“Sur sa tête en boule, une casquette d'officier de marine, ou dans ce genre. Au cou, un foulard sale, sur un tricot rayé. Mais ce qui m'impressionnait, c'était sa face camuse, au nez inapparent, aux orbites caves; une figure de mastic, sans lèvres et le râtelier à jour, ou comme si le bas eût été rongé par quelques lupus. Oui, une face ravagée par quelque lèpre et savamment maquillée, faite d'un roquefort imitant la chair.” Michel de Ghelderode (1898–1962) dramaturge belge Recueil de nouvelles, Sortilèges, 1951, L’Odeur du sapin
“Il n'y a qu'un choix, en fin de compte, et tout se joue dans ce choix : entre le néant travaillé par le hasard et Dieu. Nous ne pouvons rien savoir du néant avant le big bang ni du néant après la vie. Les choses sont si bien tricotées que le mur de Planck et le mur de la mort sont également infranchissables. Mais nous pouvons nous faire une idée de ce qui est possible et de ce qui est impossible. Si l'univers est le fruit du hasard, si nous ne sommes rien d'autre qu'un assemblage à la va-comme-je-te-pousse de particules périssables, nous n'avons pas la moindre chance d'espérer quoi que ce soit après la mort inéluctable. Si Dieu, en revanche, et ce que nous appelons — à tort — son esprit et sa volonté sont à l'origine de l'univers, tout est possible. Même l'invraisemblable. D'un côté, la certitude de l'absurde. De l'autre, la chance du mystère.” Jean d'Ormesson (1925–2017) écrivain, chroniqueur, éditorialiste, acteur et philosophe français Romans, Comme un chant d'espérance idée , univers , volonté , chance
“La mise en place du processus de résilience externe doit être continue autour de l'enfant blessé. Son accueil après l'agression constitue la première maille nécessaire et pas forcément verbale, pour renouer le lien après la déchirure. La deuxième maille, plus tardive, exige que les familles et les institutions offrent à l'enfant des lieux pour y produire ses représentations du traumatisme. La troisième maille, sociale et culturelle, se met en place quand la société propose à ces enfants la possibilité de se socialiser. Il ne reste plus qu'à tricoter sa résilience pendant tout le reste de sa vie.” Boris Cyrulnik (1937) psychiatre et psychanalyste français Les vilains petits canards
“A qui écris-tu?-A toi. En fait, je ne t'écris pas vraiment, j'écris ce que j'ai envie de faire avec toi…Il y avait des feuilles partout. Autour d'elle, à ses pieds, sur le lit. J'en ai pris une au hasard:"… Pique-niquer, faire la sieste au bord d'une rivière, manger des pêches, des crevettes, des croissants, du riz gluant, nager, danser, m'acheter des chaussures, de la lingerie, du parfum, lire le journal, lécher les vitrines, prendre le métro, surveiller l'heure, te pousser quand tu prends toute la place, étendre le linge, aller à l'Opéra, faire des barbecues, râler parce que tu as oublié le charbon, me laver les dents en même temps que toi, t'acheter des caleçons, tondre la pelouse, lire le journal par-dessus ton épaule, t'empêcher de manger trop de cacahuètes, visiter les caves de la Loire, et celles de la Hunter Valley, faire l'idiote, jacasser, cueillir des mûres, cuisiner, jardiner, te réveiller encore parce que tu ronfles, aller au zoo, aux puces, à Paris, à Londres, te chanter des chansons, arrêter de fumer, te demander de me couper les ongles, acheter de la vaisselle, des bêtises, des choses qui ne servent à rien, manger des glaces, regarder les gens, te battre aux échecs, écouter du jazz, du reggae, danser le mambo et le cha-cha-cha, m'ennuyer, faire des caprices, bouder, rire, t'entortiller autour de mon petit doigt, chercher une maison avec vue sur les vaches, remplir d'indécents Caddie, repeindre un plafond, coudre des rideaux, rester des heures à table à discuter avec des gens intéressants, te tenir par la barbichette, te couper les cheveux, enlever les mauvaises herbes, laver la voiture, voir la mer, t'appeler encore, te dire des mots crus, apprendre à tricoter, te tricoter une écharpe, défaire cette horreur, recueillir des chats, des chiens, des perroquets, des éléphants, louer des bicyclettes, ne pas s'en servir, rester dans un hamac, boire des margaritas à l'ombre, tricher, apprendre à me servir d'un fer à repasser, jeter le fer à repasser par la fenêtre, chanter sous la pluie, fuire les touristes, m'enivrer, te dire toute la vérité, me souvenir que toute vérité n'est pas bonne à dire, t'écouter, te donner la main, récupérer mon fer à repasser, écouter les paroles des chansons, mettre le réveil, oublier nos valises, m'arrêter de courir, descendre les poubelles, te demander si tu m'aimes toujours, discuter avec la voisine, te raconter mon enfance, faire des mouillettes, des étiquettes pour les pots de confiture…"Et ça continuais comme ça pendant des pages et des pages…” Anna Gavalda (1970) écrivaine française Someone I Loved Envie
“La raison rétrécit la vie, comme l'eau rétrécit les tricots de laine, si bien qu'on s'y sent coincé et on ne peut plus lever les bras.” René Barjavel livre L'Enchanteur L'Enchanteur
“Il paraît qu'à soixante-dix ans, c'est le meilleur souvenir qu'il vous reste. Le sexe. C'est ma grand-mère qui m'a dit ça. Elle m'a dit, tu sais quand on a mon âge, les plus beaux souvenirs qu'il vous reste ce sont les nuits d'amour. C'est ses mots à elle, mais je sais bien ce que ça veut dire. Ça veut dire qu'il n'y a rien de tel, après avoir bien pris son pied, que de se coller contre un homme en lui tenant la bite encore toute chaude comme un petit écureuil endormi. Tricote-toi des souvenirs, elle me dit, ma grand-mère, alors moi, je fais comme elle me dit et je me tricote des souvenirs pour me faire des pulls et des pulls pour quand je serai vieille et que j'aurai toujours froid. Parce que les vieux, ils ont toujours froid. Ils ont froid de ne plus pouvoir vivre les choses. C'est ça, qui donne froid, c'est de plus pouvoir s'assouvir, de plus pouvoir se donner à fond à ce qu'on a envie de vivre.” David Thomas (1953) musicien américain La Patience des buffles sous la pluie Envie