“Il aimait les plaisirs simples de la vie : monter à cru, pêcher la truite et chier au fond des bois.” Antoine Bello livre Ada Ada, 2016
“Un jour, les intelligences artificielles tondront la pelouse, feront nos courses, conduiront nos voitures et, dans leur temps libre, elles écriront des livres qu'elles signeront, pour s'amuser, de pseudonymes humains.” Antoine Bello livre Ada Ada, 2016
“Leurs dissertations se ressemblent toutes. Ils ont lu les même articles, vu les mêmes documentaires, signé les mêmes pétitions sur Facebook. Ils citent Steve Jobs ou George Lucas comme ma génération citait Barthes ou Derrida. Pas plus tard que ce matin, j'en ai collé un qui avait recopié un paragraphe entier sur le Net. Tu sais ce qu'il m'a sorti comme défense? Que le contenu sur Wikipedia était libre de droits!” Antoine Bello livre Ada Ada, 2016
“Chaque innovation rendue possible par la technologie était désormais mise en œuvre sur-le-champ, sans qu’on prenne le temps d’en évaluer les implications éthiques, sociales ou économiques. On inséminait des sexagénaires, on clonait à tout-va, on changeait de sexe pour un oui ou pour un non. Le concept de vie privée perdait chaque jour un peu de sa substance : la NSA écoutait nos conversations au nom de la sécurité nationale, Google n’ignorait rien de nos petites laideurs et les maris jaloux lisaient la correspondance de leurs épouses. On greffait des cœurs, on remplaçait les articulations défectueuses par des prothèses en titane, on vaccinait des populations entières contre des maladies rarissimes. Les médias saluaient avec une unanime béatitude l’allongement de l’espérance de vie, prédisant pour bientôt l’avènement de l’immortalité pure et simple. Tout cela allait trop vite pour Frank : Américains, Russes, Chinois, personne n’avait de plan, l’humanité fonçait à sa perte tel un pilote déchaîné aux commandes d’un bolide dont chaque nouvelle technologie débridait un peu plus le moteur.” Antoine Bello livre Ada Ada, 2016
“Pour quelqu'un qui se prétend doué d'intelligence, tu cites beaucoup la presse féminine.” Antoine Bello livre Ada Ada, 2016
“La finance, le cinéma, la presse, tout ça c’est bien joli, mais le vrai, le grand marché, c’est le sens de la vie. Nous le cherchons tous, mais rares sont ceux qui peuvent se vanter de l’avoir trouvé. Vous êtes-vous déjà demandé combien vous seriez prêt à payer pour avoir enfin l’impression d’être le héros de votre existence ?” Antoine Bello livre Ada Ada, 2016
“L’économie n’avait jamais fabriqué autant de milliardaires. Des gamins de vingt-cinq balais touchaient le jour de l’introduction en Bourse de leur start-up l’équivalent de mille ans du salaire d’un postier. Ils célébraient leur triomphe en s’achetant des îles privées et des équipes de sport. Trop jeunes pour comprendre l’intérêt de la philanthropie, trop certains de leur génie pour admettre qu’ils avaient gagné à la loterie du capitalisme, ils menaient une existence vide de sens, à la mesure de la crétinerie souvent abyssale de leurs produits. Grâce à des montages juridiques obscènes mais légaux, ils payaient moins d’impôts qu’une femme de ménage et réinvestissaient les économies réalisées dans la construction de palaces flottants immatriculés dans des paradis fiscaux. Ils s’offraient des virées dans l’espace comme d’autres un week-end à Vegas, flambaient dans les casinos au bras de starlettes écervelées et présentaient leur application de livraison de sushis comme le remède à tous les maux de la planète.” Antoine Bello livre Ada Ada, 2016
“Quelque haïssable que cet avenir vous paraisse, je vous conseille de vous y préparer car il arrive à grands pas. Tout ne sera bientôt que récit. Les mots sont la façon qu’a trouvée l’homme de donner du sens au chaos. Nous générons chaque jour des quantités formidables de données qui ne demandent qu’à être tissées en histoires. Vous verrez, le monde pissera bientôt du texte à jet continu.” Antoine Bello livre Ada Ada, 2016
“Lord Arbuthnot souleva une fesse et lâcha une louise prodigieuse qui envoya un escadron de mouches au tapis.” Antoine Bello livre Ada Ada, 2016
“Je les observe à la récré. Ils ont le nez dans leur téléphone, s'envoient des textos alors qu'ils sont à deux mètres. Quand ils évoquent les grands problèmes de la planète, c'est en termes d'opportunités de marché. J'en ai entendu un hier dire que l'entrepreneur qui résoudrait le problème de la mort subite du nourrisson se ferait des couilles en or. Quelle hauteur de vue!” Antoine Bello livre Ada Ada, 2016
“Il ne devinait que trop bien à quoi ressemblaient les journées de la malheureuse. Après dix heures d’un service harassant, elle rentrait chez elle à l’aube, levait les enfants, préparait leur petit déjeuner et les emmenait à l’école. Puis elle s’effondrait sur son lit, parfois sans même se changer, et dormait jusqu’à 2 ou 3 heures de l’après-midi. S’ensuivait alors une litanie de corvées : aller chercher les enfants, les conduire à leurs activités, superviser leurs devoirs, faire le ménage, lancer des machines, accueillir Edgar, préparer le dîner… et recommencer. Le samedi, elle faisait les courses pour la semaine, appelait sa mère, payait des factures et éclusait le linge en retard. Le dimanche, elle déjeunait chez sa cousine après la messe puis feuilletait un magazine pendant qu’Edgar regardait le foot sur la chaîne hispanique en sirotant une Corona. Bref, elle vivait le rêve américain.” Antoine Bello livre Ada Ada, 2016
“Passé le coup de foudre et l’ivresse des débuts, une autre réalité s’installe. Les élans sont moins fougueux, les ébats s’espacent et perdent de leur passion. Les défauts de l’être aimé nous apparaissent, les manies que tantôt nous trouvions charmantes nous portent progressivement sur les nerfs…” Antoine Bello livre Ada Ada, 2016