Citations sur scission

Une collection de citations sur le thème de non, scission.

Citations sur scission

Titus Burckhardt photo

“Un certain groupe de métiers — se caractérisant par l’usage qu’ils font du feu pour transformer ou ennoblir des matières comme le métal ou les minéraux dont on fait du verre et des émaux — sert de base à une tradition spirituelle qui se rattache à Hermès Trismégiste dont le nom égyptien est Thot et que beaucoup de musulmans comptent au nombre des anciens prophètes. L’art hermétiste par excellence, c’est l’alchimie; le plus souvent mal comprise, parce que la transmutation qui est son but et qu’elle traduit en termes artisanaux, se situe en réalité au niveau de l’âme. Que l’alchimie ait été pratiquée par beaucoup d’artisans du feu, ne fait aucun doute; son emblème, le couple de dragons entrelacés — forme médiévale du caducée — orne de nombreux récipients en céramique ou en métal.
Nombre d’artisans ou d’artistes, qu’ils aient reçu ou non une initiation correspondant à leur entrée dans une corporation professionnelle, adhéraient ou adhèrent encore à un Ordre soufi (…) on peut également dire que le soufisme se situe là où l’amour et la connaissance convergent. Or, l’objet ultime et commun de l’amour comme de la connaissance n’est autre que la Beauté divine. On comprendra dès lors comment l’art, dans une civilisation théocentrique comme celle de l’Islam, se rattache à l’ésotérisme, dimension la plus intérieure de la tradition.
Art et contemplation : l’art a pour objet la beauté formelle, alors que l’objet de la contemplation est la beauté au-delà de la forme qui révèle qualitativement l’ordre formel, tout en le dépassant infiniment. Dans la mesure où l’art s’apparente à la contemplation, il est connaissance, la beauté étant un aspect de la Réalité, au sens absolu du terme.
Cela nous ramène au phénomène de scission entre art et artisanat, d’une part, et art et science, d’autre part, phénomène qui a profondément marqué la civilisation européenne moderne : si l’art n’est plus considéré comme une science, c’est-à-dire comme une connaissance, c’est que la beauté, objet de contemplation à divers degrés, n’est plus reconnue comme un aspect du réel. En fait, l’ordre normal des choses a été renversé à un point tel qu’on identifie volontiers la laideur à la réalité, la beauté n’étant plus que l'objet d’un esthétisme aux contours parfaitement subjectifs et changeants.
Les conséquences de cette dichotomie de l’expérience du réel sont des plus graves : car c’est finalement la beauté — subtilement rattachée à l’origine même des choses — qui jugera de la valeur ou de la futilité d’un monde.
Ainsi que le Prophète l’a dit :
« Dieu est beau et II aime la beauté. » p. 296-298”

Titus Burckhardt (1908–1984)

Art Of Islam: Language And Meaning

Frithjof Schuon photo

“… ] Un trait caractéristique de la culture occidentale depuis le Moyen Âge finissant est, du reste, une certaine féminisation : à l'extérieur, le costume masculin manifeste en effet, du moins dans les classes supérieures et surtout chez les princes, un besoin excessif de plaire aux femmes – ce qui est révélateur – tandis que dans la culture en général nous pouvons observer un accroissement de la sensibilité imaginative et émotive, bref une expressivité qui à rigoureusement parler va trop loin et « mondanise » les âmes au lieu de les intérioriser. La cause lointaine de ce trait pourrait être en partie le respect qu'avaient, selon Tacite, les Germains pour la femme – respect que nous sommes fort loin de blâmer –, mais ce trait tout à fait normal et louable eût été sans conséquence problématique s'il n'y avait pas eu un autre facteur beaucoup plus déterminant, à savoir la scission chrétienne de la société en clercs et laïcs; de ce fait, la société laïque devenait une humanité à part qui croyait de plus en plus avoir droit à la mondanité, dans laquelle la femme – qu'elle le veuille ou non – joue évidemment un premier rôle (3). Nous mentionnons cet aspect de la culture occidentale parce qu'il explique une certaine allure du génie extériorisé et hypersensible; et n'oublions pas d'ajouter que tout cela relève du mystère d'Ève et non de celui de Marie, lequel relève de la Mâyâ ascendante.

3 – Un signe de cette autocratie laïque et de la mondanité qui en résulte est, parmi les manifestations vestimentaires, le décolleté des femmes, déjà blâmé par Dante, et paradoxal non seulement au point de vue de l'ascétisme chrétien, mais aussi au point de vue du légalisme sémitique, lequel ignore précisément la distinction entre clercs et laïcs puisqu'il sacralise la société entière; ce n'est pas le phénomène de la dénudation qui étonne ici – car il existe légitimement dans l'hindouisme et ailleurs – mais c'est le fait que ce phénomène se produise en milieu chrétien. On pourrait dire aussi que la frivolité des mœurs laïques – les bals notamment – fait pendant au rigorisme exagéré des couvents, et que cette disparité trop ostentatoire marque un déséquilibre fauteur de toutes sortes d'oscillations subséquentes. Dans l'Inde, le maharadjah couvert de perles et le yogi couvert de cendre sont certes dissemblables, mais ils sont tous deux des « images divines ».”

Frithjof Schuon (1907–1998) métaphysicien, théologien et philosophe suisse

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