“Nous devons à un chercheur marocain, M. Fawzi Skali, la transcription des enregistrements de conversations qu'il a eues, au cours de l'été 1986, avec divers notables religieux dans le cadre d'une enquête sur la « géographie spirituelle » de Fès. Parmi les personnes interrogées figure un ancien professeur à la Qarawiyyîn. Questionné sur le soufisme, il se déclare fort hostile aux « soufis extrémistes » (ghulât) parmi lesquels il compte Hallâj, Ibn Arabî, Ibn Sab`în… et Muhammad al-Kattânî, l’auteur déjà cité de la Salwat al-anfâs. Mais il affirme en même temps goûter les poèmes d’Ibn al-Fârid, de Shushtarî ou d’Al-Harrâq qu’on récite dans les séances : « Ils contiennent, dit-il, des sens si subtils, si spirituels! » La cohabitation chez le même homme de ces deux attitudes logiquement contradictoires est un fait que l’on peut souvent observer chez des musulmans qui, touchés par les courants réformistes, se présentent comme hostiles au soufisme ou, à tout le moins, comme partisans d’un soufisme « modéré » dont Ibn Arabî est bien évidemment exclu.”

An Ocean Without Shore: Ibn Arabi, the Book, and the Law

Dernière mise à jour 21 mai 2020. L'histoire

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“C’est à Ibn ‘Arabi que l’on attribue le rôle le plus éminent dans cette interprétation de plus en plus approfondie du principe féminin. Pour lui non seulement la nafs [âme] est féminine – comme c’est le cas généralement – mais aussi dhât, « essence divine », de sorte que la féminité, dans son œuvre, est la forme sous laquelle Dieu se manifeste le mieux (…) cette phrase savant exprime, en effet, parfaitement le concept d’Ibn ‘Arabi puisqu’il écrit au sujet de sa compréhension du divin :
« Dieu ne peut être envisagé en dehors de la matière et il est envisagé plus parfaitement en la matière humaine que dans toute autre et plus parfaitement en la femme qu’en l’homme. Car Il est envisagé soit comme le principe qui agit soit comme le principe qui subit, soit comme les deux à la fois (…) quand Dieu se manifeste sous la forme de la femme Il est celui qui agit grâce au fait qu’Il domine totalement l’âme de l’homme et qu’Il l’incite à se donner et à se soumettre entièrement à Lui (…) c’est pourquoi voir Dieu dans la femme signifie Le voir sous ces deux aspects, une telle vision est plus complète que de Le voir sous toute autre forme par laquelle Il se manifeste. »
(…)
Des auteurs mystiques postérieurs à Ibn ‘Arabi développèrent ses idées et représentèrent les mystères de la relation physique entre l’homme et la femme par des descriptions tout à fait concrètes. L’opuscule du soufi cachemirien Ya’qub Sarfi (mort en 1594), analysé par Sachiko Murata, en est un exemple typique; il y explique la nécessité des ablutions complètes après l’acte d’amour par l’expérience « religieuse » de l’amour charnel : au moment de ce plaisir extatique extrême – le plus fort que l’on puisse imagine et vivre – l’esprit est tant occupé par les manifestations du divin qu’il perd toute relation avec son corps. Par les ablutions, il ramène ce corps devenu quasiment cadavre à la vie normale.
(…)
On retrouve des considérations semblables concernant le « mystère du mariage » chez Kasani, un mystique originaire de Farghana (mort en 1543). Eve, n’avait-elle pas été créée afin que « Adam pût se reposer auprès d’elle », comme il est dit dans le Coran (sourate 7:189)? Elle était le don divin pour le consoler dans sa solitude, la manifestation de cet océan divin qu’il avait quitté. La femme est la plus belle manifestation du divin, tel fut le sentiment d’Ibn ‘Arabi.”

Annemarie Schimmel (1922–2003)

My Soul Is a Woman: The Feminine in Islam

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