“La terre se couvre d'une nouvelle race d'hommes à la fois instruits et analphabètes, maîtrisant les ordinateurs et ne comprenant plus rien aux âmes, oubliant même ce qu'un tel mot a pu jadis désigner. Quand quelque chose de la vie les atteint malgré tout — un deuil ou une rupture —, ces gens sont plus démunis que des nouveau-nés. Il leur faudrait alors parler une langue qui n'a plus cours, autrement plus fine que le patois informatique.” Christian Bobin (1951) écrivain français Ressusciter, 2001 âme , vie , hommes , foi
“Dans le patois des Flandres, assure un explorateur, « épousailles » se dit « trouwplechtighied ». Ce n'est pas un joli dialecte que le flamand.” Paul-Jean Toulet (1867–1920) écrivain et poète français Les Trois Impostures, 1922
“Ma langue maternelle fut une langue infirme. Ce patois judéo-arabe de Tunis, truffé de mots hébreux, italiens, français, mal compris des Musulmans, totalement ignoré des autres, m'abondonnais dès que je quittais les ruelles du ghetto. Au-delà des émotions simples, du boire et du manger, dans cet univers politique, technique et intellectuel que je rêvais de conquérir, il perdait tout efficacité. Par bonheur, l'école primaire me fit don du français. C'était un cadeau intimidant, exigeant et difficile à manier; c'était en outre la langue du Colonisateur. Mais précisément, ce superbe instrument, magnifiquement au point, exprimait tout et ouvrait toutes les portes. Le degré de culture, le prestige intellectuel, la réussite sociale se mesurait à l'assurance dans le maniement de la langue du vainqueur. J'acceptai joyeusement le pari et l'enjeu: avec ma mère, qui ne comprenait pas le français, je parlerais la langue de mon enfance; dans la rue, dans ma profession, je serais un Occidental. C'était affaire d'organisation intérieure. Après tout, je ne serais pas le seul homme sur terre à ne pas connaitre une parfaite unité.” Albert Memmi (1920) écrivain français La libération du Juif
“Accordons-lui une plus grande capacité à comprendre et à parler le patois jamaïquain, une tolérance accrue pour la flamme vive du rhum blanc, et davantage de respect pour les difficultés qu'on rencontre lorsqu'on veut comprendre quelqu'un d'une autre culture, d'une autre race, d'une autre géographie, d'une autre économie et d'une autre langue - et cela même alors que je me familiarisais tous les jours davantage avec les subtilités de cette culture, de cette race, de cette géographie, de cette économie et de cette langue. J'ai appris le nom des arbres, des fleurs et des aliments qui m'entouraient; j'ai appris à jouer aux dominos avec autant de férocité qu'un Jamaïquain, et j'ai même appris à parler assez bien avec des Jamaïquaines pour qu'elles puissent oublier pendant de longs moments l'extraordinaire avantage financier que je représentais pour elles, et qu'il leur arrive brièvement d'arrêter de me raconter uniquement ce qu'elles croyaient que je voulais entendre. Ce qui ne veut pas dire que je comprenais alors ce qu'elles me disaient. (p.47)” Russell Banks (1940) écrivain américain Book of Jamaica