“Tel fut aussi le cas d'un Nietzsche, génie volcanique s'il en est; ici encore - mais d'une façon à la fois déviée et démentielle - il y a extériorisation passionnée d'un feu intérieur; nous pensons ici non à la philosophie nietzschéenne, qui dans sa littéralité est sans intérêt, mais à l'oeuvre poétique dont l'expression la plus intense est en partie le "Zarathoustra". Ce que ce livre, d'ailleurs fort inégal, manifeste avant tout, c'est la réaction violente d'une âme a priori profonde contre une ambiance culturelle médiocre et paralysante; le défaut de Nietzsche, ce fut de n'avoir que le sens de la grandeur en l'absence de tout discernement intellectuel. Le "Zarathoustra" est au fond le cri d'une grandeur piétinée, d'où l'authenticité poignante - la grandeur précisément - de certains passages; certes non de tous et surtout pas de ceux qui expriment une philosophie mi-machiavélique mi-darwiniste, ou de la petite habileté littéraire. Quoi qu'il en soit, le malheur de Nietzsche - ou celui d'autres hommes géniaux, comme Napoléon - fut d'être né après la Renaissance et non avant; ce qui marque évidemment un aspect de leur nature, car il n'y a pas de hasard.”

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Dernière mise à jour 21 mai 2020. L'histoire
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Frithjof Schuon 173
métaphysicien, théologien et philosophe suisse 1907–1998

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“Cet audacieux dont on s'est moqué, a des procédés fort sages, et si ses oeuvres ont un aspect particulier, elles ne le doivent qu'à la façon toute personnelle dont il aperçoit et traduit les objets.”

Émile Zola (1840–1902) romancier, auteur dramatique, critique artistique et littéraire et journaliste français

Edouard Manet Etude Biographique Et Critique

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“Quant à l’oeuvre, les problèmes qu’elle soulève sont plus difficiles encore. En apparence pourtant, quoi de plus simple? Une somme de textes qui peuvent être dénotés par le signe d’un nom propre. Or cette dénotation (même si on laisse de côté les problèmes de l’attribution) n’est pas une fonction homogène : le nom d’un auteur dénote-t-il de la même façon un texte qu’il a lui-même publié sous son nom, un texte qu’il a présenté sous un pseudonyme, un autre qu’on aura retrouvé après sa mort à l’état d’ébauche, un autre encore qui n’est qu’un griffonnage, un carnet de notes, un « papier »? La constitution d’une oeuvre complète ou d’un opus suppose un certain nombre de choix qu’il n’est pas facile de justifier ni même de formuler : suffit-il d’ajouter aux textes publiés par l’auteur ceux qu’il projetait de donner à l’impression, et qui ne sont restés inachevés quer par le fait de la mort? Faut-il intégrer aussi tout ce qui est brouillon, fait de la mort? Faut-il intégrer aussi tout ce qui est brouillon, premier dessein, corrections et ratures des livres? Faut-il ajouter les esquisses abandonnées? Et quel status donner aux lettres, aux notes, aux conversations rapportées, aux propos transcrits par les auditeurs, bref à cet immense fourmillement de traces verbales qu’un individu laisse autour de lui au moment de mourir, et qui parlent dans un entrecroisement indéfini tant de langages différents? En tout cas le nom « Mallarmé » ne se réfère pas de la même façon aux thèmes anglais, aux trauctions d’Edgar Poe, aux poèmes, ou aux réponses à des enquêtes; de même, ce n’est pas le même rapport qui existe entre le nom de Nietzsche d’une part et d’autre par les autobiographies de jeunesse, les dissertations scolaires, les articles philologiques, Zarathoustra, Ecce Homo, les lettres, les dernières cartes postales signées par « Dionysos » ou « Kaiser Nietzsche », les innombrables carnets où s’enchevêtrent les notes de blanchisserie et les projets d’aphorismes. En fait, si on parle si volontiers et sans s’interroger davantage de l’« oeuvre » d’un auteur, c’est qu’on la suppose définie par une certaine fonction d’expression. On admet qu’il doit y avoir un niveau (aussi profond qu’il est nécessaire de l’imaginer) auquel l’oeuvre se révèle, en tous ses fragments, même les plus minuscules et les plus inessentiels, comme l’expression de la pensée, ou de l’expérience, ou de l’imagination, ou de l’inconscient de l’auteur, ou encore des déterminations historiques dans lesquelles il était pris. Mais on voit aussitôt qu’une pareille unité, loin d’être donné immédiatement, est constituée par une opération; que cette opération est interprétative (puisqu’elle déchiffre, dans le texte, la transcription de quelque chose qu’il cache et qu’il manifeste à la fois); qu’enfin l’opération qui détermine l’opus, en son unité, et par conséquent l’oeuvre elle-même ne sera pas la même s’il s’agit de l’auteur du Théâtre et son double ou de l’auteur du Tractatus et donc, qu’ici et là ce n’est pas dans le même sens qu’on parlera d’une « oeuvre ». L’oeuvre ne peut être considérée ni comme unité immédiate, ni comme une unité certaine, ni comme une unité homogène.”

Michel Foucault (1926–1984) philosophe français

The Archaeology of Knowledge & The Discourse on Language

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