“On ne s'adresse plus à une petite élite, mais à tout un peuple. Comment faire pour que cent mille personnes retiennent mon nom? D'autant plus que leur mémoire est déjà surchargée; il y a trop de noms qui prétendent à leur attention; chaque été trois ou quatre mille peintres à l’Exposition; pendant six mois des centaines de musiciens qui bourdonnent le soir comme des insectes à la lumière des lustres; tous les jours, au bas de vingt revues et de cinquante journaux, une population d'écrivains; tous travaillant à coups répétés d'articles, de concerts et de tableaux à s'approprier un coin dans cette mémoire pleine; elle déborde; au bout d'un temps rien n'y entre plus.” Hippolyte Taine (1828–1893) philosophe et historien français Notes sur Paris: vie et opinions de Frédéric-Thomas Graindorge
“Sentinelle, sentinelle, c'est en marchant le long des remparts dans l'ennui du doute qui vient des nuits chaudes, c'est en écoutant les bruits de la ville quand la ville ne te parle pas, c'est en surveillant les demeures des hommes quand elles sont morne assemblage, c'est en respirant le désert autour quand il n'est que vide, c'est en t'efforçant d'aimer sans aimer, de croire sans croire, et d'être fidèle quand il n'est plus à qui être fidèle, que tu prépares en toi l'illumination de la sentinelle, qui te viendra parfois comme récompense et don de l'amour.” Antoine de Saint-Exupéry livre Citadelle Citadelle, 1948
“Les siphonnés disposent du jour; mais quand les étoiles apparaissent, c'est notre tour. Nous sommes comme des vampires. Nous avons été bannis dans le royaume de la nuit. […] Il y a trois jours encore, non seulement nous étions les maîtres du monde, mais nous éprouvions une culpabilité de survivants pour toutes les espèces que nous avions éliminées dans notre ascension pour le nirvana des bulletins de nouvelles vingt-quatre heures sur vingt-quatre et du four à micro-ondes. Et aujourd'hui, nous sommes le peuple des lampes torches. Jusqu'à ce qu'il n'y ait plus de piles.” Stephen King livre Cellulaire Cellulaire, 2006
“C'étaient cinq jeunes gens qui avaient tous le mauvais âge, entre vingt et vingt-quatre ans; l'avenir qui les attendait était brouillé comme un désert plein de mirages, de pièges et de vastes solitudes. Ce soir-là, ils n'y pensaient guère, ils espéraient seulement l'arrivée des grandes vacances et la fin des examens.” Paul Nizan livre La Conspiration La Conspiration
“La nuit de nos villes ne ressemble plus à cette clameur des chiens des ténèbres latines, ni à la chauve-souris du Moyen Age, ni à cette image des douleurs qui est la nuit de la Renaissance. C'est un monstre immense de tôle, percé mille fois de couteaux.” Louis Aragon (1897–1982) poète et romancier français Le Paysan de Paris, 1926
“J'ai possédé une ferme en Afrique au pied du Ngong. La ligne de l'équateur passait dans les montagnes à vingt-cinq milles au nord; mais nous étions à deux mille mètres. Au milieu de la journée nous avions l'impression d'être tout près du soleil, alors que les après-midi et les soirées étaient fraîches et les nuits froides.” Karen Blixen (1885–1962) la ferme africaine, femme de lettres danoise La ferme africaine
“Je pris mon train. Et le soir j'étais de retour à Londres. Quelle satisfaction que cette atmosphère de bon sens et de tabac; ces vieilles femmes qui grimpent dans la voiture de troisième classe avec leurs paniers; les pipes sur lesquelles on tire; les bonsoirs et les à demain des amis qui se séparent dans les gares en bord de route, et puis les lumières de Londres — pas l'extase enflammée de la jeunesse, pas cette bannière violette en lambeaux, mais les lumières de Londres tout de même; des lumières électriques, dures, en haut dans les bureaux; des réverbères parsemés le long des trottoirs secs; des flammes qui ronflent au-dessus des marchés de plein air. J'aime tout cela quand j'ai congédié l'ennemi momentanément.” Virginia Woolf livre Les Vagues Roman, Les Vagues, 1952
“À Paris ou à Londres, me dit-il, tandis que nous nous frayons tant bien que mal un passage à travers la cohue, les gens avancent, vont quelque part. Ils ont un but. À Naples ils se répandent dans la rue uniquement parce qu'ils ont horreur d'être enfermés entre quatre murs. De là vient le malheur de cette ville, qui aurait tout pour être un grand centre d'affaires, une capitale du commerce et de l'industrie, et qui végète, qui s'attarde. C'est trop facile d'accuser les pestes. La peste, nous la portons en nous. Nous ne savons pas grandir. Que veux-tu, on n'apprend même pas aux écoliers à rester assis devant une table. Regarde les palais : eux-mêmes n'ont pas réussi à devenir adultes.” Dominique Fernandez livre Porporino ou les Mystères de Naples Porporino ou les Mystères de Naples, 1974
“Les Siciliens sont, après ou même avant les Napolitains, le peuple le plus criard de la Terre. Cette loquacité fait le désespoir d’un brave colonel anglais qui a pris du service dans l’armée de Garibaldi et qui s’est chargé de l’instruction de deux ou trois cents recrues.” Alexandre Dumas (1802–1870) écrivain et dramaturge français, père de l'écrivain et dramaturge homonyme Alexandre Dumas - Partie III : Voyages, Histoire, Causeries, Divers (Dumas Père)
“Une chose me déprime encore plus que de passer la soirée en compagnie d'une femme laide, c'est de la retrouver en face de moi le lendemain matin.” Philip Kerr livre L'Été de cristal Roman, L'Été de cristal