“- Georges, connais-tu Victor Hugo?
J'ai ouvert la bouche en grand. Le phalangiste a ajusté son arme, regard perdu dans le jour tombé.
- Tu connais?
"Demain, dès l'aube, à l'heure où blanchit la campagne,
Je partirai. Vois-tu, je sais que tu m'attends…" a récité le tueur.
J'ai tremblé à mon tour. Mon corps, sans retenue. J'ai pleuré. Tant pis. (…)
"J'irai par la forêt, j'irai par la montagne,
Je ne puis demeurer loin de toi plus longtemps.
Je marcherai les yeux fixés sur mes pensées,
Sans rien voir au-dehors, sans entendre aucun bruit,
Seul, inconnu, le dos courbé, les mains croisées,
Triste, et le jour pour moi sera comme la nuit".
Et puis il a tiré. Deux coups. Un troisième, juste après. Cette fois sans trembler, sans que je sente rien venir. Son corps était raide de guerre. Mes larmes n'y ont rien fait. Ni la beauté d'Aurore, ni la fragilité de Louise, ni mon effroi. Il a tiré sur la ville, sur le souffle du vent. IL a tiré sur les lueurs d'espoir, sur la tristesse des hommes. Il a tiré sur moi, sur nous tous. Il a tiré sur l'or du soir qui tombe, le bouquet de houx vert et les bruyères en fleur.”
—
Sorj Chalandon
,
livre
Le Quatrième Mur
Le Quatrième Mur
Dernière mise à jour 21 mai 2020.
L'histoire
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