“Dieu qui voit l'île du haut du ciel sait que le moment approche. Son regard transperce les nuées, puis les nuages noirs et furieux poussés par un vent de tempête, les voiles opaques de neige et de grêle qui ensevelissent tout ce canton de la terre. Il est trois heures de l'après-midi. La nuit va tomber. Un petit canot se glisse avec peine au plus profond d'un long canal aux parois verticales et glacées. A son bord un homme seul, presque nu, le visage ruisselant, courbé sur le banc de nage, les poings aux avirons. Il n'y a pas une autre âme vivante à des dizaines de lieues à la ronde.” Jean Raspail livre Qui se souvient des hommes... Qui se souvient des hommes..., 1986 âme , nuit , hommes , Dieu
“De vastes nuages sombres, bousculés par le vent tiède de la mousson de nord-est, courent sur la mer de Chine. La houle soulève des vagues lourdes et plombées, qui s'écrasent sur la côte. la baleinière de sauvetage grince en talonnant la plage et finalement chavire en éparpillant avirons et naufragés dans l'écume du ressac.” Pierre Schoendoerffer livre L'Adieu au roi Romans, L'Adieu au roi, 1969 mer
“On les appelait voyageurs, ou engagés du grand portage. Par les fleuves, les lacs, les rivières qui formaient une trame naturelle dans l'immensité nord-américaine, au XVIIe et XVIIIe siècles, convoyant à bord de leurs canots des explorateurs et des missionnaires, des marchands ou des officiers du roi, des soldats en tricorne gris des compagnies franches de la Marine, des pelleteries, des armes, des outils, renouvelant jour après jour, les mains crochées sur l'aviron, des exploits exténuants, ils donnèrent à la France un empire qui aurait pu la contenir sept fois. A chacun de leurs voyages, ils en repoussaient encore les frontières, vers le nord-ouest, vers l'ouest, vers le sud.” Jean Raspail livre En canot sur les chemins d'eau du roi En canot sur les chemins d'eau du roi, 2005 foi , voyages
“Ma sœur est d'une totale instabilité d'humeur. (…) Elle entamait une histoire d'amour clandestine avec un encadreur. Dans l'euphorie des débuts, elle venait de s'acheter une laisse et un collier de soumission. Il fallait qu'elle m'entraine tout de suite à part pour me montrer le kit sur son portable. Elle avait aussi envie d'un martinet, elle en avait vu un très joli sur internet, un knout à quatre brins montés sur un manche croco. Mais il valait cinquante-quatre euros et il y avait écrit: attention objet TRES cinglant. J'ai voulu voir la tête de l'encadreur mais elle n'avait pas de photo. Il avait soixante-quatre ans, cinq de plus qu'elle, marié, des bras costauds car il faisait de l'aviron, m'a-t-elle dit, et tatoués. J'ai pensé, et pourquoi aucun mec tatoué avec un fouet ne survient dans ma vie?” Yasmina Reza (1959) auteur dramatique Babylone Envie
“Souvent, pour s'amuser, les hommes d'équipagePrennent des albatros, vastes oiseaux des mers,Qui suivent, indolents compagnons de voyage,Le navire glissant sur les gouffres amers.A peine les ont-ils déposés sur les planches,Que ces rois de l'azur, maladroits et honteux,Laissent piteusement leurs grandes ailes blanchesComme des avirons traîner à côté d'eux.Ce voyageur ailé, comme il est gauche et veule!Lui, naguère si beau, qu'il est comique et laid!L'un agace son bec avec un brûle-gueule,L'autre mime, en boitant, l'infirme qui volait!Le Poète est semblable au prince des nuéesQui hante la tempête et se rit de l'archer;Exilé sur le sol au milieu des huées,Ses ailes de géant l'empêchent de marcher.” Charles Baudelaire livre Les Fleurs du mal Les Fleurs du Mal