“C’est vous le nègre? Continuez!”
Dans une nouvelle à la main parue dans Le Figaro du 28 avril 1878 http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k276707j/f1.item.r=%22le%20n%C3%A8gre%22.zoom on lit ceci : « Un inspecteur de collège fait sa tournée. [...] L'enfant d'Abyssinie arrive devant l'inspecteur. Celui-ci le regarde avec bonté ! — Ah c'est vous qui êtes le nègre ? — Mon Dieu oui, monsieur l'inspecteur. — Eh, bien ! mon garçon, continuez ! » Puis dans Le Tintamarre du 1<sup>er</sup> septembre 1879 http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k56818244/f3.item.r=%22%C3%AAtes%20le%20n%C3%A8gre%22.zoom, Léon-Charles Bienvenu, dit Touchatout, écrit : « [...] 1871 [...] Ce fut à cette époque que le maréchal de Mac Mahon alla visiter l'école de Saint-Cyr. [...] Au défilé, l'élève nègre se présenta devant le maréchal. — C'est bien vous qui êtes le nègre ?.. lui dit celui-ci. — Oui, maréchal, répondit l'élève en noircissant. — ... Fait'ment... fait'ment... Eh bien, n.. d. D... C'est très bien... continuez. » Dans les années qui suivent, la calinotade est souvent reprise, sans forcément faire référence à Mac Mahon, comme dans La Jeune France d'octobre 1887 ( p. 122 http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k96789565/f130) où l'on peut lire, dans une « Gazette rimée » de Georges Izambard : « « Ah! c'est vous le nègre, ricane / L'époux, qui veut un référé : / Continuez » Et l'on condamne / Non Maraü, mais Pomaré. » Ou en 1892 sous la plume d'Aristide Bruant dans Les Bas-fonds de Paris http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5578729h/f639.image.r=continuez : « Ah ! c'est vous le nègre ! Eh bien, continuez... à aller au violon... » Le Gaulois du 26 avril 1895 http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k529096b/f1.item.r=%22c'est%20vous%20qui%20%C3%AAtes%20le%20n%C3%A8gre%22.zoom, précise que « [t]ous nos officiers savent en effet que le premier de chaque promotion est surnommé le nègre « parce qu'il a beaucoup travaillé ». » Cette explication sera souvent reprise par la suite. Dans Les Annales politiques et littéraires du 27 mai 1900 http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5852474m/f2.item.zoom, Emmanuel Arène attribue la paternité de la jocrisserie à Edmond About qui « raconta l'anecdote à sa manière » au cours d'un dîner, au soir de la visite du Mac Mahon à Saint-Cyr, en 1877 (« [o]n était alors sous le 16 mai »). L'Aurore du 28 mars 1905 http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k729411b/f1.item.r=%22c'est%20vous%20le%20n%C3%A8gre%22.zoom révèle que Mac Mahon se serait adressé à Maximilien Liontel. En 1906, L'Intermédiaire des chercheurs et curieux lance un débat au sujet de la célèbre citation (pp. 220 https://archive.org/stream/lintermdiaired54pariuoft#page/116/mode/2up, 405 https://archive.org/stream/lintermdiaired54pariuoft#page/206/mode/2up, 549-550 https://archive.org/stream/lintermdiaired54pariuoft#page/270/mode/2up, 626 https://archive.org/stream/lintermdiaired54pariuoft#page/306/mode/2up-627, 686 https://archive.org/stream/lintermdiaired54pariuoft#page/334/mode/2up-687, 772 https://archive.org/stream/lintermdiaired54pariuoft#page/378/mode/2up, 794 https://archive.org/stream/lintermdiaired54pariuoft#page/388/mode/2up-795, 883-884-885 https://archive.org/stream/lintermdiaired54pariuoft#page/430/mode/2up) qui se conclut ainsi : « M. Liontel consulté répond que Mac-Mahon ne l'a jamais passé en revue et ne lui a jamais parlé. La question est jugée : le mot est apocryphe. » Dans Le Casoar, « organe d'expression des Saint-Cyriens », d'avril 2008 (pp. 81-84, cf. sommaire du n° 189 https://web.archive.org/web/20081116081934/http://www.saint-cyr.org/cyr-2100.php?ArtID=338), le général de brigade (2s) Jean Boÿ publie un article intitulé « Le Nègre, la légende et le maréchal », auquel se réfère Daniel Lacotte dans Les Tribuns célèbres de l'Histoire https://books.google.fr/books?id=plT1w1qGYAAC&pg=PT60 publié aux Éditions Albin Michel en 2010 : « Liontel a été réformé le 18 janvier 1873 ! Or, le maréchal de Mac-Mahon ne visite l'école qu'une seule fois, le 13 mars 1875. [...] Par ailleurs [...] le général Jean Boÿ n'a pas trouvé la moindre trace [du mot nègre] pour désigner un major de promotion. [...] Le débat paraît définitivement clos, jamais le maréchal n'a dit à un mulâtre : « C'est vous le nègre ? Eh bien ! Continuez ! » »
Apocryphes