“De sa chevauchée cyclo-électrique, il avait gardé d'indestructibles mollets en acier et un talent obligé de pétomane. La meilleure thérapeutique lui indiqua le choix de sa carrière : facteur. Le travail de la ceinture musculaire abdominale paraissait être de la meilleure efficacité pour l'évacuation régulière des gaz douloureux, et chacun sait que les préposés des postes montent quotidiennement, les bougres, de dantesques vélocipèdes qui les aident à mieux se soulager.” Michel-Georges Micberth (1945–2013) Le Pieu chauvache, 1990
“Il lutta pour sa vie. Il lutta avec toute la vigueur de ses dix-neuf ans jusqu'à ce que son bras finisse par lui peser comme s'il était de plomb. Il lutta en attaquant et en parant, piquant avec la pointe de son sabre, taillant de revers, arrachant son corps aux mains qui tentaient de le désarçonner, s'ouvrant un passage dans ce labyrinthe de boue, d'acier, de sang, de plomb et de poudre. Il cria sa peur et sa bravoure jusqu'à en avoir la gorge à vif. Et pour la deuxième fois, il se retrouva en train de chevaucher en dehors des lignes ennemies, en rase campagne, la pluie lui fouettant la figure, entouré de chevaux sans cavaliers qui galopaient, affolés. Il palpa son corps et éprouva une joie féroce en n'y découvrant aucune blessure. Ce n'est qu'en portant la main à sa joue droite, qui le brûlait, qu'il la retira tachées de sang.” Arturo Pérez-Reverte (1951) écrivain espagnol Le Hussard, 2005 blessure , vie , peur , foi
“Mettre le chaos dans une bouteille ne fait rien avancer. Le chaos, il faut le chevaucher, lui passer le mors, et enfin la bride.” John Cowper Powys (1872–1963) écrivain britannique Comme je l'entends, 1919 faute
“Je n'ai subi qu'une fois l'influence de quelqu'un : avant de tourner Citizen Kane, j'ai vu quarante fois La Chevauchée fantastique.” John Ford (1894–1973) réalisateur américain foi
“Un aveu. Je fais autre chose encore, autre chose que visualiser la scène, autre chose que convoquer un souvenir, je me dis : à quoi Thomas a-t-il pensé, quand ça a été le dernier moment ? après avoir passé la corde autour de son cou ? avant de renverser la chaise ? et d'abord, combien de temps cela a-t-il duré ? une poignée de secondes ? puisqu'il ne servait à rien de perdre du temps, la décision avait été prise, il fallait la mettre à exécution, une minute ? mais c'est interminable, une minute, dans ces circonstances, et alors comment l'a-t-il remplie ? avec quelles pensées ? et j'en reviens à ma question. A-t-il fermé les yeux et revu des épisodes de son passé, de la tendre enfance, par exemple son corps étendu en croix dans l'herbe fraîche, tourné vers le bleu du ciel, la sensation de chaleur sur sa joue et sur ses bras ? de son adolescence ? une chevauchée à moto, la résistance de l'air contre son torse ? a-t-il été rattrapé par des détails auxquels il ne s'attendait pas ? des choses qu'il croyait avoir oubliées ? ou bien a-t-il fait défiler des visages ou des lieux, comme s'il s'agissait de les emporter avec lui ? (À la fin, je suis convaincu qu'en tout cas, il n'a pas envisagé de renoncer, que sa détermination n'a pas fléchi, qu'aucun regret, s'il y en a eu, n'est venu contrarier sa volonté.) Je traque cette ultime image formée dans son esprit, surgie de sa mémoire, non pas pour escompter y avoir figuré mais pour croire qu'en la découvrant, je renouerais avec notre intimité, je serais à nouveau ce que nul autre n'a été pour lui.” Philippe Besson (1967) écrivain français « Arrête avec tes mensonges »
“Je la pris près de la rivièreCar je la croyais sans mariTandis qu'elle était adultèreCe fut la Saint Jacques la nuitPar rendez vous et compromisQuand s'éteignirent les lumiéresEt s'allumèrent les cri-criAu coin des dernières enceintesJe touchai ses seins endormisSa poitrine pour moi s'ouvritComme des branches de jacinthesEt dans mes oreilles l'empoisDe ses jupes amidonnéesCrissait comme soie arrachéePar dix couteaux à la foisLes cimes d'arbres sans lumièreGrandissaient au bord du cheminEt tout un horizon de chiensAboyaient loin de la rivièreQuand nous avons franchi les roncesLes épines et les ajoncsSous elle son chignon s'enfonceEt fait untrou dans le limonQuand ma cravate fut otéeElle retira son juponPuis quand j'otai mon ceinturonQuatre corsages d'affiléeNi le nard ni les escargotsN'eurent jamais la peau si fineNi sous la lune les cristauxN'ont de lueur plus cristallineSes cuisses s'enfuyaient sous moiComme des truites effrayéesL'une moitié toute embraséeL'autre moitié pleine de froidCette nuit me vit galoperDe ma plus belle chevauchéeSur une pouliche nacréeSans bride et sans étriers……” Federico García Lorca (1898–1936) poète, dramaturge, peintre, pianiste et compositeur espagnol Loin