Citations sur normale
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“L’homme sait aujourd’hui que la terre n’est qu’une boule animée d’un mouvement multiforme et vertigineux qui court sur un abîme insondable, attirée et dominée par les forces qu’exercent sur elle d’autres corps célestes, incomparablement plus grands et situés à des distances inimaginables; il sait que la terre où il vit n’est qu’un grain de poussière par rapport au soleil, et que le soleil lui-même n’est qu’un grain au milieu de myriades d’autres astres incandescents; il sait aussi que tout cela bouge. Une simple irrégularité dans cet enchaînement de mouvements sidéraux, l’interférence d’un astre étranger dans le système planétaire, une déviation de la trajectoire normale du soleil, ou tout autre incident cosmique, suffirait pour faire vaciller la terre au cours de sa révolution, pour troubler la succession des saisons, modifier l’atmosphère et détruire l’humanité. L’homme aujourd’hui sait par ailleurs que le moindre atome renferme des forces qui, si elles étaient déchaînées, pourraient provoquer sur terre une conflagration planétaire presque instantanée. Tout cela, l’“infiniment petit” et l’“infiniment grand”, apparaît, du point de vue de la science moderne, comme un mécanisme d’une complexité inimaginable, dont le fonctionnement est dû à des forces aveugles.

Et pourtant, l’homme d’aujourd’hui vit et agit comme si le déroulement normal et habituel des rythmes de la nature lui était garanti. Il ne pense, en effet, ni aux abîmes du monde intersidéral, ni aux forces terribles que renferme chaque corpuscule de matière. Avec des yeux d’enfant, il regarde au-dessus de lui la voûte céleste avec le soleil et les étoiles, mais le souvenir des théories astronomiques l’empêche d’y voir des signes de Dieu. Le ciel a cessé de représenter pour lui la manifestation naturelle de l’esprit qui englobe le monde et l’éclaire. Le savoir universitaire s’est substitué en lui à cette vision “naïve” et profonde des choses. Non qu’il ait maintenant conscience d’un ordre cosmique supérieur, dont l’homme serait aussi partie intégrante. Non. Il se sent comme abandonné, privé d’appui solide face à ces abîmes qui n’ont plus aucune commune mesure avec lui-même. Car rien ne lui rappelle plus désormais que tout l’univers, en définitive, est contenu en lui-même, non pas dans son être individuel, certes, mais dans l’esprit qui est en lui et qui, en même temps, le dépasse, lui et tout l’univers visible.”

Titus Burckhardt (1908–1984)

Science moderne et Sagesse traditionnelle

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“Lorsque la demeure islamique se remplit d’images et d’objets distrayants, et que l’on marche avec des souliers sur les tapis et les nattes, qui normalement sont réservés à la prière, l’unité de la vie islamique est rompue, et il en va de même quand les vêtements que l’on porte dans la vie courante ne sont plus adaptés aux rites de la shariah.
A ce propos, il faut remarquer que l’art islamique ayant pour fonction essentielle de créer un cadre pour l’homme qui prie, le vêtement y occupe un rang qui n’est pas négligeable, comme le rappelle ce verset : « O fils d’Adam, revêtez vos parures (zeynatakum) en vous approchant d’une mosquée » (Coran, VII, 31). Le costume masculin des peuples de l’Islam comprend une multitude de formes, mais il exprime toujours le double rôle que cette tradition impose à l’homme : celui de représentant et de serviteur de Dieu. De ce fait, il est à la fois digne et sobre, nous dirions même majestueux et pauvre en même temps. Il recouvre l’animalité de l’homme, rehausse ses traits, tempère ses mouvements, et facilite les différentes postures de la prière. Le vêtement européen moderne, au contraire, ne fait que souligner le rang social de l’individu, tout en niant la dignité primordiale de l’homme, celle qui lui fut octroyée par Dieu.
"Valeurs pérennes de l’art islamique”

Titus Burckhardt (1908–1984)

Mirror of the Intellect: Essays on the Traditional Science and Sacred Art

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“[Correspondance entre Massignon et Paul Claudel]
Si je vais là-bas, je pense prendre comme sujet "La langue arabe considérée comme moyen d'expression (traduisez pour nous : le témoignage de l'arabe en faveur du Verbe) et comme instrument d'action intellectuelle et sociale" (ou quelque chose d'approchant) - - Cela me permettrait de faire une révision exacte des auteurs et des tendances dominantes et d'en faire une critique "constructrice". Le difficile sera de tâcher de dégager (ce que nul philologue n'a fait jusqu'ici, hélas) de cette admirable langue sa logique fondamentale, l'ordre des idées dans le jeu normal et sain de sa syntaxe, logique qui doit nécessairement démolir le Coran et la Tradition comme des construction de guingois, destinées à remplir chez les Arabes l'ineffable rôle du Verbe et de l'Eglise. Je vous indique là, bien entendu la basse continue, la pédale harmonique de mes conférences, non pas leurs sujets effectifs précis que je tâcherai de cristalliser en un "Selectae" des textes arabes remarquables pour l'enchaînement solide des preuves et la loyauté des matériaux employés? Il y en a, dans tout les domaines de la pensée, Dieu merci!
J'aimerais que vous me parliez de la langue française à ce point de vue là, pour que mon travail puisse se guider sur une transposition de ce que vous trouvez, à ce point de vue, dans la langue française, d'"édifiant", de catholique. Hélas, pourquoi Dieu ne me permet-il pas de l'aller prier dans un pauvre coin, et se sert-il de ma lâcheté rivée au monde, pour saboter des tâches si peu à ma taille.
[Paul Claudel : Louis Massignon, Correspondance 1908-1953, « Braises ardentes, semences de feu », nouvelle édition renouvelée (1908-1914) et augmentée 1915-1953)
p230 (Lettre du samedi 10 août 1912)]”

Louis Massignon (1883–1962) islamologue français
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“Seuls sont créateurs des anormaux, seuls sont productif des normaux.”

Edgar Morin (1921) sociologue et philosophe français

Le vif du sujet, 1969

“En réalité, de multiples facteurs interviennent nécessairement dans des interactions circulaires au cours des processus qui organisent la vie mentale, sous ses aspects normaux comme ses déviations les plus caractérisées.

Ainsi, même dans les cas où l'on reconnait l'influence indéniable de facteurs génétiques ou d'atteintes du systèmes nerveux (plus ou moins dominant et à pénétrance variable; lésionnelles ou fonctionnelles), il n'est pas convenable d'aborder les faits cliniques observés en s'appuyant seulement sur un modèle neuropsychologique ou neurocognitif : il faut aussi prendre en considération les remaniements, qui sur ces bases, apparaissent puis se complexifient dans les échange et son entourage.

A l'inverse, dans d'autres cas, ce sont des carences ou des troubles relationnels qui semblent affecter en premier le sujet et ceci très tôt lors de son développement durant l'enfance. Les études sur la synaptogénèse et la plasticité du système nerveux ont montré que les conditions défavorables d'environnement peuvent alors modifier l'organisation et le fonctionnement des cellules nerveuses, jusqu'à induire des anomalies fonctionnelles ou anatomiques, au plan neurologique.

Ces faits conduisent à rejeter toute explication réductionniste, qu'elle se réfère à l'organogenèse ou à la psychogenèse, de façon à avoir une vision élargie des multiples paramètres qui, au travers d'interrelations dialectiques complexes, exercent leurs effets tout au long de l'histoire du sujet..”

Maurice Corcos psychiatre français

Qui a peur de la maladie mentale ?, 2015

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Cette traduction est en attente de révision. Est-ce correct?
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