Citations sur ordinaire
Page 2

Philippe Besson photo
Daniel Pennac photo

“Ce sont des gosses en échec scolaire, m'explique-t-il, la mère est seule le plus souvent, certains ont déjà eu des ennuis avec la police, ils ne veulent pas entendre parler des adultes, ils se retrouvent dans des classes relais, quelque chose comme tes classes aménagées des années soixante-dix, je suppose. Je prends les caïds, les petits chefs de quinze ou seize ans, je les isole provisoirement du groupe, parce que c'est le groupe qui les tue, toujours, il les empêche des e constituer, je leur colle une caméra dans les mains et je leur confie un de leurs potes à interviewer, un gars qu'ils choisissent eux-mêmes. Ils font l'interview seuls dans un coin, loin des regards, ils reviennent, et nous visionnons le film tous ensemble, avec le groupe, cette fois. Ça ne rate jamais : l'interviewé joue la comédie habituelle devant l'objectif, et celui qui filme entre dans son jeu. Ils font les mariolles, ils en rajoutent sur leur accent, ils roulent des mécaniques dans leur vocabulaire de quatre sous en gueulant le plus fort possible, comme moi quand j'étais môme, ils en font des caisses, comme s'ils s'adressaient au groupe, comme si le seul spectateur possible, c'était le groupe, et pendant la projection leurs copains se marrent. Je projette le film une deuxième, une troisième, une quatrième fois. Les rires s'espacent, deviennent moins assurés. L'intervieweur et l'interviewé sentent monter quelque chose de bizarre, qu'ils n'arrivent pas à identifier. À la cinquième ou à la sixième projection, une vraie gêne s'installe entre leur public et eux. À la septième ou à la huitième (je t'assure, il m'est arrivé de projeter neuf fois le même film!), ils ont tous compris, sans que je le leur explique, que ce qui remonte à la surface de ce film, c'est la frime, le ridicule, le faux, leur comédie ordinaire, leurs mimiques de groupe, toutes leurs échappatoires habituelles, et que ça n'a pas d'intérêt, zéro, aucune réalité. Quand ils ont atteint ce stade de lucidité, j'arrête les projections et je les renvoie avec la caméra refaire l'interview, sans explication supplémentaire. Cette fois on obtient quelque chose de plus sérieux, qui a un rapport avec leur vie réelle; ils se présentent, ils disent leur nom, leur prénom, ils parlent de leur famille, de leur situation scolaire, il y ades silences, ils cherchent leurs mots, on les voit réfléchir, celui qui répond autant que celui qui questionne, et, petit à petit, on voit apparaître l'adolescence chez ces adolescents, ils cessent d'être des jeunes quis 'amusent à faire peur, ils redeviennent des garçons et des filles ed leur âge, quinze ans, seize ans, leur adolescence traverse leur apparence, elle s'impose, leurs vêtements, leurs casquettes redeviennent des accessoires, leur gestuelle s'atténue, instinctivement celui qui filme resserre le cadre, il zoome, c'est leur visage qui compte maintenant, on dirait que l'interviewer écoute le visage de l'autre, et sur ce visage, ce qui apparaît, c'est l'effort de comprendre, comme s'ils s'envisageaient pour la première fois tels qu'ils sont : lis font connaissance avec la complexité. (p. 236-237)”

Chagrin d'école

Emily Dickinson photo
Alexandre Dumas photo
Pierre-Augustin Caron de Beaumarchais photo
Voltaire photo

“Rien n’est si ordinaire que d’imiter ses ennemis, et d’employer leurs armes.”

Voltaire (1694–1778) écrivain et philosophe français

Questions sur l'Encyclopédie (1770–1774)

François de La Rochefoucauld photo
Honoré de Balzac photo

“Le propre d’un grand homme est de dérouter les calculs ordinaires. Il est sublime et attendrissant, naïf et gigantesque.”

Honoré de Balzac (1799–1850) romancier, critique littéraire, essayiste, journaliste et écrivain français

Letters of Two Brides (1841-1842)

François de La Rochefoucauld photo
Fénelon photo
Fénelon photo
François de La Rochefoucauld photo
François de La Rochefoucauld photo

“On ne loue d'ordinaire que pour être loué.”

Reflections; or Sentences and Moral Maxims (1665–1678)

Michel de Montaigne photo
François de La Rochefoucauld photo
Yasmina Khadra photo

“J’ai connu quelqu’un, il y a longtemps. C’était un garçon ordinaire, sauf qu’il m’a tapé dans l’œil dès que je l’ai vu. Il était gentil, et tendre. J’ignore comment il a fait, mais au bout d’un flirt il a réussi à être le centre de l’univers pour moi. J’avais le coup de foudre toutes les fois qu’il me souriait, si bien que lorsqu’il me faisait la gueule quelquefois il me fallait allumer toutes les lampes en plein jour pour voir clair autour de moi. Je l’ai aimé comme c’est rarement possible.”

Yasmina Khadra (1955) écrivain algérien

Par moments, au comble du bonheur, je me posais cette question terrible : et s’il me quittait ? Tout de suite, je voyais mon âme se séparer de mon corps. Sans lui, j’étais finie. Pourtant, un soir, sans préavis, il a jeté ses affaires dans une valise et il est sorti de ma vie. Des années durant, j’ai eu l’impression d’être une enveloppe oubliée après une mue. Une enveloppe transparente suspendue dans le vide. Puis, d’autres années ont passé, et je me suis aperçue que j’étais encore là, que mon âme ne m’a jamais faussé compagnie, et d’un coup, j’ai recouvré mes esprits... [...] Ce que je veux dire est simple, Amine. On a beau s’attendre au pire, il nous surprendra toujours. Et si, par malheur, il nous arrive d’atteindre le fond, il dépendra de nous, et de nous seuls, d’y rester ou de remonter à la surface. Entre le chaud et le froid, il n’y a qu’un pas. Il s’agit de savoir où mettre les pieds. C’est très facile de déraper. Une précipitation, et on pique du nez dans le fossé. Mais est-ce la fin du monde ? Je ne le pense pas. Pour reprendre le dessus, il suffit juste de se faire une raison.
L’Attentat, 2005

Bertolt Brecht photo
Alfred de Musset photo

“Oui, j’écris rarement, et me plais de le faire.
Non pas que la paresse en moi soit ordinaire,
Mais, sitôt que je prends la plume à ce dessein,
Je crois prendre en galère une rame à la main.”

Alfred de Musset (1810–1857) écrivain romantique français

Article Sur la paresse, Alfred de Musset, Revue des Deux Mondes, 4ème série, tome 29,, 1842, 117, Sur la paresse
Sur la paresse, 1842