“Un jour, avec des yeux vitreux, ma mère me dit: « Lorsque tu seras dans ton lit, que tu entendras les aboiements des chiens dans la campagne, cache-toi dans ta couverture, ne tourne pas en dérision ce qu'ils font: ils ont soif insatiable de l'infini, comme toi, comme moi, comme le reste des humains, à la figure pâle et longue. Même, je te permets de te mettre devant la fenêtre pour contempler ce spectacle, qui est assez sublime » Depuis ce temps, je respecte le voeu de la morte. Moi, comme les chiens, j'éprouve le besoin de l'infini… Je ne puis, je ne puis contenter ce besoin! Je suis fils de l'homme et de la femme, d'après ce qu'on m'a dit. Ça m'étonne… je croyais être davantage! Au reste, que m'importe d'où je viens? Moi, si cela avait pu dépendre de ma volonté, j'aurais voulu être plutôt le fils de la femelle du requin, dont la faim est amie des tempêtes, et du tigre, à la cruauté reconnue: je ne serais pas si méchant. Vous, qui me regardez, éloignez-vous de moi, car mon haleine exhale un souffle empoisonné. Nul n'a encore vu les rides vertes de mon front; ni les os en saillie de ma figure maigre, pareils aux arêtes de quelque grand poisson, ou aux rochers couvrant les rivages de la mer, ou aux abruptes montagnes alpestres, que je parcourus souvent, quand j'avais sur ma tête des cheveux d'une autre couleur. Et, quand je rôde autour des habitations des hommes, pendant les nuits orageuses, les yeux ardents, les cheveux flagellés par le vent des tempêtes, isolé comme une pierre au milieu du chemin, je couvre ma face flétrie, avec un morceau de velours, noir comme la suie qui remplit l'intérieur des cheminées : il ne faut pas que les yeux soient témoins de la laideur que l'Etre suprême, avec un sourire de haine puissante, a mise sur moi.” Comte de Lautréamont (1846–1870) écrivain français Maldoror = Les Chants de Maldoror, together with a translation of Lautréamont's Poésies
“Malcolm X avait formulé un jour, le voeu que le sang blanc qui coulait en lui (…) soit expurgé. (…) Mais en ce qui me concernait, je savais que dans mon cheminement vers le respect de moi-même, jamais je ne pourrais réduire mon propre sang blanc au rang de pure abstraction. Car que supprimerais-je en moi par la même occasion, si je devais laisser ma mère et mes grands-parents à la frontière d'un territoire inexploré?” Barack Obama livre Les Rêves de mon père Dreams from My Father: A Story of Race and Inheritance
“La différence, évidemment, était qu'ils avaient appris plusieurs siècles auparavant quelque chose que moi, descendant d'un peuple incomparablement plus favorisé, je n'avais jamais été obligé d'acquérir. Ils avaient appris à survivre. La survie était pour moi un fait qui m'était accordé d'avance, et il était donc plus que vraisemblable que dans des circonstances analogues je serais incapable de survivre. Je deviendrais le vieux bougon, l'homme amer qui marche les yeux rivés au sol, le pessimiste qui prophétise partout le désastre et l'échec qu'il appelle de ses voeux; je serais le suicidaire qui veut entraîner les autres dans sa chute. Il n'y avait pas de place, dans ma culture, pour le genre d'optimisme qui les protégeait dans leur monde, et il ne semblait pas y avoir de place, dans leur culture, pour le genre de rigueur, de complétude et de recherche de symétrie dont je pensais qu'elles me préservaient au sein du mien. (p.223)” Russell Banks (1940) écrivain américain Book of Jamaica