„finalement, éperdu d'amour et au comble de la frénésie érotique, je m'assis dans l'herbe et j'enlevai un de mes souliers en caoutchouc.
— Je vais le manger pour toi, si tu veux. Si elle le voulait I Ha! Mais bien sûr qu'elle le voulait, voyons! C'était une vraie petite femme. --- Elle posa son cerceau par terre et s'assit sur ses ta-lons. Je crus voir dans ses yeux une lueur d'estime. Je n'en demandais pas plus. Je pris mon canif et enta-mai le caoutchouc. Elle me regardait faire.
— Tu vas le manger cru?
— Oui.
J'avalai un morceau, puis un autre. Sous son regard enfin admiratif, je me sentais devenir vraiment un homme. Et j'avais raison. Je venais de faire mon apprentissage. J'entamai le caoutchouc encore plus profondément, soufflant un peu, entre les bouchées, et je continuai ainsi un bon moment, jusqu'à ce qu'une sueur froide me montât au front. Je continuai même un peu au-delà, serrant les dents, luttant contre la nausée, ramassant toutes mes forces pour demeurer sur le terrain, comme il me fallut le faire tant de fois, depuis, dans mon métier d'homme.
Je fus très malade, on me transporta à l'hôpital, ma mère sanglotait, Aniela hurlait, les filles de l'atelier geignaient, pendant qu'on me mettait sur un brancard dans l'ambulance. J'étais très fier de moi.
Mon amour d'enfant m'inspira vingt ans plus tard mon premier roman Éducation européenne, et aussi certains passages du Grand Vestiaire.
Pendant longtemps, à travers mes pérégrinations, j'ai transporté avec moi un soulier d'enfant en caoutchouc, entamé au couteau. J'avais vingt-cinq ans, puis trente, puis quarante, mais le soulier était toujours là, à portée de la main. J'étais toujours prêt à m'y attabler, à donner, une fois de plus, le meilleur de moi-même. Ça ne s'est pas trouvé. Finalement, j'ai abandonné le soulier quelque part derrière moi. On ne vit pas deux fois.
(La promesse de l'aube, ch. XI)“
Promise at Dawn
Citations similaires

„Je me souviens de l'atelier de mon père. Je ne peux pas passer devant l’échoppe d'un cordonnier sans croire que mon père est encore vivant, quelque part dans l'au-delà du monde, assis devant une table de fermée, avec son tablier bleu, son tranchet, ses ligneuls, ses alènes, en train de faire des souliers en cuir d'ange pour quelque dieu à mille pieds.“
— Jean Giono, livre Jean le Bleu
Jean le Bleu, 1932

„Il paraissait certain, quand on ouvrait la porte et voyait l’escalier, plein d’un calme implacable, impersonnel et sans couleur, un escalier qui ne semblait pas avoir gardé la moindre trace des gens qui l’avaient parcouru, pas le moindre souvenir de leur passage, quand on se mettait derrière la fenêtre de la salle à manger et qu’on regardait les façades des maisons, les boutiques, les vieilles femmes et les petits enfants qui marchaient dans la rue, il paraissait certain qu’il fallait le plus longtemps possible — attendre, demeurer ainsi immobile, ne rien faire, ne pas bouger, que la suprême compréhension, que la véritable intelligence, c’était cela, ne rien entreprendre, remuer le moins possible, ne rien faire.“
— Nathalie Sarraute, livre Tropismes
Tropismes

„Ce que je veux dire, c'est qu'elle était très jeune et tout, et la plupart des filles que vous voyez mettre leur main sur la nuque de quelqu'un elles ont dans les vingt-cinq - trente ans et elles font ça à leur mari ou à leur gosse. Par exemple je le fais de temps en temps à ma petite sœur Phœbé. Mais si une fille est très jeune et tout et qu'elle le fait, c'est un geste tellement chouette que ça vous tue.“
— J. D. Salinger, livre L'Attrape-cœurs
L'Attrape-cœurs (The Catcher in the Rye), 1951

„Une pensée peut s'allumer comme un bandage et sauter comme une certaine couleur verte que j'ai composée une fois avec le sang du colibri, le caoutchouc des bicyclettes à califourchon sur un fil télégraphique.“
— Tristan Tzara écrivain français 1896 - 1963
Cette citation provient d'une revue dirigée par André Breton.
Citations autres, Pierre Reverdy : Le Voleur de Talan, 1917

„je lui tendis les trois pommes vertes que je venais de voler dans le verger. Elle les accepta et m'annonça, comme en passant :
— Janek a mangé pour moi toute sa collection de timbres-poste.
C'est ainsi que mon martyre commença. Au cours des jours qui suivirent, je mangeai pour Valentine plusieurs poignées de vers de terre, un grand nombre de papillons, un kilo de cerises avec les noyaux, une souris, et, pour finir, je peux dire qu'à neuf ans, c'est-à-dire bien plus jeune que Casanova, je pris place parmi les plus grands amants de tous les temps, en accomplissant une prouesse amoureuse que personne, à ma connaissance, n'est jamais venu égaler. Je mangeai pour ma bien-aimée un soulier en caoutchouc.
Ici, je dois ouvrir une parenthèse.
Je sais bien que, lorsqu'il s'agit de leurs exploits amoureux, les hommes ne sont que trop portés à la vantardise. A les entendre, leurs prouesses viriles ne connaissent pas de limite, et ils ne vous font grâce d'aucun détail.
Je ne demande donc à personne de me croire lorsque j'affirme que, pour ma bien-aimée, je consommai encore un éventail japonais, dix mètres de fil de coton, un kilo de noyaux de cerises — Valentine me mâchait, pour ainsi dire, la besogne, en mangeant la chair et en me tendant les noyaux — et trois poissons rouges, que nous étions allés pêcher dans l'aquarium de son professeur de musique.
Dieu sait ce que les femmes m'ont fait avaler dans ma vie, mais je n'ai jamais connu une nature aussi insatiable. C'était une Messaline doublée d'une Théodora de Byzance. Après cette expérience, on peut dire que je connaissais tout de l'amour. Mon éducation était faite. Je n'ai fait, depuis, que continuer sur ma lancée.
Mon adorable Messaline n'avait que huit ans, mais son exigence physique dépassait tout ce qu'il me fut donné de connaître au cours de mon existence. Elle courait devant moi, dans la cour, me désignait du doigt tantôt un tas de feuilles, tantôt du sable, ou un vieux bouchon, et je m'exécutais sans murmurer. Encore bougrement heureux d'avoir pu être utile. A un moment, elle s'était mise à cueillir un bouquet de marguerites, que je voyais grandir dans sa main avec appréhension — mais je mangeai les marguerites aussi, sous son oeil attentif — elle savait déjà que les hommes essayent toujours de tricher, dans ces jeux-là — où je cherchais en vain une lueur d'admiration. Sans une marque d'estime ou de gratitude, elle repartit en sautillant, pour revenir, au bout d'un moment, avec quelques escargots qu'elle me tendit dans le creux de la main. Je mangeai humblement les escargots, coquille et tout.
A cette époque, on n'apprenait encore rien aux enfants sur le mystère des sexes et j'étais convaincu que c'était ainsi qu'on faisait l'amour. J'avais probablement raison. Le plus triste était que je n'arrivais pas à l'impressionner. J'avais à peine fini les escargots qu'elle m'annonçait négligemment :
— Josek a mangé dix araignées pour moi et il s'est arrêté seulement parce que maman nous a appelés pour le thé.
Je frémis. Pendant que j'avais le dos tourné, elle me trompait avec mon meilleur ami. Mais j'avalai cela aussi. Je commençais à avoir l'habitude.
(La promesse de l'aube, ch. XI)“
— Romain Gary, livre La Promesse de l'aube
Promise at Dawn

„Et ça marchait! Je vais vous dire franchement, là: ça avait pas de bon sens, c'était un nid à feu. Les murs étaient en carton. Tout le monde fumait dans ça. Il rentrait à peu près 400 personnes, puis il y avait une porte en avant, une porte en arrière. Quand il y avait trop de monde, je barrais les deux portes. Il y avait un petit ext… Ah, c'était… des fois je repense à ça, je comprends pas qu'on m'ait laissé faire. J'avais 18 ans. Ça n'avait pas de bon sens. Dans ce temps-là, ça a l'air, des règles, il n'y en avait pas. Le filage électrique, tout ça, j'avais installé ça avec mes amis. On [ne] connaissait absolument rien dans l'électricité… Ah, oui, oui: au secours! Des fois, j'ai des frissons, je me dis: ça aurait pu être la plus belle catastrophe qu'il n'y a pas. Non. Ah non, ça n'avait aucun sens. Mais sauf que… ce qui était… euh… c'est que je faisais de l'argent. Eh, t'sé, à 18 ans, j'avais une Volvo neuve, pis la vie était belle, pis j'allais en croisière. Je faisais de l'argent comme de l'eau, mais… il reste une chose: c'est que c'était pas vraiment prudent. Je pense que les autorités municipales auraient dû y voir.“
— Jean Tremblay personnalité politique canadienne 1948
René Homier-Roy (2014)

„Le jour de mon départ, nous nous sommes longuement serré la main. Ce n'est pas un de ces imbéciles qui vous broient les phalanges pour vous faire croire à leur franchise. Non il préfère un chaud contact, paume contre paume, l'enveloppante caresse de l'amitié. On ne lui échappe pas. Sa méfiance naturelle une fois évanouie, son regard dit tout. Figurez-vous que je suis très fier de lui avoir plu, d'avoir été, du moins en certaines circonstances, à sa hauteur. Il m'a fait don d'un peu de son courage et auprès de lui, j'ai retrouvé ma qualité d'homme. Naturellement, il était tard aux yeux des autres, aux yeux de Daniel surtout, mais je ne quête plus d'autre approbation que la mienne.“
— Michel Déon, livre Les Poneys sauvages
Les Poneys sauvages, 1970

„Je ne veux plus écrire que contre la guerre. Ce qui ne veut pas dire, mon filleul, que je ne trouve pas très bien de faire celle-ci. Je suis fille, petite-fille, arrière-petite-fille de soldats, mais je ne veux plus que même un luxe moral nous coûte aussi cher.“
— Marie Lenéru auteur dramatique et romancière 1875 - 1918
Lettres à un soldat (1921)

„Avec l'amour maternel, la vie vous fait, à l'aube, une promesse qu'elle ne tient jamais. Chaque fois qu'une femme vous prend dans ses bras et vous serre sur son coeur, ce ne sont plus que des condoléances. On revient toujours gueuler sur la tombe de sa mère comme un chien abandonné. Jamais plus, jamais plus, jamais plus. Des bras adorables se referment autour de votre cou et des lèvres très douces vous parlent d'amour, mais vous êtes au courant. Vous êtes passé à la source très tôt et vous avez tout bu. Lorsque la soif vous reprend, vous avez beau vous jeter de tous côtés, il n'y a plus de puits, il n'y a que des mirages. Vous avez fait, dès la première lueur de l'aube, une étude très serrée de l'amour et vous avez sur vous de la documentation. Je ne dis pas qu'il faille empêcher les mères d'aimer leurs petits. Je dis simplement qu'il vaut mieux que les mères aient encore quelqu'un d'autre à aimer. Si ma mère avait eu un amant, je n'aurais pas passé ma vie à mourir de soif auprès de chaque fontaine. Malheureusement pour moi, je me connais en vrais diamants.“
— Romain Gary, livre La Promesse de l'aube
Promise at Dawn

„Il est difficile d'attirer l'attention tendue du monde pendant plus d'une demi-heure de suite. Moi, j'ai réussi à le faire pendant vingt ans, et chaque jour. Ma devise a été « que l'on parle de Dali même si on en parle bien.»“
— Salvador Dalí peintre, sculpteur, graveur, scénariste et écrivain catalan 1904 - 1989
Journal d’un génie adolescent, Les moustaches radar, 1964
Variante: Il est difficile d’attirer l’attention tendue du monde pendant plus d’une demi-heure de suite. Moi, j’ai réussi à le faire pendant vingt ans, et chaque jour. Ma devise a été « que l’on parle de Dali même si on en parle bien ».

„J'ai d'abord compris que je tombais, et puis j'ai compris que j'étais mort. Je ne veux pas dire que je savais que j'allais mourir, je veux dire que j'étais déjà mort. J'étais un mort en train de tomber et même si techniquement je vivais encore, j'étais mort, aussi mort qu'un homme enterré dans sa tombe. Je ne sais pas comment exprimer ça autrement. Pendant que je tombais, je me trouvais déjà au-delà de l'instant où je toucherais le sol, au-delà de l'impact, au-delà de l'impact en mille morceaux. Je n'étais plus qu'un cadavre, et au moment où j'ai heurté la corde à linge et atterri sur ces serviettes et ces couvertures, je n'étais plus là.“
— Paul Auster, livre Léviathan
Leviathan, 1992 (v.f. 1993)

„Il n'est pas bon d'être tellement aimé, si jeune, si tôt. Ca vous donne de mauvaises habitudes. On croit que c'est arrivé. On croit que ça existe ailleurs, que ça peut se retrouver. On compte la dessus. On regarde, on espère, on attend. Avec l'amour maternel, la vie vous fait à l'aube une promesse qu'elle ne tient jamais. On est obligé ensuite de manger froid jusqu'à la fin de ses jours. Après cela, chaque fois qu'une femme vous prend dans ses bras et vous serre sur son cœur, ce ne sont que des condoléances. On revient toujours gueuler sur la tombe de sa mère comme un chien abandonné. Jamais plus, jamais plus, jamais plus. Des bras adorables se referment autour de votre cou et des lèvres très douces vous parlent d'amour, mais vous êtes au courant. Vous êtes passés à la source très tôt et vous avez tout bu. Lorsque la soif vous reprend, vous avez beau vous jeter de tous côtés, il n'y a plus de puits, il n'y a que des mirages. Vous avez fait, dès la première lueur de l'aube, une étude très serrée de l'amour et vous avez sur vous de la documentation. Je ne dis pas qu'il faille empêcher les mères d'aimer leurs petits. Je dis simplement qu'il vaut mieux que les mères aient encore quelqu'un d'autre à aimer. Si ma mère avait eu un amant, je n'aurai pas passé ma vie à mourir de soif auprès de chaque fontaine. Malheureusement pour moi, je me connais en vrais diamants.“
— Romain Gary, livre La Promesse de l'aube
La Promesse de l'aube, 1960

„L'éducation, c'était un peu comme une maladie sexuellement transmissible. Ça rendait inapte à des tas de besognes, puis ça démangeait d'en faire profiter les autres.“
— Terry Pratchett, Livres du Disque-monde
Les Annales du Disque-monde, Le Père Porcher, 1996

„L'homme à la couille sauvage descendit de l'arbre qu'il occupait depuis son premier mariage. Il tenait dans chaque main un sexe, d'où sortaient des millions de petites larves qui s'envolaient aussitôt et allaient se poser sur de grosses fleurs bleues. Au contact de ces larves, les fleurs jaillissaient comme si elles eussent été de caoutchouc.“
— Benjamin Péret écrivain surréaliste français, poète 1899 - 1959
L'Auberge du cul volant, 1922

„Elle voulait s’évader, fuir toujours plus
loin, rompre de manière brutale avec la vie courante, pour respirer à l’air libre. Et puis il y avait
aussi cette peur panique, de temps en temps, à la perspective que les comparses que vous avez
laissés derrière vous puissent vous retrouver et vous demander des comptes. Il fallait se cacher
pour échapper à ces maîtres chanteurs en espérant qu’un jour vous seriez définitivement hors de
leur portée. Là-haut, dans l’air des cimes. Ou l’air du large. Je comprenais bien ça. Moi aussi, je
traînais encore les mauvais souvenirs et les figures de cauchemar de mon enfance auxquels je
comptais faire une fois pour toutes un bras d’honneur.“
— Patrick Modiano écrivain français 1945

„Il paraît qu'à soixante-dix ans, c'est le meilleur souvenir qu'il vous reste. Le sexe. C'est ma grand-mère qui m'a dit ça. Elle m'a dit, tu sais quand on a mon âge, les plus beaux souvenirs qu'il vous reste ce sont les nuits d'amour. C'est ses mots à elle, mais je sais bien ce que ça veut dire. Ça veut dire qu'il n'y a rien de tel, après avoir bien pris son pied, que de se coller contre un homme en lui tenant la bite encore toute chaude comme un petit écureuil endormi. Tricote-toi des souvenirs, elle me dit, ma grand-mère, alors moi, je fais comme elle me dit et je me tricote des souvenirs pour me faire des pulls et des pulls pour quand je serai vieille et que j'aurai toujours froid. Parce que les vieux, ils ont toujours froid. Ils ont froid de ne plus pouvoir vivre les choses. C'est ça, qui donne froid, c'est de plus pouvoir s'assouvir, de plus pouvoir se donner à fond à ce qu'on a envie de vivre.“
— David Thomas musicien américain 1953
La Patience des buffles sous la pluie

„Il faut avoir assez de courage pour faire confiance à l'amour une fois de plus et toujours une fois de plus.“
— Maya Angelou poétesse, actrice et militante américaine 1928 - 2014

„Il était de ces hommes qui ont vingt-cinq ans pendant cinquante ans. Son âme ne comprenait pas tout le sérieux du social, et qu’il est important d’être en place, ou tout au moins du parti qui distribue les places. Il voyait toujours la liberté comme les croyants voient la Vierge.“
— Jean Giono, livre Le Hussard sur le toit
Le Hussard sur le toit, 1951