“Il existait à Paris des zones intermédiaires, des no man's land où l'on était à la lisière de tout, en transit, ou même en suspens.”

“J'ai toujours été un bûcheur, un type qui s'angoisse et se débat à chaque phrase, et même les meilleurs jours je ne fais que me traîner, ramper à plat à plat ventre tel un homme perdu dans le désert. Le moindre mot est pour moi entouré d'arpents de silence et lorsque j'ai enfin réussi à le tracer sur la page, il a l'air de se trouver là comme un mirage, une particule de doute scintillant dans le sable. Le langage ne m'a jamais été accessible de la façon dont il l'était pour Sachs. Un mur me sépare de mes propres pensées, je me sens coincé dans un no man's land entre sentiment et articulation, […]. Pour [Sachs], les choses et les mots correspondaient, tandis que pour moi ils ne cessent de se séparer, de voler en éclats dans toutes les directions. Je passe presque tout mon temps à ramasser les fragments et à les recoller ensemble, mais Sachs n'a jamais eu à trébucher ainsi, à fouiller les tas d'ordure et les poubelles en se demandant s'il ne s'est pas trompé dans la juxtaposition des pièces.”

“Je lui parlais du silence, de l'oubli, de l'absence. Je lui parlais de l'orgueil, de la tristesse, de la jalousie, de la haine qu'il serait impossible d'inventer si nous ne les connaissions pas. Je lui parlais du souvenir. Je lui parlais de l'espérance. Tout cela, qui lui semblait flou, avait une réalité sur la planète où vivent les hommes et où il a débarqué. Tout cela existait chez nous et n'existait que chez nous. La mélancolie et l'attente sont des spécialités de cette province reculée que nous appelons le monde.”

“Ce n'était pas une vie; on existait, et c'est tout.”

“Ce n'était pas prévu.
Le monde était ainsi pourtant, en suspens, en attente.
Et j'allais devoir me battre maintenant.”

“land mines explode in front”

“Il lui semblait atteindre un carrefour de sa vie, ou plutôt une lisière d’où il pourrait s’élancer vers l’avenir. Pour la première fois, il avait dans la tête le mot avenir, et un autre mot: l’horizon. Ces soirs-là, les rues désertes et silencieuses du quartier étaient des lignes de fuite, qui débouchaient toutes sur l’avenir et l’HORIZON.”

“Si vous avez la chance d’avoir vécu jeune homme à Paris, où que vous alliez pour le reste de votre vie, cela ne vous quitte pas, car Paris est une fête.”

“Promenez-vous dans le Mirail de Toulouse, conçu par un imbécile du nom de Candilis, qui a fabriqué ex-nihilo une zone sauvage et de non-droit, et observez la gare d'Orsay à Paris, architecture utilitaire puisque destinée à des trains… Vous comprendrez toute l'horreur architecturale conçue par les créateurs des années cinquante. Ces gens ont délibérément souillé l'espace vital des humains.”

“Des milliers et des milliers d'années
Ne sauraient suffire
Pour dire
La petite seconde d'éternité
Où tu m'as embrassé
Où je t'ai embrassèe
Un matin dans la lumière de l'hiver
Au parc Montsouris à Paris
A Paris
Sur la terre
La terre qui est un astre.”