souvent abyssale de leurs produits. Grâce à des montages juridiques obscènes mais légaux, ils payaient moins d’impôts qu’une femme de ménage et réinvestissaient les économies réalisées dans la construction de palaces flottants immatriculés dans des paradis fiscaux. Ils s’offraient des virées dans l’espace comme d’autres un week-end à Vegas, flambaient dans les casinos au bras de starlettes écervelées et présentaient leur application de livraison de sushis comme le remède à tous les maux de la planète.” Antoine Bello livre Ada Ada, 2016 sport , femmes , Sens
“Choutov rit d'abord en brefs pouffements, puis se rappelant que le vieillard est sans doute aussi sourd que muet, ne se retient plus, la poitrine secouée par un accès d'hilarité. La belle élégie des retrouvailles vire au burlesque. Venu en pèlerin nostalgique, le voilà au milieu d'une modernité en délire, mélange de tentations américaines et de guignols russes. Il a cherché à comprendre ce nouveau pays et on le rejette parmi les vieilleries soviétiques, à côté d'un sourd-muet grabataire dont il va vider le pot de chambre.” Andreï Makine (1957) écrivain français La vie d'un homme inconnu, 2009 pays , vieillesse , Nostalgie
“Le gaz, c'est le vide. C'est la hauteur à laquelle tu te situes sur une paroi et qui fait qu'en bas y'a du gaz, bah y'a du vide. Voilà. Et c'est beaucoup plus difficile parce qu'au niveau concentration, tu n'as plus du tout la notion des équilibres, et plus la même notion d'engagement. Surtout quand tu es en solo dans une paroi qui est très haute, tu sais très bien que tu n'as pas de point de repos, de vire à proximité. Et sur le plan moral c'est beaucoup plus dur de te concentrer en sachant que tu es complètement engagé.” Patrick Edlinger (1960–2012) grimpeur français , 1983